Un an après sa retraite, Laurence Vincent Lapointe ne regrette rien

Laurence Vincent Lapointe termine sa deuxième année d’études en physiothérapie à l’Université de Montréal. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers
« Ça fait du bien de vivre un autre cheminement. Je n’ai pas encore commencé à m'ennuyer. » Laurence Vincent Lapointe se plaît dans sa nouvelle vie. Un peu plus d’un an après avoir annoncé sa retraite, le 4 avril 2022, la double médaillée olympique de canoë ne regrette en rien sa décision… et ses études en physiothérapie lui laissent très peu de temps pour y réfléchir!
On est très très très occupés, donc je n’ai pas le temps de me dire que je m’ennuie encore du sport. Je pense que c’est assez frais dans mon cheminement. Un an, ça ne paraît pas long, mais dans la vie d’un athlète… moi, j’ai ramé pendant 18 ans, donc un an c’est quand même pas très long
, lance Vincent Lapointe, qui a su trouver du temps dans son horaire chargé pour s’entretenir longuement avec Radio-Canada.
Par contre, une chose est claire dans son esprit : ce n’est pas dans mes plans
d’effectuer un retour à la compétition. Si elle revient, ce sera comme thérapeute.
La Trifluvienne termine sa deuxième année d’études en physiothérapie à l’Université de Montréal. Elle a été acceptée pendant les Jeux de Tokyo en 2021. Ce plan d’après-carrière sportive en poche, la transition des plans d’eau vers les bancs d’école s’est faite rapidement. On sait que souvent le passage des Jeux à l’après c’est un creux pour les athlètes qui est quand même difficile à vivre. Puis moi, je voulais être sûre d’avoir quelque chose. Effectivement, je n’ai même pas eu le temps de respirer beaucoup. Je suis entrée immédiatement à fond de train dans mon programme, mais je pense que j’ai bien fait ça. Je pense que c’était ce qu’il me fallait tout de suite après les Jeux
, enchaîne-t-elle.
La rigueur imposée par son passé d’athlète la suit quotidiennement, notamment dans la façon de s’organiser et de gérer la pression. Il n’y a aucun examen qui est assez stressant pour que pour que j’en manque de sommeil, comparé à des compétitions à l’international
, ajoute Vincent Lapointe.
Laurence Vincent Lapointe jouit maintenant d’une plus grande liberté. Peut-être même trop, rigole la jeune retraitée.
« C’est dur de trouver la motivation de faire des choses pour nous-même quand on n’a personne qui est là pour nous surveiller, nous aider. »
Je me rends compte que la gestion du temps vient du fait qu’on est extrêmement encadrés en tant qu’athlète. Puis là, tout à coup, quand tu es par toi-même, c’est de recommencer à gérer toutes ces choses par toi-même. Des fois, il faut dire que je suis quand même assez bonne sur la procrastination, j’y travaille!
Celle qui célébrera samedi son 31e anniversaire se concentre sur des activités qui l’intéressent dans le but de contrer les potentielles pertes de temps dans son horaire. À l’entraînement, loin de l’eau, les contraintes sont moins nombreuses. Exit les craintes de blessures et de fatigue avant une compétition d’envergure. C’est quand même agréable de voir l’envers de la médaille.
Sa plus grande réalisation au cours de la dernière année? Survivre à mes sessions
, répond-elle sans hésitation.
L’olympienne à la retraite
Si le canoë n’occupe plus une aussi grande place dans la tête de Laurence Vincent Lapointe qu’à une autre époque, difficile d’en dire autant dans son cœur.
Elle suit, quand le temps lui permet, les épreuves de la Coupe du monde et a gardé contact avec ses anciennes coéquipières.
Vincent Lapointe s’est aussi fait tatouer les anneaux olympiques sur un avant-bras. Des fois, ça m’aide à me souvenir que je suis allée
. Signe que l’expérience relève encore du rêve.
