Horaires variables et travail déprimant, difficile pour le secteur funéraire de recruter
À la fin de 2022, 430 postes étaient vacants dans les maisons funéraires, les cimetières et les crématoriums selon Statistique Canada.

Léonce Dupuis plante un petit drapeau pour indiquer le futur occupant d'une tombe.
Photo : Radio-Canada
Il est 1 h 30 du matin et le téléphone de Léonce Dupuis sonne. Ce sont des policiers qui demandent au directeur de funérailles de la Maison funéraire Dupuis à Memramcook de s’occuper du corps d’une personne décédée.
Je savais que c’était un embaumement, puis un cercueil. Je suis venu [à la maison funéraire]. Je suis sorti d’ici à 5 h du matin
, raconte celui qui compte presque 50 ans d’expérience dans le domaine.
Toujours passionné par son travail, l’homme de 74 ans se passerait néanmoins de ces appels au milieu de la nuit. Mais, ces derniers mois, il a dû être de garde environ une fin de semaine sur deux, même s’il a entamé une retraite partielle il y a une dizaine d’années. Son fils est maintenant à la tête de l’entreprise familiale qui a perdu en août le seul employé capable de remplacer le directeur. Et, depuis, l’entreprise n’a pas pu trouver de remplaçant.

Léonce Dupuis et son fils Serge (à gauche)
Photo : Radio-Canada
430 postes au pays
Au pays, bien d’autres maisons funéraires se retrouvent dans une situation semblable, à un tel point que les rencontres entre les associations provinciales comprennent souvent des discussions sur le recrutement.
Le 9 mai, on a eu une rencontre avec toutes les différentes associations provinciales au Canada et, puis, lors de cette rencontre-là, c’était le sujet numéro un
, explique Simon Dubé, directeur pour la région centrale au conseil d’administration de l’Association des services funéraires du Canada.

Simon Dubé, directeur pour la région centrale au conseil d’administration de l’Association des services funéraires du Canada
Photo : Radio-Canada
À la fin de 2022, 430 postes au pays étaient vacants, ce qui comprend les maisons funéraires, les cimetières et les crématoriums selon Statistique Canada. Avant la pandémie de COVID-19, le recrutement n’était pas plus facile selon l’association. Mais, le nombre de postes vacants a rarement dépassé la barre des 300 au pays entre 2015 et 2020. Depuis la pandémie, c’est devenu la norme, atteignant même un sommet de 995 postes vacants au troisième trimestre de 2022.
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C’est pas une job de 8 à 5
Léonce Dupuis a commencé à travailler professionnellement dans ce domaine en 1974, parce qu’il l’a fait un peu toute sa vie.
C’est son père qui avait ouvert la Maison funéraire Dupuis et enfant, il restait près du téléphone à ligne fixe lorsque son père sortait la fin de semaine. Et, lorsqu’il recevait un appel, il appelait les commerces de la région pour tenter de joindre son père.

La Maison funéraire Dupuis à Memramcook
Photo : Radio-Canada
C’est pas une job de 8 à 5
, résume-t-il.
C’est d’ailleurs selon lui l’un de deux aspects qui complique le recrutement, l’autre étant la nature même du travail.
Léonce Dupuis se souvient d’une époque où il se chargeait des évaluations finales pour devenir embaumeur.

Léonce Dupuis de la Maison funéraire Dupuis
Photo : Radio-Canada / Frédéric Cammarano
Il dit avoir vu plusieurs jeunes talentueux et il pensait qu’ils allaient mener une longue carrière dans le domaine.
Deux, trois mois après ça, je voyais le directeur. "Comment que ton gars s’arrange? Il est pu avec moi. Il a laissé. Il voulait plus le faire"
, raconte-t-il en ajoutant que, souvent, c’est l’absence d’horaire qui était en cause.
Un travail parfois déprimant
L’autre élément qui complique le recrutement, c’est la nature même du travail.
À l’école secondaire, on dit pas qu’on veut devenir directeur de funérailles ou travailler dans une maison funéraire à moins qu’on a vécu une expérience et qu’on a vu comment que le directeur de funérailles a fait une différence
, explique, pour sa part, Simon Dubé de l’Association des services funéraires du Canada.
L’association a lancé une campagne depuis quelques années pour tenter plutôt d’attirer les anciens combattants, qui possèdent des compétences semblables
selon lui.
Léonce Dupuis reconnaît que c’est de l’ouvrage déprimant
, mais il assure qu’il est aussi possible d’en tirer une certaine satisfaction, ce qui lui fait apprécier son métier.
Par exemple, il explique que c’est lui qui s’est chargé des funérailles d’état réservées à l’ex-gouverneur général Roméo LeBlanc en 2009.

La pierre tombale de Roméo LeBlanc, à gauche du drapeau canadien
Photo : Radio-Canada
Ce jour-là, je suis venu creuser ici
, dit-il en pointant la pierre tombale du natif de Memramcook dans le cimetière de l’église Saint-Thomas. C’est un honneur. Qui est-ce qui aurait pensé que nous autres à Memramcook, un petit salon, aurait fait la funéraille à Roméo.
Il se souvient aussi d’avoir reçu une lettre d’une femme du Québec venue à la Maison funéraire Dupuis pour rendre hommage à un proche il y a plusieurs années.
Elle dit : "j’aurais jamais cru que j’aurais vu l’image d’un directeur de funérailles." [...] Elle dit : "j'ai le plus beau souvenir de toi. Quand tu parlais avec nous autres, tu riais, tu étais pas sérieux"
, raconte-t-il.
Léonce Dupuis espère aujourd’hui que plusieurs autres perçoivent ainsi les directeurs de funérailles et que certains choisiront comme lui d’en faire leur gagne-pain.