Une ancienne employée de Rick Chiarelli bouleversée par le refus du projet de loi 5

Stephanie Dobbs est la plaignante no 2 dans le rapport du commissaire à l'intégrité sur la conduite du conseiller Rick Chiarelli. (Photo d'archives)
Photo : Richard Dufault
Une ex-employée de l’ancien conseiller municipal Rick Chiarelli, Stephanie Dobbs, se dit consternée et bouleversée par la décision de l’Assemblée législative ontarienne de rejeter le projet de loi visant à destituer les politiciens pour harcèlement et violence.
La majorité des élus provinciaux a voté, mercredi, contre le projet de loi 5, intitulé Loi de 2023 qui avait pour objectif d’encadrer les comportements de conseillers municipaux jugés inappropriés.
C'est blessant parce qu'ils essaient de tuer quelque chose qui aiderait à sauver des gens
, s'exclame Stephanie Dobbs.
Le pouvoir d'évincer un conseiller existe en cas d'irrégularité financière. Pourquoi nous soucions-nous plus de l’argent que de l’être humain?
Stephanie Dobbs fait partie d’une série d'employées avec lesquelles CBC s'est entretenue dans le cadre de plusieurs articles sur le comportement de Rick Chiarelli à l'égard de ses employées.

Plusieurs femmes ont allégué toute une série de mauvais comportements, dont l'organisation d'une sortie en boîte de nuit pour recruter des bénévoles et la pression exercée sur les femmes pour qu'elles ne portent pas de soutien-gorge ou, a contrario, portent des vêtements révélateurs. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada / Frédéric Pepin
Elle raconte, entre autres, que le conseiller a partagé avec elle des histoires sexuelles explicites et lui a fait des commentaires déplacés sur son corps pendant deux ans.
Inscrite à une maîtrise à l’Université Carleton, Stephanie Dobbs affirme qu'elle vit toujours avec un trouble de stress post-traumatique découlant de cette expérience.
Rick Chiarelli a toujours nié les allégations portées contre lui.

Plusieurs rapports de la commissaire à l'intégrité de la Ville d'Ottawa ont fait état de comportements « inappropriés » de la part de Rick Chiarelli. (Photo d'archives)
Photo : CBC / Giacomo Panico
Son salaire a été suspendu pendant 18 mois après trois rapports du commissaire à l’intégrité de la Ville d’Ottawa, qui révélaient son comportement inapproprié envers des membres de son personnel.
Cependant, la Ville n'avait aucun outil pour forcer Rick Chiarelli à remettre sa démission.
Dans la foulée de l’affaire Chiarelli, le député libéral d'Orléans, Stephen Blais, a tenté à deux reprises de faire adopter un projet de loi privé pour modifier la Loi sur les municipalités.
Les intérêts partisans ont fait obstacle, selon la conseillère municipale
Il y a près d'un an, les progressistes-conservateurs ont soutenu une première fois le projet de loi tout juste avant les dernières élections.
Maintenant qu'il n’a pas à affronter les électeurs avant trois ans, le gouvernement a décidé de tourner le dos aux victimes de harcèlement et d'abus sur le lieu de travail
, se désole Stephen Blais après la défaite de son projet de loi mercredi.
CBC a contacté plusieurs députés provinciaux de l'est de l'Ontario, dont Goldie Ghamari, de Carleton, et John Jordan, de Lanark-Frontenac-Kingston. Ces élus du Parti progressiste-conservateur ont refusé de parler de leur décision de voter contre le projet de loi 5.
Même son de cloche du côté de la députée de Brampton et aussi ministre associée des Perspectives sociales et économiques pour les femmes, Charmaine Williams, qui s'est prononcée contre le projet de loi à l'Assemblée législative.
Son bureau a exigé un préavis d'au moins deux semaines
et des questions à l'avance pour permettre une préparation adéquate
.
Le ministre des Affaires municipales, Steve Clark, a aussi décliné la demande d’entrevue.
Selon la conseillère municipale du quartier Somerset, Ariel Troster, les intérêts partisans ont empêché le projet de loi de passer en deuxième lecture. Les projets de loi d'initiative parlementaire présentés par les membres des partis d'opposition sont rarement soutenus par les partis au pouvoir.
Ariel Troster, qui assure la liaison avec le conseil municipal pour les questions relatives aux femmes et à l'égalité des sexes, a présenté le mois dernier une motion demandant au maire d’Ottawa, Mark Sutcliffe, d'écrire au premier ministre de l'Ontario, Doug Ford, pour lui faire part de son soutien au projet de loi.
Les maires des grandes villes de l'Ontario, l'Association des municipalités de l'Ontario et l'Association des municipalités rurales de l'Ontario ont tous appuyé les mesures contenues dans le projet de loi.
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Une version du Parti progressiste-conservateur du projet de loi pourrait voir le jour
Stephen Blais soutient que le parti au pouvoir travaille sur sa propre version du projet de loi 5.
Le ministre Steve Clark prépare sa propre version du projet de loi
, dit-il. Je le sais parce qu'il nous a consultés, moi et la porte-parole du NPD, à ce sujet il y a un an et demi. J'espère qu'ils présenteront leur propre projet de loi.

Le projet de loi déposé par le député libéral Stephen Blais avait failli être approuvé en troisième lecture au printemps dernier 2022, mais les élections provinciales l’en avaient empêché. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada / Frédéric Pepin
Interrogé à ce sujet par CBC, le ministre Steve Clark affirme que le gouvernement croit au processus démocratique local et nous faisons confiance aux électeurs pour demander des comptes aux politiciens locaux dans les urnes
.
Nous avons clairement indiqué que nous ne tolérerons aucune forme de harcèlement ou de discrimination sur le lieu de travail. Il est essentiel que chacun se sente en sécurité et respecté sur son lieu de travail. Nous continuerons à travailler avec tous nos partenaires municipaux pour garantir des lieux de travail sûrs et respectueux
, précise la déclaration.
En attendant, Stephanie Dobbs garde espoir qu'un projet tel que le projet de loi 5 puisse être adopté.
Je sais qu'il faut que ça se produise
, fait-elle valoir. Je ne veux pas que d'autres personnes passent par ce que j’ai vécu.
Avec les informations de Laura Glowacki, de CBC News