Inflation : le défi d’une famille à faible revenu

Andréa Dufour tient la petite Malya, un mois.
Photo : Radio-Canada / Claude Bouchard
L’inflation a touché toutes les couches de la société au cours des derniers mois. Si certains doivent couper dans le luxe, d’autres revoient carrément la recette du pâté chinois. En toute humilité, la famille de Tommy Bouchard et Andréa Dufour, installée à L'Ascension-de-Notre-Seigneur, au Lac-Saint-Jean, nous a ouvert les portes de son quotidien.
Parler d’argent n’est pas chose facile, particulièrement lorsqu’il s'agit de révéler son revenu. Tommy Bouchard et Andréa Dufour ont trois enfants : William, trois ans, Océanne, un an, et la petite dernière, Malya, un mois. Ils peuvent compter sur un revenu qui varie de 35 000 à 40 000 $ par année, en plus des allocations familiales. Le nouveau papa touche actuellement des prestations du Régime québécois d’assurance parentale (RQAP) en plus des allocations familiales.
Repenser le panier d’épicerie
L’augmentation des prix est arrivée graduellement. Au fil des mois, ils ont dû revoir leur façon de faire l’épicerie. Comme pour le pâté chinois, au lieu d'acheter du steak haché, on achète du porc haché. [...] T'es capable d'en faire deux pour le prix d'un. Tu en fais geler un, tu fais ton souper avec l'autre
, explique le père. Ils fréquentent aussi l’épicerie communautaire Moisson d’Alma.
On fait ce qu’on peut et non ce qu’on veut
, concède Tommy Bouchard.
Andréa Dufour se fait rassurante : il y a toujours de la nourriture sur la table. Mais pour y arriver, ce n’est pas toujours simple.

Tommy Bouchard joue avec la petite Océanne, un an.
Photo : Radio-Canada / Claude Bouchard
Des fois, il faut décider qu’on va laisser passer la facture de courant ce mois-ci pour aller chercher à manger pour tout le monde
, mentionne la mère.
Prioriser certains achats
Pour habiller les enfants, ils trouvent le nécessaire à La Nichée d’Alma. La friperie est gratuite, souligne la directrice Diane Tanguay. Les parents qui s’y approvisionnent doivent toutefois faire le plein de vêtements uniquement pour leurs propres enfants.
Ils peuvent venir magasiner, partir avec un gros sac, un petit sac, ça n'a pas d'importance.

La directrice générale de La Nichée, Diane Tanguay.
Photo : Radio-Canada / Laurie Gobeil
Avec trois enfants, les dépenses d’Andréa et de Tommy doivent être réfléchies. Certaines sont prioritaires. Par exemple, la petite Océanne a récemment eu droit à des chaussures neuves.
Pour elle, c'est mieux que sa cheville soit bien tenue, vue qu'elle est hyperlaxe. Elle est trop flexible un peu pour la normale. [...] Donc, on lui a acheté des souliers plus de qualité que, mettons, William.
En ce qui concerne les loisirs, les parents choisissent des activités en famille plutôt que des activités de couple afin que tout le monde puisse en profiter.
Retourner travailler?
La question était inévitable : plusieurs voudront savoir pourquoi Andréa ne retourne pas sur le marché du travail.
Andréa répond que le couple est revenu vivre dans la région depuis environ un an. Ils avaient bel et bien déniché une place en garderie pour leur fils William, mais la petite Océanne venait de naître. Trouver une place pour un poupon s’avérait ardu, confie la mère.
Je me suis dit : "Pourquoi garder elle et envoyer lui en garderie?" Finalement, Malya arrive, alors là, c’est rendu impossible
, raconte Andréa en riant.

William, trois ans, est le plus vieux de la famille.
Photo : Radio-Canada
Travaille à la sueur de ton front [à la maison] et tu vas avoir du plaisir, au moins
, résume Tommy Bouchard.
Les parents moins fortunés qui fréquentent les services de La Nichée font parfois face à des préjugés, relève Diane Tanguay. Prenez le temps d’écouter et regardez comme il faut, avance la directrice. La famille, c’est le noyau principal de l’enfant. L’enfant, où il se trouve le mieux, c’est avec son parent. Il y a des choix de parents, des fois.
Que faire?
Au Saguenay–Lac-Saint-Jean, 12 000 personnes vivent sous le seuil du faible revenu. Les plus récentes données de l’Institut de la statistique du Québec datent de 2019.
La directrice de La Nichée croit qu’il existe une façon concrète d'aider les familles comme celle de Tommy et Andréa. Soutenir les organismes communautaires. On est le filet social pour aider ces personnes-là, lance Diane Tanguay. Quand on fait des demandes sur nos Facebook : "On cherche telle affaire. Faites marcher vos réseaux, et cetera." C'est de même que vous pouvez nous aider.
L’aide de l’État
Le Collectif pour un Québec sans pauvreté voit les choses d’une autre façon.
Le communautaire, excusez-moi l'expression, n'a pas à passer la gratte derrière les manquements de l'État.

Serge Petitclerc est porte-parole et analyste politique pour le Collectif pour un Québec sans pauvreté.
Photo : Radio-Canada / Anne-Sophie Roy
Il faut d'abord et avant tout que les gens aient l'argent dans les poches pour qu'ils soient capables de subvenir à leurs besoins, affirme son porte-parole, Serge Petitclerc. Ça, ça passe par des crédits d'impôts, par du soutien au revenu, ça passe par une intervention de l'État, ça passe par le contrôle du loyer, ça passe par des contrôles des hausses de tarifs du moins des sociétés d'État. Là-dessus, on a du contrôle.
Le cabinet du ministre des Finances, Eric Girard, réplique que le gouvernement a déployé son bouclier anti-inflation l’automne dernier. Il a permis de soulager les Québécois de plusieurs façons, notamment grâce au plafonnement des [hausses de] tarifs gouvernementaux à 3 %
, écrit Claudia Loupret, attachée de presse du ministre des Finances. Elle a par ailleurs rappelé que le gouvernement a offert des montants ponctuels à deux reprises. Certains Québécois ont reçu 1100 $.
Consultation en cours
Pour sa part, le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale (MESS) ajoute qu’une consultation est en cours afin de préparer le prochain Plan d’action gouvernemental pour l’inclusion économique et la participation sociale.
Le MESS rappelle qu’un plan de plus d’un milliard de dollars a été élaboré pour les organismes communautaires, dont 80 % du montant vise à soutenir directement leur mission jusqu’en 2027.
Loin des considérations politiques, entre les boires de la petite dernière et les comptes à payer, Tommy et Andréa espèrent une baisse des prix à la consommation.
C’est niaiseux, mais juste les couches, ça nous a pris des couches pour les trois, ça nous a coûté 70 $. 70 $! C’est rien que des couches!
illustre Tommy Bouchard.
Le couple prend les choses une journée à la fois et se concentre sur sa plus grande richesse : William, Océanne et Malya.