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Liberté universitaire : l’Université Laval et le malaise Patrick Provost

Le syndicat des professeures et professeurs promet d'avoir la direction à l'œil si elle tente de contourner sa propre politique sur la liberté universitaire.

Une affiche du logo de l'Université Laval.

L'Université Laval a adopté une nouvelle politique sur la liberté universitaire le 17 mai dernier.

Photo : Radio-Canada / Vincent Archambault Cantin

L'Université Laval annonçait récemment l'adoption d'une nouvelle politique sur la liberté universitaire, jugée plus « claire » et plus « robuste » par sa rectrice, Sophie D'Amours. Un doute plane cependant sur sa portée et la façon dont la direction compte en respecter les principes. Le malaise a un nom : Patrick Provost.

M. Provost, professeur au Département de microbiologie-infectiologie et d'immunologie de l'Université Laval, a été suspendu sans salaire à deux reprises au cours de la dernière année.

La plus récente suspension, d'une durée de quatre mois, prendra fin le 23 juin prochain. Elle devait se terminer le 23 mai, mais la direction a décidé de ne pas compter la durée de la grève des professeurs, survenue en mars dernier, et de repousser l'échéance.

Les deux suspensions ont été infligées à M. Provost après qu'il eut publiquement tenu des propos remettant en question l'utilisation des vaccins à ARN-messager contre la COVID-19, en particulier chez les enfants, ce qui va à l'encontre du discours scientifique majoritaire.

La première prise de parole qui lui a été reprochée a eu lieu lors d'une conférence donnée en décembre 2021, organisée par le mouvement citoyen Réinfo COVID Québec. La seconde était une entrevue accordée par M. Provost sur les ondes de CHOI Radio X à l'été 2022.

Des drapeaux flottent devant l'un des pavillons du campus universitaire.

Le campus de l'Université Laval

Photo : Radio-Canada / Vincent Archambault Cantin

Le chercheur, lui-même spécialiste de l'ARN (acide ribonucléique), a déclaré que les risques de la vaccination pourraient être plus grands que les bénéfices pour les enfants. Dans la foulée de ses interventions, il invitait la communauté scientifique à poser des questions et à lancer le débat sur les effets secondaires.

Des plaintes ont par la suite été formulées contre M. Provost à la direction de l'Université, notamment par des collègues.

Par deux fois, un comité disciplinaire, sous la responsabilité de la direction de l'Université Laval, a tranché que le professeur avait contrevenu à la Politique sur la conduite responsable en recherche. On lui a reproché, entre autres, de n'avoir volontairement retenu que certaines informations pour confirmer un biais défavorable aux vaccins à ARN-messager contre la COVID-19.

Patrick Provost pose devant la caméra.

Patrick Provost est suspendu sans salaire depuis le 23 janvier.

Photo : Twitter/@provost_patrick

Le professeur a fait appel des deux décisions rendues par l'employeur et dénonce une atteinte à la liberté universitaire. Il déplore une interprétation beaucoup trop large de ce qui constitue une activité de recherche et se dit victime de censure.

La cause est actuellement entendue devant un arbitre de grief.

Inquiétudes

Le cas Provost fait donc débat au moment où l'Université Laval vient d'adopter une nouvelle politique sur la liberté universitaire, une obligation prévue à la Loi sur la liberté académique sanctionnée l'an dernier à l'Assemblée nationale.

L'affaire soulève des inquiétudes au Syndicat des professeures et professeurs de l'Université Laval (SPUL), qui a accepté de défendre Patrick Provost en arbitrage.

Ce qui se passe en ce moment et qui oppose le syndicat de l'Université dans le cas Provost, ça pose des questions très sérieuses quant à la définition de la liberté académique du côté de la direction de l'Université Laval, affirme Louis-Philippe Lampron, président du SPUL.

Il y a des situations où les universités peuvent se dissocier des points de vue si elles trouvent que les propos sont trop controversés. [...] Mais d'aller jusqu'à sanctionner le collègue, ça va à l'encontre de la liberté académique.

Une citation de Louis-Philippe Lampron, président, Syndicat des professeures et professeurs de l'Université Laval

Professeur de droit et spécialiste des droits et libertés de la personne, M. Lampron salue l'adoption de la nouvelle politique sur la liberté universitaire. Mais étant donné l'affaire Provost, il doute encore de sa portée et de l'application qu'en fera l'administration D'Amours.

