Démissions au CIUSSS de l’Estrie-CHUS : Christine Labrie interpelle Christian Dubé

La députée de Sherbrooke, Christine Labrie, a proposé au ministre de la Santé de venir s'asseoir avec les gestionnaires démissionnaires du CIUSSS de l'Estrie-CHUS.
Photo : Radio-Canada
La vague de démissions de gestionnaires au CIUSSS de l'Estrie-CHUS s'est répercutée à l'Assemblée nationale mercredi. La députée de Sherbrooke, Christine Labrie, a questionné le ministre de la Santé, Christian Dubé, à ce sujet.
Au cours des dernières semaines, six chefs ou directeurs de département ont quitté leurs fonctions. Les Dres Annick Michaud et Marie-Laure Collinge ont respectivement démissionné, la semaine dernière, de leurs postes de cheffe du département de psychiatrie et de directrice adjointe des services professionnels (DSP). Deux semaines plus tôt, le Dr Benoit Heppell, chef du département de médecine générale du CIUSSS de l’Estrie-CHUS, et la cheffe du département de médecine d'urgence, la Dre Marie-Maud Couture, avaient fait de même. La directrice des services professionnels et la directrice du soutien à domicile, des services en gériatrie, en déficience et du trouble du spectre de l'autisme ont elles aussi fait savoir qu'elles démissionnaient.
Ces gestionnaires sont partis en dénonçant la lourdeur administrative, l'inertie, l'absence de gestion de proximité. Les mots qu'ils ont utilisés, je les ai entendus très, très souvent de la part des employés qui quittent pour les mêmes raisons depuis des années. En 2022, en Estrie, il y a un employé sur cinq qui a quitté son emploi. C'est impossible de croire l'administration qui dit que tout est sous contrôle avec autant de départs
, a d'entrée de jeu affirmé la députée de Québec solidaire.
Le ministre [de la Santé] a réitéré sa confiance envers la direction du CIUSSS de l'Estrie-CHUS. Est-ce que le ministre a rencontré les gestionnaires qui ont démissionné avant de réitérer sa confiance?
Je trouve ça intéressant que des gens qui critiquent le projet de loi 15 en disant que c'est centralisateur voudraient que le ministre se mêle de la gestion d'un CISSS ou d'un CIUSSS
, lui a-t-il répondu.
M. Dubé a indiqué avoir parlé plusieurs fois au PDG pour lui demander d'expliquer la situation
. Il lui a aussi demandé comment le Dr Stéphane Tremblay jugeait les raisons des gens qui ont quitté
. On est dans un changement de culture très important au CIUSSS de l'Estrie-CHUS
, a-t-il rappelé.
Christine Labrie est revenue à la charge avec une question complémentaire en soulignant que deux médecins-chefs lui avaient indiqué qu'ils avaient fait des recommandations qui répondaient aux besoins sur le terrain. Dans les deux cas, la direction a refusé d'écouter les médecins-chefs qui voulaient appliquer les recommandations du ministère. [...]. Est-ce que le ministre trouve ça normal que ni son ministère ni les gens sur le terrain ne soient en mesure de se faire écouter par la direction du CIUSSS?
Christian Dubé a rétorqué que si on voulait faire de la micro-gestion entre le ministère et le réseau, c'est exactement le contraire que le PL 15 [le projet de loi 15] veut faire. On veut décentraliser le réseau. On veut un changement de culture. On veut de la gestion de proximité. Si les médecins ne sont pas d'accord avec ces changements, c'est normal qu'ils veuillent quitter.
Christine Labrie a par la suite demandé que le ministre écoute [...] les gens qui ont démissionné, qui en ont très long à dire sur la cogestion dont le ministre nous parle mais qui n'ont pas l'impression d'en faire et qui s'inquiètent parce que les impacts des décisions, ce sont les patients qui les vivent. J'ai une proposition à faire au ministre : si je réunis les gestionnaires qui ont démissionné, est-ce qu'il est prêt à venir les écouter?
On peut faire de la micro-gestion avec la députée si elle veut, mais ce n'est pas le message que l'on veut passer, lui a-t-il répondu. J'ai dit qu'on allait suivre la situation. Des entrevues de sortie seront faites avec le ministère. [...] Il faut laisser aux gens en place les leviers [dont] ils ont besoin.
Déception chez les gestionnaires
L'un de ces médecins démissionnaires, le Dr Benoît Heppell, se désole des réponses de Christian Dubé. J'entends ça et je reçois ça avec une certaine tristesse que le ministre soit aussi peu réactif au fait que des gens, par découragement, quittent la gestion. [...] Ce n'est pas normal qu'on quitte. C'est le contraire de ce qu'il dit. On quitte parce que les changements ne sont pas arrivés. On quitte parce qu'il y a une centralisation extrême. On quitte parce qu'il y a une déshumanisation des décisions et non pas parce qu'on n'est pas en accord avec les décisions à venir.
Le ministre devrait entendre ça comme un signal d'alarme sur l'urgence d'agir sur les changements du réseau à apporter. C'est à la limite un peu insultant, comme gestionnaire, d'entendre ça. Le ministre n'a pas compris ce qu'on voulait dire.
Le Dr Heppell pense à ses collègues qui sont encore gestionnaires. Les inquiétudes doivent être énormes pour les gens qui entendent ça. Ils doivent se dire : "Est-ce que le ministre comprend bien la réalité que l'on vit et les changements que l'on doit apporter?"