L’ex-militaire Martin Lévesque n’était pas délirant, selon l’expert de la poursuite

Le psychiatre Sylvain Faucher témoigne à la demande de la poursuite au procès de l'ex-militaire accusé de meurtre. Il est accompagné à sa droite par le procureur du DPCP, Me Matthieu Rochette.
Photo : Radio-Canada / Yannick Bergeron
Le psychiatre légiste de la poursuite le concède : « Indéniablement, M. Lévesque souffre d’un trouble de stress post-traumatique », indique dans son rapport le Dr Sylvain Faucher, qui a expertisé l’ex-militaire accusé de meurtre.
Il ajoute cependant qu'il lui paraît fort improbable qu’il ait souffert ou qu’il souffre d’un trouble délirant
, contredisant ainsi les conclusions de son collègue psychiatre légiste qui a témoigné pour la défense.
Martin Lévesque s'appuie sur l'expertise du Dr Gilles Chamberland pour présenter une défense de non-responsabilité criminelle, prétextant des troubles mentaux.

L'enquêteur Jonathan Hachey (à gauche) a mené l'interrogatoire de Martin Lévesque au lendemain du drame.
Photo : Sûreté du Québec
Tout comme le Dr Chamberland, le Dr Faucher a consulté la preuve en plus de rencontrer Lévesque, un vétéran de l'Afghanistan qui a tué une mère de famille dans la région de Portneuf le 10 septembre 2021.
Selon la thèse de la défense, un incendie allumé à l’arrière de la résidence de Lévesque quelques semaines avant le drame avait déclenché chez lui un délire de persécution.
L’année précédente, sa résidence de Saint-Raymond avait elle aussi été la cible de trois tentatives de vol, si bien qu’après l’incendie, Lévesque avait chargé ses armes pour se défendre et était entré dans un mode d’hypervigilance. Il dormait mal et faisait même des patrouilles sur son terrain en pleine nuit.

Le drame est survenu sur la rue Marlène, à Saint-Raymond.
Photo : Radio-Canada
Par contre, le Dr Faucher relève que déjà en 2017, le psychiatre traitant de M. Lévesque avait écrit dans une note que son patient faisait à l’époque des rondes sur son terrain.
Au surplus, le psychiatre et le psychologue qui ont traité Lévesque après sa sortie des Forces armées canadiennes et qui l’ont revu après son arrestation n'ont pas constaté chez lui un trouble délirant.

La casquette que portait Martin Lévesque au moment de son arrestation, avec l'inscription «Vétéran Afghanistan».
Photo : Sûreté du Québec
Le Dr Faucher a aussi fait ressortir une note de la psychologue de Lévesque, rédigée à la suite d’une rencontre qui a eu lieu le 19 août 2021, soit quatre jours après l’incendie.
Martin va bien. Il ramasse des fruits sur son terrain. Il dit se sentir bien avec des gens et seul aussi. Parlons d’Haïti, sa peine, son impuissance, mais aussi de résilience, de paix, d’amour, de spiritualité et d’entraide.
Le Dr Faucher rejette aussi la possibilité d’idées délirantes qui, si elles avaient existé, auraient disparu sans l’utilisation d’un traitement antipsychotique approprié
, se surprend-il.
Et la dissociation?
Les spécialistes qui traitent le militaire à la retraite soulèvent par contre tous deux l'hypothèse d’une dissociation pour expliquer son geste.
Ce n’est pas farfelu, mais les faits ne l'appuient pas
, a insisté Sylvain Faucher devant le jury.
Le Dr Faucher convient que le trouble de stress post-traumatique rend Lévesque susceptible d'avoir des épisodes de dissociation. Par contre, il ajoute que ce dont monsieur se plaint uniquement, c’est d’une absence de souvenirs entre la fin de la matinée du 10 septembre 2021 jusqu’au moment de son réveil dans une cellule du poste de police
.
Ainsi, cette amnésie n’est pas suffisante pour conclure qu’il n’a pas pu apprécier la nature et la qualité des comportements qu’il a adoptés.
Selon le médecin spécialiste, le tout aurait été facilité par l’effet désinhibant de l’alcool et peut-être du Rivotril
, entre autres.
Pour le Dr Faucher, l’état mental de l’ex-militaire n’était pas suffisamment perturbé par une psychopathie majeure pour l’empêcher de comprendre la nature des gestes qu’il a commis ou pour en apprécier la qualité, à savoir s’ils étaient bons ou mauvais
.
Le comportement de Martin Lévesque lors de son arrestation témoigne, selon le psychiatre, que l'ex-militaire pouvait faire la différence entre le bien et le mal.
Le fait qu’il récite, bien qu’en espagnol, [la prière du] Notre Père juste après son passage à l’acte et qu’il [demande] aux policiers de le tirer témoignent, selon nous, de cette compréhension et de cette appréciation
, conclut-il dans son rapport.
Le témoignage du Dr Sylvain Faucher doit en principe conclure la preuve de ce procès qui a débuté il y a un mois.
Les avocats vont présenter leurs plaidoiries la semaine prochaine et le jury devrait délibérer à compter de la semaine du 12 juin, selon le plan présenté par le juge François Huot.
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