Plus du quart des enseignants non légalement qualifiés en 2020-21, pointe la VG
Les audits de Guylaine Leclerc, vérificatrice générale, doivent contribuer à une meilleure gestion des fonds publics.
Photo : Radio-Canada / Sylvain Roy Roussel
Le dernier rapport de la vérificatrice générale établit que plus du quart des enseignants embauchés au Québec pour l'année 2020-2021 n'étaient pas légalement qualifiés pour leur mission.
Cette situation affecte la qualité des services éducatifs dispensés aux élèves du primaire et du secondaire
, résume la vérificatrice générale Guylaine Leclerc, qui a déposé la somme de ses travaux d'audits à l'Assemblée nationale jeudi.
Il s'agit donc de plus de 30 000 enseignants, principalement des suppléants, embauchés sans formation qualifiante en enseignement. La plupart d'entre eux (26 000) ne possèdent aucune autorisation délivrée par le ministère de l’Éducation, qui ne connaît pas non plus leur niveau de diplomation.
Ces 26 000 recrues ne détiennent ni brevet d’enseignement ni permis probatoire ou autorisation provisoire pour le faire
, a expliqué la vérificatrice générale aux journalistes.
« C'est très préoccupant que le ministère ne connaisse pas le nombre de ces enseignants non légalement qualifiés ni leur niveau de connaissances. »
Cette situation déjà décriée a des répercussions sur les classes : plusieurs élèves subissent des changements d’enseignants répétés, ce qui nuit à leur réussite scolaire, selon diverses études
, relaie le rapport.
Quant à la pénurie de personnel invoquée pour justifier le recours à ces embauches, elle demeure mal comprise, les centres de services scolaires audités ne disposant pas d’une information complète et fiable sur ses causes ni sur les enjeux qui y sont liés
.
Les raisons des démissions ne sont pas documentées. Il n'existe pas, non plus, de données sur le profil des enseignants non légalement qualifiés. De son côté, le ministère de l'Éducation est incapable de déterminer exactement le nombre de postes à pourvoir et de cerner les taux de rétention de la profession, détaille la vérificatrice générale.
« Des initiatives ont été prises pour pallier cette pénurie, mais elles sont gérées à la pièce. Ce qui fait qu’il n’y a pas de vue d’ensemble. »
Plus de 180 pages dissèquent l'utilisation des fonds publics dans trois domaines ciblés : le personnel enseignant, mais aussi l'octroi de contrats de gré à gré dans le réseau de la santé et des services sociaux, ou encore l'accès aux services médicaux pour les patients souffrant de troubles mentaux graves.
Concurrence en berne
L'audit s'est penché spécifiquement sur les contrats publics offerts de gré à gré dans le réseau de la santé et des services sociaux, une pratique qui s'est généralisée avec le décret d'urgence sanitaire, a relevé Mme Leclerc.
Ce type de contrats autorise une négociation directe avec un seul fournisseur sélectionné sans concurrence, ce qui a favorisé la hausse des coûts, mais aussi renforcé le lien de dépendance avec certaines entreprises.
Dans l'ensemble des 22 CISSS
et CIUSSS, 73 % des contrats ont été proposés de gré à gré, recense la vérificatrice générale.La dépense en main-d’œuvre indépendante pour les soins infirmiers et les soins d’assistance a doublé ces quatre dernières années. Alors qu'elle s’élevait à 14,4 millions de dollars en 2016-2017, elle est passée à 25,5 millions en 2019-2020 et à 50,5 millions en 2021-2022.
De plus, l'expiration en décembre d'un arrêté ministériel plafonnant les tarifs liés à la main-d'œuvre a laissé libre cours à de fortes augmentations
.
Ces données proviennent de l'audit de trois établissements, le CISSS
de la Montérégie-Centre, le CIUSSS de l’Estrie – Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke, ainsi que le CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal.En outre, les contrats passés de gré à gré ont pu engendrer un risque de dépendance envers certains fournisseurs
, pointe le rapport en citant l'exemple d'une plateforme de prise de rendez-vous en ligne pour laquelle Québec a investi 1,3 million de dollars, et n'en détient aucun droit.
Pourtant, les coûts par rendez-vous liés à l’utilisation de cette plateforme, négociés par le ministère, ont fortement augmenté en quelques années pour les trois établissements que nous avons audités
, peut-on lire dans l'analyse.
Dans un autre chapitre, Guylaine Leclerc a aussi relevé des failles dans la continuité des services pour les patients ayant des troubles mentaux graves (schizophrénie et trouble dépressif majeur, entre autres). Les taux de réhospitalisations sont évocateurs : 28 % des cas hospitalisés pour trouble de santé mentale ont dû l'être à nouveau, six mois plus tard.
L’accès aux soins et aux services représente un réel défi
pour nombre de ces malades, notamment en raison du manque de ressources d’hébergement adéquates.
De telles ruptures ouvrent la porte à des agissements criminels entraînant la judiciarisation ou l’incarcération
, prévient Mme Leclerc.
« Lorsque les personnes atteintes d’un trouble mental ne peuvent accéder à des services, qu’elles sont prises en charge tardivement ou qu’elles n’obtiennent pas un traitement approprié, ce sont tous les coûts sociétaux qui augmentent inutilement. »
En conférence de presse, Mme Leclerc a illustré ces prises en charge tardives à Montréal et à Québec : la fermeture, la nuit, de l'Institut universitaire en santé mentale de Montréal pousse les patients à se diriger d'abord aux urgences de l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont.
À Québec, un patient souffrant de trouble en santé mentale attend en moyenne 45 h sur civière avant d’être transféré à l'Institut universitaire en santé mentale de Québec, a indiqué la vérificatrice générale.
Les travaux d’audit ont porté sur les trois années comprises entre le 1er avril 2019 et le 31 mars 2022.