La Nouvelle-Écosse, bientôt une île? Des travaux réclamés plus rapidement
Des élus et résidents craignent l'inondation de l'isthme de Chignecto en raison de l'intensité des tempêtes en Atlantique

Michel Grattan, résident de Amherst, craint les tempêtes plus fréquentes et plus intenses des dernières années en Atlantique. Il craint une inondation de sa maison.
Photo : Radio-Canada / Michèle Brideau
« Chaque fois que du mauvais temps s'en vient, je suis un peu nerveux », avoue Michel Grattan, qui vit depuis 20 ans à Amherst, à l'entrée de la Nouvelle-Écosse.
Sa maison est située à quelques pas de l'immense étendue de marais de l'isthme de Chignecto. L'été, l'herbe est plus haute que ma tête. Les herbes bougent comme les vagues sur la mer. C'est beau à voir.
Mais les jours de tempête, il est inquiet.
Ça m'effraye un petit peu, ça c'est vrai. Ça me rend nerveux. Je me demande si on va être forcés de partir. C'est un isthme et il y a de l'eau des deux bords.

La maison de Michel Grattan est située tout près des marais de l'isthme de Chignecto.
Photo : Radio-Canada / Michèle Brideau
Un isthme est une bande de terre étroite joignant deux territoires et séparant deux plans d'eau. Entre le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse, l'isthme de Chignecto est sous le niveau de la mer.
À l'ouest, il y a la puissante baie de Fundy reconnue pour ses marées les plus hautes au monde. À l'est, c'est le détroit de Northumberland.
Des digues, construites dans les années 1600, retiennent l'eau de la baie de Fundy et préviennent l'inondation de ce territoire plat et marécageux.

L'isthme de Chignecto est la bande de terre qui relie la Nouvelle-Écosse au Nouveau-Brunswick et donc au reste du Canada.
Photo : Radio-Canada
« Ce serait un désastre »
Michel Grattan se demande souvent si l'intensité et la fréquence des tempêtes qui frappent la région, ces dernières années, feront céder les digues, qui sont des infrastructures de terre.
Il pense notamment à la tempête post-tropicale Fiona.
Lorsqu'elle a violemment touché terre, en septembre 2022, l'eau et le vent ont fait énormément de dégâts dans les quatre provinces atlantiques, détruisant notamment des maisons et déplaçant des chalets.

Des résidences détruites par la tempête post-tropicale Fiona à l'Île-du-Prince-Édouard, en septembre 2022.
Photo : CBC
Le maire d'Amherst pense régulièrement à la force des tempêtes qui malmènent l'Atlantique.
David Kogon rumine plusieurs scénarios catastrophes. Il se demande ce qui arriverait si une tempête de la force de Fiona fonçait droit sur l'isthme de Chignecto lors des marées hautes.
C'est une situation extrêmement menaçante pour Amherst. Jusqu'à un tiers de la ville pourrait se retrouver sous l'eau. Ce serait un désastre.

Le maire d'Amherst, David Kogon, craint que des digues cèdent si une énorme tempête comme Fiona fonce droit sur l'isthme de Chignecto.
Photo : Radio-Canada / Michèle Brideau
L'île de la Nouvelle-Écosse?
Des scientifiques estiment que la Nouvelle-Écosse pourrait devenir une île d'ici 75 ans en raison de l'augmentation du niveau de la mer.

L'isthme de Chignecto est plat et marécageux.
Photo : Radio-Canada
Les gouvernements de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et du Canada sont d'accord sur la nécessité d'agir. Ils se donnent 10 ans pour élever les digues et entreprendre d'autres travaux de protection. C'est du moins ce qu'a recommandé un rapport l'année dernière.
Mais 10 ans, c'est trop tard, affirme le maire Kogon.
Nous pourrions avoir une inondation majeure avant 5 ou 10 ans. Nous demandons aux gouvernements d'accélérer, dans la mesure du possible, la protection de l'isthme.
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À l'entrée de la province voisine, la ville de Tantramar (anciennement appelée Sackville) longe également les marais de l'isthme.
Une résidente, Sabine Dietz, presse à son tour les gouvernements d'accélérer le lancement des travaux.
Elle est la directrice générale de CLIMAtlantic, un organisme sans but lucratif qui cherche des façons de s'adapter aux changements climatiques.
Il faudrait vraiment être conscient que le risque est réel. C'est pas quelque chose qui va seulement arriver en 2100. Non! Excusez-moi. Regarde ce qui est arrivé avec Fiona.

La directrice générale de CLIMAtlantic, Sabine Dietz, croit que les gouvernements ne réalisent pas l'urgence de la situation.
Photo : Radio-Canada / Michèle Brideau
« Un problème national »
Le maire de Tantramar, Andrew Black, répète à qui veut bien l'entendre qu'il faut agir beaucoup plus vite que ne le suggèrent les gouvernements.
Même une inondation partielle de quelques semaines aurait des conséquences énormes sur la sécurité des communautés et l'économie, selon lui.
Il affirme que l'autoroute transcanadienne et le chemin de fer pourraient être inondés. D'ailleurs, les trains côtoient déjà l'eau sur une partie de leur trajet.

Un train de marchandises traverse l'isthme de Chignecto tout près de l'eau.
Photo : Radio-Canada
Je pense que les gens ne comprennent pas l'ampleur des conséquences et du risque d'inondation. C'est un problème national.
Un corridor commercial important
Andrew Black rappelle que l'isthme de Chignecto est un important corridor commercial entre la Nouvelle-Écosse et le reste du Canada, notamment parce que des navires de partout dans le monde accostent au port d'Halifax, puis envoient leur cargaison dans les autres provinces et aux États-Unis en passant par l'isthme.
Ces échanges commerciaux équivalent à plus de 50 millions de dollars par jour, selon les données que brandissent les maires Andrew Black et David Kogon.

Il y a un va-et-vient constant de camions et de trains de marchandises dans l'isthme de Chignecto.
Photo : Radio-Canada / Michèle Brideau
Une inquiétude qui persiste
Michel Grattan sait que les gouvernements ont l'intention de faire des travaux. Il se demande à quel moment il y aura une première pelletée de terre.
Ils disent les bons mots. Je suis heureux de ça. Mais ils ne font rien. Alors, n'importe quoi peut arriver.
M. Grattan a acheté deux pompes et une génératrice pour protéger sa maison des inondations.
Le scénario catastrophique ne se produira peut-être jamais et M. Grattan pourra peut-être continuer de vivre paisiblement chez lui, près des marais. Mais son inquiétude persiste.