L’Inde, un des pays les plus pollués où l’environnement n’est pas une priorité

Fabrication de tuiles par l'entreprise Carbon Craft à partir de déchets industriels, dont certaines émissions de CO2
Photo : Gracieuseté : Carbon Craft
L’Inde est non seulement le pays le plus peuplé du monde, mais c'est aussi un des plus grands pollueurs et des plus pollués de la planète. Si de nombreuses initiatives locales voient le jour pour tenter de corriger la situation, plusieurs accusent les pouvoirs publics de ne pas contribuer suffisamment à la réduction de la pollution.
L'Inde compte 13 des 20 villes les plus polluées du monde. Au printemps, le smog y est si opaque et si étendu que, par moment, il est visible de l’espace. La qualité de l’air se dégrade, préviennent les environnementalistes.
Forte croissance démographique, dépendance au charbon pour le secteur énergétique, secteur de la construction qui roule à plein rendement, les causes en sont multiples et les victimes, nombreuses. La pollution atmosphérique y fait plus d’un million de morts par an.
Dans une petite entreprise émergente située à Hubli, près de Goa, on a fait le pari de réduire la pollution au carbone. Depuis trois ans, des déchets industriels – et certaines émissions de CO2 – y sont récupérés, stérilisés et réduits en fine poudre qui sert ensuite à fabriquer des tuiles.
Nous voulons aussi élargir notre gamme de produits et aider à construire un million de résidences au bilan carbone négatif d’ici 2030, affirme le fondateur de Carbon Craft, Tejas Sidnal. Nous espérons fabriquer presque tous les matériaux pour la construction.

Une tuile de Carbon Craft
Photo : Gracieuseté : Carbon Craft
De grandes entreprises qui se retrouvent dans le palmarès Fortune 500 ont signalé leur intérêt pour les tuiles de Carbon Craft. Certaines envisagent de changer les planchers de quelques bâtiments pour inclure les produits respectueux de l’environnement. Mais pour le moment, les tuiles de Carbon Craft ne sont vendues que dans 13 villes de l’Inde.
Le marché demeure quand même timide et il est encore tôt pour penser profits, explique Tejas Sidnal. Beaucoup d'entreprises hésitent à passer à l'action, car notre offre n'est pas encore très compétitive en termes de prix, reconnaît-il. C’est un nouveau produit.
Le fondateur de Carbon Craft veut croire que l’Inde, habituée, par nécessité, à recycler et à réutiliser les matériaux de toutes sortes depuis longtemps, adoptera ses produits.
Le recyclage des bidonvilles
Le recyclage est d'ailleurs un vaste marché de 50 milliards de dollars annuellement en Inde. Mais il s’agit d’une industrie fragmentée et désorganisée. On compte plus de 25 000 entreprises de recyclage dans le pays, allant des grands conglomérats aux simples travailleurs des bidonvilles de Mumbai.
À Mumbai, dans le bidonville de Dharavi, rendu célèbre depuis que le film primé Slumdog Millionnaire y a été tourné, des travailleurs de commerces improvisés effectuent un premier tri des petites montagnes de plastique de toutes sortes. Bouteilles, tabourets, anciens jouets, etc.

Récupération de plastique dans le bidonville de Dharavi, à Mumbai.
Photo : Radio-Canada / Philippe Leblanc
Dans une ruelle d’édifices rudimentaires en pierres, au milieu d’un petit atelier sans réelles mesures de sécurité, les plus gros déchets de plastique sont même fendus à la machette pour être revendus. Des débris de toutes sortes volent dans tous les sens.
L'opération recyclage se déplace ensuite dans des usines (de nom seulement!) suffocantes et enfumées. Le plastique y est fondu et le produit qui en ressort ressemble à du sable.
Les grains de plastique sont ensuite réutilisés dans un autre coin de bidonville pour fabriquer des jouets pour enfants et des pinces pour les cheveux.
Le plastique ne disparaîtra tout simplement pas, soutient Ajir Gupta, propriétaire d’un petit commerce où trois employés fabriquent des jouets. C’est une bonne chose qu’on réutilise le plastique à notre façon.
Comme plusieurs autres petits commerçants, Ajir Gupta s’est lancé en affaires dans ce domaine il y a quelques années, sans arrière pensée écologiste. Il a simplement vu l’occasion de faire des profits et de créer du travail à long terme pour faire vivre sa famille.
Si chaque petite initiative du genre doit être saluée, c’est loin d’être suffisant, selon l'environnementaliste Sumaira Abdulali.

L'environnementaliste Sumaira Abdulali.
Photo : Radio-Canada / Philippe Leblanc
Nous sommes chanceux d’avoir une jeune population indienne qui contribue à trouver des solutions. Mais les entreprises émergentes et autres initiatives environnementales ne reçoivent pas de financement gouvernemental adéquat. C’est ce qui manque.
Le gouvernement indien compte investir 3 billions de dollars pour la construction d'infrastructures de toutes sortes dans les prochaines années. La construction est un secteur extrêmement polluant. En revanche, les investissements du gouvernement pour améliorer la qualité de l’air ne sont presque rien. Ce n’est vraiment que quelques gouttes d’eau dans une gigantesque mer
, déplore-t-elle.
En plein rattrapage économique, l’Inde doit apprendre à concilier protection de l’environnement et croissance rapide.