C’est un processus de toujours se dire : "Je suis passée au plus haut point qu’un athlète peut atteindre"
, raconte celle qui assume pleinement son titre d’olympienne à la retraite
, comme elle le dit. Je suis très très fière de ce que j’ai fait. Puis j’y pense des fois. Mais je suis aussi passée à un autre niveau
, sourit-elle.
À preuve, la médaillée d’argent et de bronze aux Jeux de 2021 n’est pas particulièrement nostalgique au moment où les athlètes entament la dernière année d’un cycle olympique.
Notre année précédant les Jeux a été une année extrêmement chargée
, rappelle Vincent Lapointe, évoquant notamment la COVID-19 qui a perturbé l’entraînement des athlètes. J’avais juste l’impression de me pousser, vraiment de tout donner. C’est quelque chose qui est très très très exigeant, donc je ne m’ennuie pas de cette partie-là.
Sacrée 13 fois championne du monde et détentrice de nombreux records mondiaux, Laurence Vincent Lapointe a pu compter sur le soutien des Canadiens tout au long de sa carrière de près de 20 ans et est devenue au fil du temps un visage familier.
Ça m’est arrivé dans la rue de me faire crier mon nom! Ça me fait chaud au cœur quand le monde dit : "on t’a suivie, on est vraiment fiers de toi!" Je pense que le cheminement que j’ai eu en tant qu’athlète a quand même marqué beaucoup de monde
, raconte-t-elle.
Un legs immense, un combat qui se poursuit
Il y a les exploits sur l’eau, mais aussi ceux réalisés hors de l’eau. Les canoéistes féminines étaient jusqu’en 2021 exclues du programme olympique. Laurence Vincent Lapointe en a fait son cheval de bataille tout au long de sa carrière.
Elle affirme sans détour que cet accomplissement a été le point culminant de sa carrière.
« C’est quasiment une plus grosse réalisation que mes médailles. »
Parce que c’est quand même assez incroyable d’avoir été là au début, puis d’avoir été là jusqu’à la fin
, dit-elle, émotive de savoir que ça ne devrait pas changer
.
Fière du combat qu’elle a mené, Laurence Vincent Lapointe constate que beaucoup de travail doit encore être fait pour atteindre l’égalité entre les hommes et les femmes dans le sport. Elle n’a qu’à regarder la situation des joueuses de soccer canadiennes qui réclament de Canada Soccer un support financier similaire à celui que les hommes ont reçu pour la Coupe du monde au Qatar, ainsi que l’équité salariale.
C’est drôle parce qu’on dit toujours qu’en 2023, depuis une couple d’années peu importe, qu’on est égalitaire dans le sport, qu’on a l’égalité des salaires… Moi, plus ça va, plus je vois les inégalités et plus ça me décourage
, lance l’ex-olympienne. Les athlètes féminines, ce n’est pas parce qu’elles s’entraînent moins. Pourquoi elles n’ont pas le droit au même salaire? Pourquoi elles n’ont pas le droit aux mêmes avantages?
« Ça prend des années de travail acharné pour se rendre à ce niveau-là. Puis on les traite comme si ce n’était pas la même chose que le sport masculin. Je trouve que c’est ridicule. »
Arrêtez de vous vanter de l’égalité des sports si vous n’êtes pas capable de donner l’égalité des sports
, plaide Laurence Vincent Lapointe.
Chose certaine, les épreuves féminines de canoë font partie du programme olympique pour les Jeux de Paris, en 2024. Elle les regardera assurément d’un œil différent. Peut-être pourrait-elle même être plus qu’une simple téléspectatrice! Vincent Lapointe indique qu’elle ne refuserait pas l’invitation, si elle se présentait, pour analyser les épreuves de ses anciennes coéquipières au Stade nautique de Vaires-sur-Marne à la télévision.
La double médaillée olympique a eu la chance de goûter à l’expérience lors des mondiaux de 2022 en Nouvelle-Écosse à deux reprises à titre d’invitée.
C’était vraiment le fun, donc je ne serais pas contre qu’on m’invite. Je serais très flattée
, dit-elle.