Les 5 défis environnementaux de Danielle Smith

Les enjeux environnementaux ont été pratiquement absents de la campagne électorale albertaine.
Photo : Radio-Canada, La presse canadienne, Istock
À peine réélue, la première ministre Danielle Smith s’en prenait à nouveau à Justin Trudeau et à ses politiques de lutte contre les changements climatiques. Les défis environnementaux auxquels l’Alberta est confrontée sont pourtant nombreux et nécessiteront des investissements massifs. Voici cinq chantiers environnementaux qui attendent le gouvernement du Parti conservateur uni.

L’Alberta produit 38 % des émissions polluantes du Canada, surtout en raison de son industrie pétrolière et gazière.
Photo : La Presse canadienne / Jason Franson
1. Adopter un plan climatique crédible
Le 19 avril, deux semaines avant le déclenchement des élections, le PCU a présenté son plan de diminution des gaz à effet de serre. Celui-ci évoque une cible de carboneutralité en 2050. La province ne s’engageait toutefois pas à l’atteindre. Le plan ne contenait d’ailleurs très peu de détails sur les moyens de diminuer des émissions de carbone de l’Alberta d’ici le milieu du siècle.
C’est dans 27 ans, rappelle Simon Dyer, directeur adjoint de l’Institut Pembina. Si vous voulez qu’on prenne votre plan au sérieux, vous devez avoir des cibles intermédiaires.
Le gouvernement fédéral vise par exemple une diminution de 40 % à 45 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030.
Quelle va être la contribution de l’Alberta à cette cible, demande Simon Dyer. Il nous faut des cibles pour 2030 et 2040 pour chaque secteur industriel.
L’Alberta produit 38 % des émissions polluantes du Canada, surtout en raison de son industrie pétrolière et gazière.
Danielle Smith mise avant tout sur des technologies qui n’ont pas encore fait leurs preuves à grande échelle, comme le captage du carbone, l’hydrogène et les réacteurs nucléaires modulaires. Si elles s’avèrent efficaces, elles mettront des années, voire des décennies à s’implanter.
Au lendemain de sa victoire, elle semblait surtout intéressée à en découdre avec Ottawa sur la transition énergétique et le plafonnement des émissions des sables bitumineux.
Ils savent qu'il existe une ligne dure à l'égard de tout ce qui pourrait nuire à notre économie, et que nous n'allons pas nous contenter d'assurer la "transition juste" de nos travailleurs du secteur pétrolier et du gazier qui perdront leurs emplois
, a-t-elle affirmé lors d’une entrevue sur les ondes de CBC.

L'Alberta produit plus de 1000 megawatts d'électricité solaire.
Photo : Radio-Canada / Emilio Avalos
2. Accélérer la transition vers l’électricité propre
À l’inverse, la production d’énergie solaire et éolienne n’a jamais été aussi abondante en Alberta. Par beau temps, la province produit maintenant plus de un gigawatt d’électricité grâce à ses éoliennes et ses panneaux solaires. L’entreprise grecque Mytilineos vient en plus tout juste d’annoncer un investissement de 1 milliard de dollars dans cinq projets de fermes solaires qui auront une capacité totale de 1,4 gigawatt.
L’objectif provincial de produire 30 % d’électricité renouvelable d’ici 2030 pourrait être atteint avec plusieurs années d’avance.
Malgré tous ces succès, Jason Kenney et sa successeure, Danielle Smith, ne mentionnent pratiquement jamais les énergies renouvelables. La première ministre croit, de plus, que la cible fédérale 100 % d’électricité propre en 2035 est inatteignable.
Ce manque d’intérêt n’inquiète toutefois pas la directrice de Solar Alberta, Heather MacKenzie. Elle rappelle que la croissance de la production est surtout propulsée par l’industrie privée. En 2015, le gouvernement avait un rôle à jouer pour démontrer la viabilité du solaire et de l’éolien, mais maintenant nous n’avons plus autant besoin que le gouvernement soit à l’avant-plan.
La parade est déjà là, le changement est en cours.
Des défis importants demeurent pourtant. La dernière centrale au charbon de la province doit fermer ses portes à la fin de l’année, mais plus de 70 % de l’électricité produite en Alberta provient toujours du gaz naturel.

Les bassins contiennent notamment des métaux lourds, de l’arsenic et des résidus d’hydrocarbures.
Photo : Reuters / Todd Korol
3. Nettoyer les bassins de décantation
Les quatre prochaines années seront déterminantes pour la gestion des déchets des mines de sables bitumineux. Ceux-ci sont, pour l’instant, conservés dans des bassins de décantation. On y retrouve près de 1400 milliards de litres de liquides et de solide contenant notamment des métaux lourds, de l’arsenic et des résidus d’hydrocarbures.
Ottawa souhaite commencer à relâcher une partie de l’eau contenue dans ces bassins d’ici 2025. Il faudra d’abord développer la réglementation sur la manière dont cette eau doit être traitée préalablement. Danielle Smith a pour sa part promis une transparence radicale de la part des autorités provinciales après les deux déversements qui ont eu lieu à la mine Kearl de la pétrolière Imperial.

L'Alberta compte plus de 328 000 puits de pétrole actifs, inactifs et abandonnés.
Photo : Radio-Canada / François Joly
4. Réduire le nombre de puits inactifs ou abandonnés
L’Alberta compte toujours plus 81 000 puits de pétrole et de gaz inactifs et 89 000 puits abandonnés, c’est-à-dire dont les infrastructures de surface ont été retirées, mais dont le site doit encore être décontaminé et ramené à son état naturel. À ceux-ci s’ajoutent 3118 puits orphelins pris en charge par la Orphan Wells Association de l’Alberta.
Danielle Smith avait évoqué l’idée de payer les entreprises pour qu’elles nettoient leur puits, une tâche dont elles sont légalement forcées de s’occuper. Cette proposition avait provoqué une levée de boucliers généralisée.
Le principe pollueur-payeur est un élément fondamental de l’industrie pétrolière et gazière alors nous sommes encore très préoccupés par cette idée de donner des crédits de redevance à des entreprises pour les encourager à faire ce qu’elles sont déjà censées faire
, explique le président de l’Association des municipalités rurales de l’Alberta Paul McLauchlin.

Les infrastructures humaines sont, pour la plupart, construites dans des corridors fauniques névralgiques.
Photo : Radio-Canada / François Joly
5. Protéger les écosystèmes
L’Alberta, comme le reste du monde, doit composer avec une crise de la biodiversité. Les groupes environnementalistes demandent à la province d’en faire plus pour atteindre l’objectif des Nations Unies de protéger 30 % des terres de la planète d’ici 2030. En ce moment, 15,6 % de l’Alberta fait partie d’une aire protégée, notamment grâce aux 5 parcs nationaux que compte la province.
L’un des rares engagements environnementaux contenus dans la plateforme du Parti conservateur uni était de poursuivre le développement des plans régionaux de protections des caribous. Deux d’entre eux ont jusqu’à présent été mis en place dans les régions de Cold Lake et du Lac Bistcho.
Ces plans ont des impacts réels. On voit des résultats concrets, même si je suis la première à dire qu’ils ne sont pas parfaits
, explique Gillian Chow-Fraser, gestionnaire des programmes sur la forêt boréale à la Société pour la nature et les parcs du Nord de l’Alberta.
Les défis demeurent cependant nombreux, notamment pour limiter l’impact des perturbations linéaires comme les routes et les lignes de profil sismiques.