Combats au Soudan : la trêve jamais respectée, mais une nouvelle fois prolongée

Une voiture calcinée à Khartoum.
Photo : Getty Images / AFP
Les combats continuent de faire rage lundi soir au Soudan, mais les médiateurs saoudien et américain se sont félicités de la prolongation de cinq jours d'une trêve jamais respectée censée permettre l'acheminement d'une aide humanitaire vitale pour ce pays au bord de la famine.
Des habitants de Khartoum ont signalé à l'AFP des combats dans la banlieue nord et des tirs d'artillerie dans le sud de cette capitale de plus de cinq millions d'habitants.
Comme à l'accoutumée, l'armée du général Abdel Fattah al-Burhane et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo se sont mutuellement accusés d'attaquer, assurant ne faire que répondre à des assauts. Les FSR ont ainsi accusé l'armée d'avoir mené un raid aérien meurtrier à Khartoum lundi.
Washington et Riyad, de leur côté, notent chaque jour de nouvelles violations du cessez-le-feu
, mais sans jamais actionner les sanctions
ou le mécanisme de surveillance
qu'ils ont dit mettre en place à l'annonce de la première trêve.
Depuis son début, le 22 mai, des familles ont pu sortir rapidement pour acheter de quoi manger ou boire, et ce, pour deux fois plus cher qu'avant la guerre.
Cependant, des milliers d'autres familles continuent à se terrer chez elles, sans eau courante ni électricité pour beaucoup, par peur des balles perdues.
Les humanitaires, eux, n'ont pu qu'acheminer de petites quantités de nourriture ou de médicaments, car leur personnel ne peut pas se déplacer en raison des combats, et leurs cargaisons arrivées par les airs sont toujours bloquées aux douanes, disent-ils.
Désastre au Darfour
La situation est pire au Darfour, vaste région de l'ouest frontalière du Tchad, déjà ravagée par la guerre dans les années 2000, selon Toby Harward, du Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés.
Des combats sporadiques entre militaires et paramilitaires ces derniers jours à El-Facher, au Darfour-Nord, jusqu'à l'intérieur du camp de déplacés d'Abou Chouk, ont fait des victimes civiles
, dit-il.
Des maisons ont été pillées et des dizaines de milliers de personnes ont été de nouveau déplacées par ces combats qui constituent une violation flagrante du cessez-le-feu et qui empêchent la distribution d'aide humanitaire
, ajoute-t-il.
Au Darfour-Est, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), une trentaine de nouveau-nés sont morts dans un hôpital depuis le début des combats, dont six la même semaine, faute d'oxygène durant les pannes de courant
.
Depuis le début de la guerre, le 15 avril, plus de 1800 personnes ont été tuées, selon l'ONG ACLED. Plus d'un million d'autres ont été forcées de se déplacer ailleurs au Soudan et près de 350 000 en dehors du pays, selon l'ONU.
Les États voisins redoutent une contagion et réclament des aides à l'ONU qui, en retour, répète n'avoir reçu qu'une infime part des fonds de ses bailleurs.
Lundi, l'ONU a prévenu qu'avec la guerre, le Soudan a rejoint la liste des dix pays qui, sous peu, pourraient connaître la famine.
Dans quelques jours, la saison des pluies commencera et, avec elle, sa cohorte d'épidémies, du paludisme au choléra.
Le pays devra se débrouiller avec les trois quarts des hôpitaux hors service dans les zones de combat, selon le syndicat des médecins, et d'autres établissements hospitaliers débordés dans les zones épargnées mais où s'entassent les déplacés.
Si les belligérants ont accepté de prolonger la trêve, sur le terrain, les signaux ne sont pas à l'apaisement.
Multiples tractations diplomatiques
Après l'armée qui a rappelé ses retraités, des tribus de l'est du pays qui réclament des armes, le gouverneur du Darfour, un ex-rebelle désormais allié de l'armée, a appelé les civils à prendre les armes.
Le parti Oumma, le plus ancien du pays, évincé du pouvoir par le putsch mené en 2021 par les deux généraux désormais en guerre, a dénoncé une tentative d'entraîner le pays dans la guerre civile
.
Yassir Arman, un leader du bloc qui réclame un pouvoir civil, les Forces de la liberté et du changement (FLC), a accusé les partisans de la dictature déchue d'Omar El-Béchir de chercher à exacerber les différences ethniques
pour plonger le pays dans le chaos et pour que le peuple réclame leur retour.
Les FLC ont elles aussi mis en garde contre des appels à une guerre civile totale
, appelant les deux camps à suivre le plan de sortie de crise de l'Union africaine (UA).Cette dernière s'est redite prête samedi à appliquer une feuille de route au Soudan et les Européens lui ont apporté leur soutien.
Washington a dit soutenir cette initiative, mais à chaque soubresaut au Soudan, Américains et Saoudiens mènent un processus diplomatique parallèle aux efforts régionaux.
Trêve ou non, un nouveau danger restera présent : de plus en plus de projectiles n'ayant pas explosé jonchent les routes et même les immeubles, a averti l'ONU.