L’or noir cède la place à l’hydrogène et à l’ammoniac au congrès d’Energy NL

Le ministre de l’Industrie, de l’Énergie et de la Technologie, Andrew Parsons, a prononcé un discours au congrès annuel d'Energy NL, mardi à Saint-Jean, à Terre-Neuve-et-Labrador.
Photo : Radio-Canada / Patrick Butler
Au congrès d’Energy NL, traditionnellement un rassemblement annuel de travailleurs et de cadres du secteur pétrolier, l’or noir cède la place à l’hydrogène et à l'ammoniac.
Le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador a mis fin à un moratoire sur la production d’énergie éolienne, le printemps dernier, et 19 sociétés tentent actuellement de construire d’immenses parcs éoliens pour alimenter des usines d’hydrogène et d’ammoniac.
Mardi matin, huit entreprises, chacune proposant son propre mégaprojet, ont fait le point devant les 600 personnes rassemblées au palais des congrès de Saint-Jean.
Ces projets pourraient produire entre 250 et 3000 mégawatts d’électricité. Par comparaison, le barrage de Muskrat Falls, au Labrador, produit 824 mégawatts. Les investissements possibles s’élèvent à des dizaines de milliards de dollars, selon les promoteurs. Des milliers de travailleurs seraient nécessaires.
Il y a vraiment beaucoup d’animation ici cette année
, affirme Charlene Johnson, présidente-directrice générale d’Energy NL, l’association commerciale des entreprises de ressources naturelles de la province. Il ne nous reste plus de billets depuis quelques semaines.
Parmi les projets détaillés mardi :
- EVREC propose un parc éolien de 3 GW (3000 mégawatts) près de Botwood;
- Everwind Fuels propose un projet d’au moins 2 GW dans la péninsule de Burin;
- World Energy GH2 propose un projet de 3 GW dans la région de Stephenville;
- Pattern Energy propose un projet de 750 MW à Argentia, dans l’est de la péninsule d’Avalon;
- NARL propose un projet de 750 MW, dont 150 MW seraient utilisés localement;
- ABO propose d’alimenter la raffinerie de Come By Chance en énergie propre;
- Brookfield Renewable propose un projet de 250 MW sur l’isthme de la péninsule d’Avalon.
Le gouvernement provincial n’a pas encore octroyé de permis d’utilisation de terres de la Couronne. Il n’a terminé aucune étude environnementale. Cependant, les promoteurs de certains projets promettent d’être fonctionnels d’ici 2026, un calendrier très ambitieux.
24 projets à l'étude
Au total, 24 projets sont à l’étude par le ministère de l’Industrie, de l’Énergie et de la Technologie. L’analyse des projets se fait en deux phases. Les candidatures retenues pour la deuxième phase seront connues dans les deux prochaines semaines
, selon le ministre responsable du dossier, Andrew Parsons.
Il faut y aller rapidement, mais il faut aussi s’assurer qu’on se crée cette nouvelle industrie de la bonne façon
, affirme le ministre, qui reconnaît que plusieurs pays tentent en même temps d'établir une industrie d'hydrogène et d'ammoniac. Mon objectif, c’est le succès à long terme du secteur.
Qu'est-ce que l'hydrogène vert?
L’hydrogène vert est le dihydrogène (H2) produit en utilisant de l’électricité à faible empreinte carbone, comme l’énergie éolienne. Sa production consiste à faire passer un courant électrique dans l’eau (H2O) afin de décomposer ses molécules et d’en extraire l’hydrogène.
L’hydrogène est ensuite utilisé pour en faire de l’ammoniac (NH3), qui est plus dense que l’hydrogène et donc relativement plus facile à transporter. Ce processus consiste à extraire de l’azote de l’air et à le combiner avec l’hydrogène.
La province ne pourra pas accepter la majorité des projets soumis, selon Sam Imbeault, vice-présidentchez Everwind Fuels, une entreprise qui construit déjà un mégaprojet d’éoliennes et d’hydrogène vert de 5000 mégawatts à Point Tupper, en Nouvelle-Écosse.
D’abord, pour qu’un projet soit rentable, il lui faut des centaines, voire des milliers d’hectares de terres pour les éoliennes, souligne-t-il. Plusieurs promoteurs risquent de s’intéresser aux mêmes terres, qui doivent se trouver près d’un port en eau profonde, par exemple. Il faut aussi s’assurer d’avoir assez de main-d’œuvre pour la construction.
Notre projet à Terre-Neuve demande une équipe de construction d’à peu près 5000 employés. Si chacun des projets demande 5000 employés en même temps, il n’y aura pas assez de travailleurs.
Quels projets seront retenus?
Combien de projets vont-ils réussir, selon lui? Il y aura plus qu’un projet, certainement [...]. Dans un monde idéal, j’aimerais voir de trois à cinq projets
, croit Sam Imbeault. Il faut qu'on donne assez d’espace pour que ce projet puisse avoir des phases subséquentes, qui vont être essentielles pour réduire le coût du produit avec les économies d’échelle.
Erika Taugher, directrice des carburants verts à Pattern Energy, qui vise à construire au moins 46 éoliennes ainsi qu'une usine d’hydrogène et d’ammoniac dans l’ouest de la péninsule d’Avalon, estime que le secteur de l’hydrogène vert est nouveau et que malgré l’animation au congrès mardi, la plupart des projets sont voués à l’échec.

Sam Imbeault est vice-président d'Everwind Fuels, une entreprise qui propose un mégaprojet d'éoliennes, d'hydrogène et d'ammoniac dans la péninsule de Burin, à Terre-Neuve.
Photo : Radio-Canada / Patrick Butler
En général, 90 % des projets dans le secteur ne sont pas assez solides
, affirme-t-elle. Elle souligne que sa compagnie dispose toutefois de 9000 acres de terres privées près du port d’Argentia, qu'elle a déjà construit des parcs éoliens dans des délais très serrés et qu'elle a déjà conclu des partenariats avec des groupes communautaires.
Les éoliennes ne pourront pas fonctionner à plein régime 24 heures sur 24 et devront dépendre du réseau d’Hydro Terre-Neuve-et-Labrador lorsqu’il n’y aura pas suffisamment de vent. Hydro devra analyser la capacité de son réseau de soutenir les projets proposés.
Le pétrole toujours présent
Si les organisateurs du congrès se réjouissent de la présence de plusieurs entreprises d’hydrogène et d’éoliennes, l’avenir du secteur pétrolier a quand même fait l’objet de discussions mardi. Le ministre Parsons a rappelé que la richesse pétrolière de sa province, qui a contribué à verser des milliards de dollars dans les coffres du gouvernement, aide à payer notre système de santé et nos services sociaux
.
Le président-directeur général d’ExxonMobil Canada, Lazaro Cosma, a fait le point sur les activités aux plateformes Hebron et Hibernia. Il y a aussi eu une présentation d'OilCo, la société de la Couronne responsable de la promotion du pétrole extracôtier, qui subventionne aussi la prospection au large de Terre-Neuve.
La présidente-directrice générale de l’Association canadienne des producteurs pétroliers, Lisa Baiton, a aussi fait état des investissements dans le pétrole terre-neuvien, dont on prévoit la stagnation autour de 1,5 milliard de dollars en 2023, même si, à l’échelle mondiale, les investissements dans la production vont atteindre 40 milliards, un nouveau record.