•  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Hausse de la demande dans les banques alimentaires : des solutions durables réclamées

Des bénévoles organisent une distribution de denrées alimentaires.

En mars, les banques alimentaires de l’organisme torontois Daily Bread ont enregistré un record de près de 270 000 visites.

Photo : CBC/Sara Jabakhanji

Devant des banques alimentaires au bout du rouleau, et une demande qui bat des records à travers le pays, la recherche de solutions à moyen et long terme se fait de plus en plus pressante. Des innovations agroalimentaires jusqu’à une stratégie nationale d’alimentation dans les écoles, des Ontariens proposent des pistes de réponse.

C’est mercredi. Au rez-de-chaussée d’un immeuble résidentiel pour aînés de Scarborough, les gens vont et viennent, sacs à la main. Les conserves, fruits et autres aliments de base rangés sur les tables disparaissent un peu plus vite chaque semaine.

Cette banque alimentaire, ouverte un jour par semaine, a servi 220 clients avant 14 h.

En ce moment, on sert un peu plus de 7500 clients [par semaine] dans l’ensemble de nos programmes d’aide alimentaire urgente. Pour vous donner un peu de contexte, c’était un peu moins de 3000 à ce moment-ci l’an dernier, explique le directeur de Feed Scarborough, Suman Roy.

Suman Roy donne une entrevue. Derrière lui, des employés et clients se promènent dans la banque alimentaire.

Suman Roy estime que des injections monétaires aux banques alimentaires ne devraient pas être la principale solution pour s'attaquer au nombre croissant de Canadiens qui ne mangent pas à leur faim.

Photo : Radio-Canada / Claude Beaudoin

Selon Statistique Canada, l’insécurité alimentaire a augmenté dans toutes les provinces canadiennes en 2022, touchant près d’un Ontarien sur cinq.

En mars, les banques alimentaires de l’organisme Daily Bread, dans le Grand Toronto, ont enregistré près de 270 000 visites, du jamais vu depuis leur création en 1983.

Je dirige six banques alimentaires, mais je vous le dis : se contenter de donner de l’argent aux banques alimentaires pour faire fonctionner leurs services n’est pas une option, lance Suman Roy.

« On met pansement sur pansement sur une plaie qui ne guérit pas. On a besoin de solutions systémiques. »

— Une citation de  Suman Roy, directeur de Feed Scarborough

Paver la voie à l’autosuffisance

Feed Scarborough met d’ailleurs sur pied divers programmes pour aider ses usagers à atteindre l’autosuffisance alimentaire.

Cela inclut des cuisines et jardins communautaires, ainsi qu’un incubateur d’entreprises créé pour les personnes à faible revenu. 

L’organisme a aussi récemment pris la tête de FLIP Kitchen, un programme municipal d’incubateur de restaurants.

N’importe quelle entreprise a besoin de temps pour s’épanouir, mais [les participants] sont sur le bon chemin, dit Suman Roy.

Il a bon espoir que, d'ici la fin de l'année, les participants qui fréquentent la banque alimentaire n'auront plus besoin de cette aide.

Il estime que de tels programmes devraient avoir droit à plus d’attention quand les gouvernements décident de délier les cordons de la bourse pour s’attaquer à l’insécurité alimentaire.

Suman Roy en est cependant bien conscient : cela non plus ne suffira pas à régler le problème.

Quel rôle pour l’industrie alimentaire ?

Au Salon de l’innovation agroalimentaire (SIAL), à la mi-mai, le sujet faisait froncer bien des sourcils, mais soulevait aussi des passions.

La directrice de l’entreprise d’importation d’aliments CanDisPro, Grace Hinz, n’hésite pas à prôner un encadrement plus serré de l’industrie.

Elle croit que le gouvernement devrait forcer les détaillants à rendre des comptes sur la façon dont ils décident de leurs prix de vente, voire fixer le prix de certains aliments de base.

Je vois les consommateurs souffrir. J’ai vu les prix à l’épicerie et je sais très bien à quel prix je vends mes produits!, s’indigne-t-elle.

D’autres participants au Salon croient que les producteurs peuvent collaborer en misant sur l’innovation.

Quelques kiosques plus loin, Max Jamshidian tend aux passants des petites portions d’un mélange de lentilles et légumes qu’il appelle Fibrepot.

C’est un repas prêt-à-manger surcyclé. Ça veut dire qu’on a utilisé la drêche des brasseries et de la pulpe de carottes d’une entreprise de fabricant de jus, explique-t-il avec enthousiasme. C’est un produit 100 % naturel qui est une très très bonne source de fibres et de protéines.

Un homme montre un sachet de nourriture. Des échantillons gustatifs sont visibles derrière lui.

Revived Foods, une entreprise de Barrie, en Ontario, mise sur l'économie circulaire pour produire de la nourriture a plus bas prix.

Photo : Radio-Canada / Rob Krbavac

Chaque portion compte 22 grammes de fibres et 23 grammes de protéines. Le produit doit être mis sur le marché en août à moins de 5 $. C’est 1 à 2 dollars de moins que ce qui aurait été possible en n’utilisant que des produits frais, selon M. Jamshidian.

Premièrement, parce que ces sous-produits alimentaires, qui seraient gaspillés, sont gratuits, et deuxièmement, car ils sont déjà transformés.

En utilisant le poulpe, ça veut dire que la carotte est déjà nettoyée, déjà broyée. [...] Donc, on élimine tous les processus qui utilisent l’eau, l’énergie, etc., illustre-t-il.

Le commerçant admet que le processus de récupération des sous-produits alimentaires est parfois compliqué, et que le développement d’un mets nutritif et goûteux à partir de ces derniers exige beaucoup de recherche.

Il estime cependant que ce type d’économie circulaire est une stratégie sous-estimée pour produire plus de nourriture à plus bas prix.

Des solutions politiques réclamées

La directrice du laboratoire de recherche Feeding City de l’Université de Toronto, Jo Sharma, croit pour sa part que les solutions sont avant tout politiques.

Elle mentionne par exemple que l’Ontario a déjà flirté avec l’idée d’un programme de revenu de base garanti, qui a été écartée après l’élection de Doug Ford.

Par ailleurs, elle dit que le Canada est le dernier pays du G7 à ne pas avoir de programme exhaustif d’alimentation en milieu scolaire.

Le gouvernement a amorcé l’élaboration d’une première politique nationale en la matière l’an dernier.

Mais, rien n’est arrivé. Dans le dernier budget, aucun fond [n’y a été consacré], observe Jo Sharma.

Ce fut aussi une grande déception pour Suman Roy, de Feed Scarborough.

Il précise que les innovations agroalimentaires sont importantes, et voit d’un très bon œil tout effort pour faire le pont entre la quantité choquante de nourriture gaspillée lors de la production, et le nombre croissant de Canadiens affamés.

Mais on doit d’abord survivre aux deux, trois prochaines années. Et je pense que c’est, malheureusement, là où ça nous prend des changements de politiques rapides de la part du gouvernement, dit-il.

Par courriel, une porte-parole d'Emploi et Développement social Canada indique que les discussions se poursuivent et l’engagement du gouvernement à élaborer une politique nationale en matière d’alimentation dans les écoles demeure.

Elle souligne que le budget 2023 incluait d'autres types d'investissements pour aider à réduire le coût de la vie pour les Canadiens, incluant un remboursement unique des frais d'épicerie allant jusqu'à 467 $ par famille.

Vos commentaires

Veuillez noter que Radio-Canada ne cautionne pas les opinions exprimées. Vos commentaires seront modérés, et publiés s’ils respectent la nétiquette. Bonne discussion !

En cours de chargement...