ChroniqueCassatt - McNicoll, une exposition maladroite au Musée des beaux-arts de l’Ontario

Mary Cassatt, « Maternal Caress » (c. 1896)
Photo : Mary Cassatt / Philadelphia Museum of Art
La nouvelle exposition du Musée des beaux-arts de l'Ontario (AGO) est consacrée à la peintre américaine Mary Cassatt et à sa cadette la Canadienne Helen McNicoll.
Les deux femmes ont en commun d'être natives du continent nord-américain et d'avoir traversé l'Atlantique pour faire la majeure partie de leur carrière en France et en Angleterre, tout en conservant des liens forts avec leurs patries d'origine.
Malgré toute la bonne volonté de l'enthousiaste conservatrice des peintures européennes du musée et commissaire de l'exposition, Caroline Shields, le déséquilibre entre les deux carrières, l'importance distincte entre les deux artistes dans l'histoire de l'art et les qualités techniques de l'une et l'autre rendent la comparaison maladroite.
Immédiatement, la frise chronologique qui ouvre l'exposition apporte son lot d'interrogations. Si la mise en perspective dans le temps est particulièrement bienvenue pour ouvrir une exposition comparative, elle en fait aussi ressortir les incohérences.
Mary Cassatt s'installe à Paris aux débuts du mouvement impressionniste, à l'aube des années 1870. Elle en côtoie les principaux acteurs, puisqu'elle travaille aux côtés de Degas et Pissarro. Elle expose même au Salon des indépendants, l'événement qui rassemblait les artistes à rebours de l'art officiel.
Lorsqu'Helen McNicoll naît à Toronto en 1879, le mouvement est déjà avancé et elle s'y rattache donc de façon tardive, lorsque le genre sera bien accepté dans le monde de l'art.
La différence de niveau surgit dès les deux premières toiles, placées côte à côte, qui accueillent le visiteur.
Elles représentent chacune une femme en train de lire. À travers ce dispositif, le manque de finesse dans la technique de McNicoll est saisissant. Elle peint à l'huile sur toile, mais la grossièreté de certains de ses traits pourrait faire passer ses œuvres pour de la peinture à l'acrylique.
Cassatt parvient à bien mieux traiter la psychologie de ses sujets : la relation entre les personnages est particulièrement saisissante dans certaines toiles.

Les deux toiles de Mary Cassatt (à gauche) et d'Helen McNicoll (à droite) qui ouvrent l'exposition qui leur est consacrée au Musée des beaux-arts de l'Ontario (AGO)
Photo : Radio-Canada / Hadrien Volle
Des carrières asymétriques
Le déséquilibre continue à apparaître d'autant plus que les deux artistes traitent de sujets similaires et que l'exposition met en avant ces proximités thématiques. Il s'agit majoritairement de portraits d'enfants, de femmes au travail dans les champs ou dans des intérieurs.
Au fur et à mesure de la visite, on peut se questionner sur les motivations de rapprocher les deux artistes.
Peut-être que les équipes de conservation se sont laissées séduire par l'idée que l'aura de l'une, Mary Cassatt, augmentera celle de l'autre, Helen McNicoll, puisque l'AGO est l'établissement qui en possède la collection la plus vaste.
Néanmoins, et comme l'a rappelé Caroline Shields lors de la visite réservée à la presse, on doit à Cassatt un travail acharné pour la reconnaissance de l'impressionnisme outre-Atlantique avec, à la clé, certaines des plus belles collections du genre dans le monde.
Quant à McNicoll, même si elle s'est aussi distinguée dans un paysage alors dominé par les hommes, sa carrière a bien moins marqué l'histoire de l'art que celle de son illustre prédécesseure.

Helen McNicoll, « Sunny Days » (1910)
Photo : Helen McNicoll / AGO
Des allers-retours entre deux continents
L'exposition souligne que Mary Cassatt et Helen McNicoll ont été parmi les premières femmes à s'imposer dans le monde de l'art de la période, sans cacher que c'est aussi parce qu'elles en avaient les moyens. Ainsi, McNicoll voyage beaucoup, car c'est la fille du vice-président du Canadien Pacific.
C'est aussi grâce à leurs fortunes respectives qu'elles ont pu régulièrement se déplacer entre les deux continents, sur des paquebots en première classe, et œuvrer à la réception de leur œuvre.
Le travail de Mary Cassatt mérite à lui seul le déplacement. D'autant qu'il s'agit de sa première exposition majeure au Canada. Mais les œuvres de McNicoll ne semblent être accrochées que pour rappeler au visiteur le génie de la première.
Outre les peintures de celle-ci, il faut applaudir notamment la présence de ses Ten Prints qui rappelle la fascination des peintres de la fin du 19e siècle à Paris pour les estampes japonaises.
Ce témoignage souligne encore l'implication dans le tissu artistique de Mary Cassatt et donc dans l'histoire, alors qu'Helen McNicoll apparaît dans toute sa solitude - sans doute appuyée par sa surdité - au fil des œuvres exposées.
L'exposition Cassatt McNicoll - Impressionists Between Worlds se tient jusqu'au 4 septembre 2023 au Musée des beaux-arts de l'Ontario (AGO).