Droits des jeunes LGBTQ+ : la lettre ouverte de Blaine Higgs ne convainc pas
Le premier ministre du Nouveau-Brunswick a précisé ses motifs pour réexaminer la politique 713, qui établit les exigences minimales pour la sécurité des élèves LGBTQ+.

Blaine Higgs, premier ministre du Nouveau-Brunswick, Blaine Higgs, plus tôt ce mois-ci.
Photo : Radio-Canada / Michel Corriveau
Les explications du premier ministre du Nouveau-Brunswick, qui a clarifié dans une lettre ouverte vendredi ses motifs pour demander la révision de la politique 713, n’ont pas semblé convaincre ceux qui ont à coeur la sécurité des jeunes LGBTQ+.
La politique 713 (Nouvelle fenêtre), mise en place en 2020 par le gouvernement progressiste-conservateur du Nouveau-Brunswick, établit les exigences minimales afin que les écoles publiques soient des milieux sécuritaires pour tous les élèves LGBTQ+ dans la province.
Dans sa lettre (Nouvelle fenêtre) publiée par le Telegraph-Journal, le premier ministre Blaine Higgs indique que trois sections de la politique seront réexaminées : le droit des jeunes de ne pas partager avec leurs parents un changement informel de prénom ou de pronom à l’école, le choix de la salle de toilette à utiliser, et la participation des personnes transgenres aux sports scolaires.
Mettre les enfants directement en danger
Au moins, on est un petit peu moins dans le noir. On sait qu’est-ce qu'il s'attend de changer, mais ce qu'il s'attend de changer, c'est pas vraiment ce qu'on veut
, a résumé Caitlin Furlong, agente de communication de Fierté Dieppe Pride, dans un entretien samedi.
Il dit dans sa lettre qu'on va rendre la politique meilleure. Bien non, c'est pas rendre la politique meilleure. C'est en train de mettre les enfants directement en danger.
Dans les deux dernières semaines, un concert de voix s’est élevé pour demander le maintien de cette politique. La présidente de la Fédération des jeunes francophones du Nouveau-Brunswick (FJFNB), Clémence Langlois, ne lit dans la lettre rien de plus qu’une synthèse de ce que Blaine Higgs a mentionné ces derniers jours.

Clémence Langlois, présidente de la Fédération des jeunes francophones du Nouveau-Brunswick, samedi.
Photo : Radio-Canada / Babatundé Lawani
Ses propos n'ont pas changé par rapport à ce qu'il avait dit dans les dernières semaines
, observe-t-elle. Notre point de vue ne change pas particulièrement non plus.
On est encore vraiment conviancus que la politique 713 est d'une énorme importance dans les écoles, tout de suite, et on ne pense pas qu'une révision pour enlever certains aspects de la politique est la bonne chose à faire
, a déclaré Clémence Langlois, samedi.
Non, ça ne nous rassure pas du tout
, renchérit Caitlin Furlong, abasourdie par certaines des préoccupations de Blaine Higgs. Je comprends pas pourquoi qu'en 2023 on est encore en train d'avoir ce débat-là sur les salles de bain.
Le monde veut juste aller à la salle de bain. Personne n'est là pour une mission ultérieure. Le monde veut aller à la salle de bain et sortir.
D'avoir une personne trans qui va dans la salle de bain
, martèle Caitlin Furlong, ne va pas mettre d'autres personnes en danger. C'est plutôt eux autres [les personnes trans] qui vont se sentir en danger en rentrant dans ces salles de bain, en raison des médias, puis des stéréotypes qu'on propage envers les personnes qui sont transgenres.