Louis-Philippe Lampron accorde une entrevue à Radio-Canada à l’intérieur d’un pavillon du campus universitaire.

La politique sur la liberté universitaire est officiellement entrée en vigueur le 17 mai, après son adoption par le conseil d'administration de l'Université Laval. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada

Confiance à bâtir

Sa crainte est de voir certaines politiques et règlements institutionnels primer sur la politique protégeant la liberté universitaire. Autrement dit, il s'inquiète de voir la liberté universitaire s'arrêter là où d'autres règles commencent.

En théorie, la politique de l'Université Laval garantit le droit d’exprimer son opinion sur la société, sur un établissement d'enseignement, y compris sur l’Université, ainsi que sur toute doctrine, tout dogme ou toute opinion.

Mais quelques paragraphes plus bas, un élément bien précis de la politique, calqué sur la loi provinciale, vient ouvrir une brèche, selon M. Lampron. Ce droit à la liberté académique doit s’exercer en conformité avec les normes d’éthique et de rigueur scientifique généralement reconnues par le milieu universitaire et en tenant compte des autres droits et obligations des membres de la communauté universitaire, peut-on lire dans le document.

Dans le cas Provost, c'est la Politique sur la bonne conduite en recherche qui a été invoquée. Selon Louis-Philippe Lampron, l'Université Laval a instrumentalisé sa propre politique pour justifier ce qui, pour nous, est une restriction injustifiée.

Sophie D’Amours en entrevue.

L'administration de la rectrice Sophie D’Amours devra démontrer son sérieux dans la protection de la liberté universitaire, selon Louis-Philippe Lampron. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada

Comme la Commission permanente sur la liberté académique (COPLA) l'a fait en décembre dernier dans l'affaire Provost, le syndicat affirme que l'Université Laval interprète de façon trop large ses règlements, en plus de s'être imposée en juge et partie.

On a en effet confié à un comité disciplinaire, sous la responsabilité directe de l’employeur, ce qui aurait dû être l’objet d’une évaluation impartiale et indépendante menée par des pairs, écrivait la COPLA cet hiver.L'Université Laval a adopté une posture qui soumet la liberté universitaire du professeur-chercheur au droit de gérance de l’employeur.

La COPLA et le SPUL croient qu'il revenait aux autres membres du corps professoral de répondre directement aux commentaires de Patrick Provost sur les vaccins en prenant l'espace public, plutôt qu'à un comité disciplinaire de l'Université Laval.

L'une des craintes est de voir des professeures et professeurs renoncer à leur droit de parole par crainte de représailles.

Pas une caution

Qui plus est, les sanctions de la haute direction ont été appliquées alors que cette dernière savait qu'elle aurait l'obligation de se conformer à la loi provinciale, et donc de garantir la liberté universitaire à toutes les personnes y ayant droit.

Considérant cet éventuel précédent, M. Lampron aura à l'œil le comportement de l'Université Laval. Selon lui, il faudra voir à l'usage avant de faire entièrement confiance au nouveau processus.

La liberté académique, comme pour la liberté d'expression, ça n'a aucunement vocation à protéger le discours consensuel, que ce soit scientifique ou autre. Ça a juste vocation à permettre à la science de se faire librement.

Une citation de Louis-Philippe Lampron

Louis-Philippe Lampron rappelle que le syndicat ne cautionne en rien les propos tenus par M. Provost au sujet des vaccins à ARN-messager. La démarche, dit-il, va au-delà du cas Provost.

On n'est pas là pour défendre ou infirmer ce que Provost dit. Le cœur du litige pour nous, c'est la question de savoir si l'Université Laval avait la légitimité de le sanctionner pour ce qu'on lui reproche, en fonction des critères utilisés par la direction, dit-il. Et à son avis la réponse est non.

Selon la nouvelle politique, un comité indépendant recevra les plaintes de la communauté étudiante, du corps professoral ou des chargés de cours. Patrick Provost ne pourra y avoir recours, alors que seuls les cas d'atteinte à la liberté universitaire survenus après le 17 mai seront pris en compte.

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