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Des immigrants au Canada attendent jusqu’à 2 ans avant d’obtenir leur pension

Plus de 6800 dossiers d'expatriés en cours de traitement ont été soumis il y a plus d’un an, selon Service Canada.

Des mains sur un clavier avec le site web de Service Canada à l'écran.

Des milliers de dossiers de retraite d'immigrants au Canada et d'expatriés canadiens à l'étranger sont en attente depuis plus d'un an, selon Service Canada.

Photo : Radio-Canada / Greg Bruce

Prendre sa retraite quand on est immigrant au Canada ou expatrié canadien à l'étranger, c’est tout un casse-tête. Ils sont des milliers à devoir attendre plus d’un an – parfois même jusqu’à deux ans – avant de pouvoir toucher leur pension. Des demandeurs dénoncent aussi le manque de communication des autorités canadiennes.

Behrouz Nouralichahi tente depuis plus de deux ans d'obtenir ses prestations de retraite auprès de Service Canada. C'est une course contre la montre pour lui : l'aide financière qu'il reçoit pour son handicap prendra fin cet automne.

Je suis effrayé. Je n'arrive pas à dormir le soir parce que j'ai peur qu'un jour je me retrouve dans la rue.

Une citation de Behrouz Nouralichahi, immigrant français à Toronto

Le Français de 64 ans, qui est en congé d’invalidité depuis quelques années en raison d’une arthrose du dos, a dû abandonner son boulot dans une pâtisserie torontoise.

Son petit appartement au sous-sol d'une maison, dans le nord de la métropole, lui coûte près de 1000 $ par mois, ce qui gruge une grande partie de son budget. Pour ménager ses maigres revenus, il ne mange qu'un repas par jour. Je ne peux pas me permettre plus que ça. Je ne peux pas me permettre de la viande, affirme M. Nouralichahi.

Il dit être en contact avec le gouvernement canadien depuis plus de deux ans pour tenter de démêler le casse-tête de sa retraite, sans succès. Service Canada, pour sa part, se veut rassurant : même si le traitement d’un dossier occasionne certains retards, les prestations canadiennes sont déboursées rétroactivement à la date du dépôt de la demande.

Behrouz Nouralichahi prépare des pâtes dans sa cuisine.

Behrouz Nouralichahi, un immigrant français établi à Toronto, tente de démêler le casse-tête de sa retraite avec Service Canada, sans succès.

Photo : Radio-Canada / Greg Bruce

Mais cette garantie ne rassure pas M. Nouralichahi, qui n’a pas de coussin financier et qui compte sur cet argent pour subvenir à ses besoins. Comme vous savez, à Toronto, c'est extrêmement cher, s’exclame-t-il.

J'espère avoir ma retraite tranquillement, que je puisse vivre décemment. Je ne demande pas la lune, affirme l’homme, qui se déplace à l'aide d'une canne.

Passer par le Canada avant son pays d’origine

Bien d'autres immigrants font face à de tels défis. Même pour obtenir les prestations de leur pays d’origine, ils doivent d’abord passer par Service Canada. La gestion des dossiers de retraite s'inscrit dans le cadre d'ententes internationales sur la sécurité sociale. Le Canada en a signé avec une soixantaine de pays.

J'essaie de prendre un peu d'avance, affirme Jean-Laurent Groux, 65 ans, qui a soumis sa demande auprès de Service Canada en septembre dernier.

Œnologue au vignoble Stratus, dans la région du Niagara, il réduit progressivement ses semaines de travail depuis trois ans, en espérant pouvoir toucher ses revenus de retraite en janvier 2024. Il a reçu une lettre par la poste confirmant la réception de son dossier, mais depuis, c’est le silence radio.

Si ça n'arrive pas, ça va être un problème financier.

Une citation de Jean-Laurent Groux

Sa conjointe et lui prévoyaient d'aller visiter leurs familles et des amis en France l’hiver prochain.

On compte un petit peu là-dessus et on aimerait ne pas avoir à annuler nos vacances, dit-il. On a mis un peu d'argent de côté aussi en cas de coup dur, mais bon, il faudrait quand même qu’au mois de janvier, il se passe quelque chose.

Jean-Laurent Groux tient un verre de vin rouge.

Jean-Laurent Groux travaille comme œnologue au vignoble Stratus, dans la région du Niagara, en Ontario. Il espère toucher ses revenus de retraite en janvier 2024.