Caitlin Furlong, agente de communication de Fierté Dieppe Pride, samedi.
Photo : Radio-Canada / Babatundé Lawani
Droits parentaux
Les personnes rencontrées samedi se sont en particulier attardées sur l’insistance du premier ministre à vouloir élever les droits des parents au-dessus de la sécurité de certains jeunes. La politique 713 stipule que, lorsqu’un élève utilise un autre prénom à l’école, que les autorités scolaires ne peuvent pas le révéler à ses parents sans l’accord du jeune.
Selon Blaine Higgs, cela ne respecterait pas le droit des parents d’être tenus informés
.
Les jeunes ont besoin d'un espace pour explorer la vie hors de la maison, selon une personne qui est passée par là. Alex Brownstein explique avoir fait son coming out à 15 ans auprès de ses camarades de classe et de professionnels de son école secondaire. Je ne l'ai pas dit à mes parents tout de suite. Ce n'était pas pour les exclure.
Dans un autre milieu, hors de la maison, je sentais un peu plus d'ouverture pour pouvoir m'exprimer au début et pouvoir tester avec mes amis d'une génération semblable comment ça allait aller. Ensuite, je l'ai dit à mes parents. Mais j'ai pu me sentir à l'aise et gagner cette confiance avec mes amis avant de le dire aux parents
, explique Alex Brownstein.

Alex Brownstein, samedi à Dieppe.
Photo : Radio-Canada / Babatundé Lawani
Dans sa lettre de vendredi, Blaine Higgs affirme que les enfants de moins de 16 ans peuvent changer leur prénom sans en informer leurs parents ni obtenir leur consentement
. Cela est inexact, puisque l’accord des parents est obligatoire pour un changement de nom légal, qui n’est pas du ressort de la politique713.
Encore une fois, pour les jeunes qui sont âgés de moins de 16 ans, si on fait des changements dans des documents administratifs, les parents vont être mis au courant
, résume Caitlin Furlong.
De façon informelle, n'importe qui dans notre jeunesse, on se faisait appeler des [surnoms] dans nos vies de tous les jours, puis les parents se faisaient jamais avertir. C'était jamais un problème. Ça devient juste un problème quand on parle des personnes qui sont trans
, soutient-elle.
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Alex Brownstein avance qu’il semble y avoir chez le premier ministre une incompréhension quant à la nature même de l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, qui ne sont pas des choix, dit-iel.
Moi, je suis une personne trans, non binaire, queer, gaie. Et si j'avais eu le choix, au secondaire, je n'aurais pas choisi de l'être! J'aurais choisi d'une personne cisgenre et hétérosexuelle
, déclare Alex Brownstein.
Le questionnement par rapport à mon identité de genre et mon orientation sexuelle m'a tellement traumatisé.e que j'avais des idées suicidaires à cause de ça. Est-ce qu'on dit que c'est ça qu'on veut créer dans nos écoles? Des idées suicidaires chez les jeunes?
Alex Brownstein ajoute qu’une représentation saine de la diversité sexuelle et de genre dans les écoles crée un milieu où les enfants peuvent se découvrir dans un espace sécuritaire.
Les écoles sont censées être un endroit sécuritaire, un endroit où les jeunes se sentent inclus et respectés. Cette politique justement assure ça, assure que les jeunes se sentent inclus et en sécurité
, mentionne de son côté Clémence Langlois, de la Fédération des jeunes francophones du Nouveau-Brunswick (FJFNB).
La FJFNB n'est pas contre la révision de la politique, tant que c'est pour amener des changements pour le positif
, dit-elle. Toutefois, elle ne croit pas que les motifs de préoccupations du premier ministre doivent mener à une abolition de certaines dispositions de la politique, ou à leur réforme en profondeur.

Manifestation de soutien à la politique 713, le 13 mai devant l'édifice de l'Assemblée législative du Nouveau-Brunswick, à Fredericton.
Photo : Radio-Canada / Isabelle Arseneau
La porte-parole jeunesse ajoute qu’elle voit d’un bon oeil la prise de position, dans la dernière semaine, de plusieurs membres du Cabinet de Blaine Higgs, qui ont affirmé leur soutien à la politique 713.
La cheffe de l’opposition libérale à Fredericton, Susan Holt, a quant à elle déclaré qu’elle compte se battre pour son maintien.
Nous sommes d’accord que la politique 713 est vraiment importante. C’est un gros travail de 10 ans pour créer cette politique, avec plusieurs experts. On veut protéger cette politique au complet
, a déclaré Susan Holt.
D’après le reportage de Babatundé Lawani