•  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Les seuils d’immigration voilés du gouvernement Legault

Le statu quo ou 60 000 immigrants? Ce sont les scénarios que la CAQ propose, mais le véritable nombre, si le second est retenu, pourrait facilement dépasser les 70 000. Explication.

(De gauche à droite) La ministre de l’Immigration Christine Fréchette, le premier ministre François Legault et le ministre de la Langue française Jean-François Roberge.

La ministre de l’Immigration, Christine Fréchette, le premier ministre, François Legault, et le ministre de la Langue française, Jean-François Roberge, ont dévoilé leurs prochains seuils d'immigration du Québec.

Photo : Radio-Canada / Sylvain Roy Roussel

C’est une petite ligne qui n’est pas sans importance. « Selon ce scénario, les niveaux n’incluent pas les admissions des personnes sélectionnées dans le PEQ volet diplômés du Québec. »

Un astérisque, à la page 59 du Cahier de consultation tout juste rendu public, comme celui qu’on retrouve dans les conditions générales d'achat d’un billet de spectacle ou d’avion, qui peut avoir un effet majeur en cas d’annulation ou de modification.

En réalité, en tenant compte de cette information primordiale, le gouvernement Legault envisage de hausser les seuils d’immigration permanente à un niveau qui va bien au-delà des 60 000 admissions d’ici 2027. Vous avez raison. François Legault l’a d’ailleurs reconnu, sans hésitation, en réponse à une question en conférence de presse.

Quel serait finalement le chiffre réel d’immigrants admis? Difficile à déterminer avec précision. Mais avec cette donnée, cette cible devrait augmenter significativement de quelques milliers de personnes. Au minimum.

Près de 70 000 immigrants pourraient être admis

Tous les trois ans, habituellement, le gouvernement présente ses orientations, sa volonté, ses objectifs en matière d’immigration. Ces éléments sont diffusés avant une consultation publique, et les intervenants peuvent y faire part de leur opinion, remarques et suggestions.

Normalement, comme c’est le cas dans chaque plan d’immigration, les personnes sélectionnées dans le Programme de l’expérience québécoise (PEQ) - qui vivent, travaillent ou étudient déjà au Québec - font partie de la section Travailleurs qualifiés. Une catégorie que le gouvernement caquiste cible particulièrement, puisqu’il peut y imposer des critères de connaissance de la langue française.

Exceptionnellement, cette année, Québec a donc diffusé un portrait comptable incomplet, même si l’idée caquiste ne fait pas l’ombre d’un doute.

« Les étudiantes et étudiants étrangers diplômés de nos programmes francophones nous apparaissent comme des candidats idéaux. »

— Une citation de  Extrait du mot de François Legault, dans le « Cahier de consultation »

Le premier ministre Legault louange, dans ce cahier de consultation, les étudiants étrangers francophones. Ces personnes constituent un bassin exceptionnel où recruter de nouveaux Québécois et de nouvelles Québécoises, écrit-il. Un enthousiasme réitéré devant les médias.

D’ailleurs, l’automne dernier, soit quelques semaines après avoir jugé « suicidaire » d’accueillir plus de 50 000 immigrants annuellement au Québec, François Legault avait changé de ton. Comme l’avait révélé Radio-Canada, son gouvernement affirmait alors en coulisses être finalement ouvert à une hausse des cibles, notamment pour les étudiants francophones.

L’idée présentée cette semaine n’est donc pas une surprise.

Un autre scénario pour la forme?

Exceptionnellement, Québec a présenté deux scénarios pour les prochaines cibles d’immigration permanente. Une hausse des seuils ou le statu quo, avec 50 000 admissions annuellement, jusqu’en 2027.

Les consultations, à la fin de l’été, sont censées aider le gouvernement dans sa prise de décision. Mais les chances de voir l’option du statu quo aboutir sont quasi nulles, selon nos informations.

Au gouvernement, que ce soit dans l’entourage de François Legault ou auprès de Christine Fréchette, la ministre de l’Immigration, l’idée d’une hausse de l’immigration économique a toutes les faveurs. Les discussions publiques devraient aller également dans le même sens, puisque le milieu des affaires défend ce scénario.

Aucune limite pour les étudiants francophones

Près de 26 000 personnes ont bénéficié du PEQ - Diplômés entre 2018 et 2021, dont plus de 8000 lors de cette dernière année. Une baisse a ensuite été observée l’an passé, avec la mise en place des réformes de l’ex-ministre de l’Immigration, Simon Jolin-Barrette, qui souhaitait limiter l’accès à ce programme, jugé trop populaire en exigeant une expérience de travail.

Nombre de certificats de sélection du Québec délivrés pour le PEQ - Diplômés

  • 2018 : 5146
  • 2019 : 4867
  • 2020 : 8088
  • 2021 : 8068
  • 2022 : 1958

Le gouvernement Legault vient cependant de faire sauter tous les verrous limitant l’accès au PEQ. Il sera donc plus facile et plus rapide, pour ces étudiants, de rester au Québec, sans se soucier d’un renouvellement de permis.

Ces changements étaient réclamés par le milieu des affaires et le monde de l’enseignement, qui sont en concurrence avec de nombreuses provinces canadiennes et plusieurs pays pour attirer des étudiants et des talents internationaux.

Le nombre d’étudiants étrangers au Québec a d’ailleurs atteint cette année un niveau record. On en comptait plus de 54 000 dans les universités et environ 7000 dans les cégeps. Soit plus de 61 000 personnes.

Conjugué à la hausse du taux d’admissions des étudiants africains francophones (Nouvelle fenêtre) au Québec, très prisés par les cégeps régionaux, le nombre de prétendants au PEQ pourrait donc atteindre prochainement une nouvelle croissance.

Dans ses orientations, Québec vise l’admission en continu de ces étudiants. Il n’y aurait aucune limite.

Il n’est donc pas illusoire de penser que les vrais seuils d’immigration pourraient grimper, annuellement, jusqu’à 70 000 immigrants. Soit, grosso modo, la proposition du Parti libéral du Québec et de Québec solidaire lors de la dernière campagne électorale.

Pourquoi ne pas l’avoir mentionné clairement dans le Cahier de consultation? Dans les coursives de l’Assemblée nationale, il est question d’une comptabilité créative volontaire, de jeux politiques, d’un débat sensible et même d’une crainte d’une nouvelle remontée dans les sondages du Parti québécois, le seul qui s’oppose clairement à une hausse des seuils.

Des seuils qui seront, quoi qu’il arrive, historiques. Et qui ne prennent pas en compte les quelque 346 000 immigrants temporaires actuellement sur le territoire du Québec.

Vos commentaires

Veuillez noter que Radio-Canada ne cautionne pas les opinions exprimées. Vos commentaires seront modérés, et publiés s’ils respectent la nétiquette. Bonne discussion !

En cours de chargement...