Photo : Radio-Canada

Des milliers de dossiers en suspens

Francine Watkins, conseillère des Français de l’étranger pour l’Ontario et le Manitoba, tente d’accompagner les expatriés à travers ce long processus. Elle leur conseille de déposer leur demande le plus tôt possible, mais avoue du même coup qu’elle a un peu les mains liées.

Ça prend environ deux ans pour que le dossier de retraite soit traité, donc ça peut mettre des gens en difficulté s'ils ne s'y prennent pas à l'avance, raconte-t-elle.

En tout, 6835 dossiers d’expatriés présentement en cours de traitement ont été soumis il y a plus d’un an, confirme Service Canada. Il s’agit ici de demandeurs qui peuvent bénéficier d’une pension canadienne en vertu d’une entente internationale sur la sécurité sociale, tels que des immigrants vivant au Canada ou des expatriés canadiens à l’étranger.

L'agence fédérale indique que seuls deux bureaux traitent ces demandes d'expatriés : à Fredericton, au Nouveau-Brunswick, et à Edmonton, en Alberta. Ces équipes comptent moins de 150 employés à temps plein.

Je pense que le Canada doit avoir un problème avec la gestion de tout ça. C'est pénible, affirme Behrouz Nouralichahi, qui peine toujours à obtenir des mises à jour de l’agence gouvernementale.

L'édifice de Service Canada à Fredericton.

Seul ce bureau de Service Canada à Fredericton et un deuxième à Edmonton traitent les dossiers de retraite des immigrants au pays et des expatriés canadiens à l'étranger. Ces équipes comptent en tout moins de 150 employés à temps plein.

Photo : Radio-Canada

Dans une déclaration envoyée par courriel, Service Canada admet que ces retards sont malheureux. Traiter ces demandes nécessite des échanges d’information entre différents pays, ce qui peut prendre plusieurs mois, voire parfois plus d’une année, précise une porte-parole.

Des communications qui laissent à désirer

Au-delà des longs délais, les demandeurs ont souvent l’impression d’être laissés dans l’ombre, sans moyen d’obtenir des réponses claires de Service Canada.

C'est un silence vraiment abyssal, soutient la conseillère consulaire Francine Watkins. Cette angoisse de ne pas savoir quand cela va aboutir. Pour certains retraités, c'est une question de précarité. Ils ont besoin de cet argent.

Jean-Laurent Groux déplore d’ailleurs que Service Canada lui envoie uniquement des lettres par la poste, plutôt que des courriels.

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Des communications par lettres très impersonnelles qui sont un petit peu d'un ancien temps, affirme le Français, qui aimerait pouvoir suivre le statut de sa demande en ligne et mieux comprendre ce qui explique ce blocage.

Mme Watkins estime que les gouvernements, tant au Canada qu’ailleurs dans le monde, devraient proposer un portail en ligne qui permettrait aux retraités d’obtenir facilement des renseignements sur le traitement de leur dossier de retraite.

Je pense que les gens seraient rassurés. C'est justement ce silence qui est très pesant.

Une citation de Francine Watkins, conseillère des Français de l’étranger pour l’Ontario et le Manitoba
Francine Watkins devant son ordinateur, dans son bureau à la maison.

La conseillère consulaire Francine Watkins tente d'aider autant que possible les expatriés français au Canada à naviguer le processus de demande de prestations de retraite, mais elle dit avoir les mains liées.

Photo : Radio-Canada / Greg Bruce

Service Canada affirme, de son côté, que les clients peuvent consulter l’état de leur demande en ligne, mais ce système ne fournit pas beaucoup de détails. Le dossier est libellé en cours jusqu’à ce que le processus soit terminé, après quoi le statut complet s’affichera.

Avant la pandémie, le traitement des dossiers se faisait presque exclusivement sur papier. Ces documents étaient ensuite acheminés d'un pays à l'autre par courrier. Pour accélérer le processus, l’agence fédérale a effectué un virage numérique. Ceci permet un triage et un traitement plus rapide, affirme une porte-parole.

Depuis deux ans, Service Canada a aussi implanté un service d’échange d’information électronique avec une quinzaine de pays partenaires, y compris la Belgique et l’Italie, ce qui a considérablement accéléré la communication.

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