Une chiropraticienne qui a publié une nouvelle favorable aux vaccins est disculpée

La chiropraticienne Carolyn Weiss a fait face à quatre chefs d'accusation pour inconduite professionnelle après avoir partagé une publication du « New York Times » sur la vaccination.
Photo : Radio-Canada / Travis Golby
Une chiropraticienne de Selkirk, au Manitoba, a été blanchie de toute inconduite professionnelle après une épreuve de 18 mois qui a mis en danger sa carrière et lui a coûté des milliers de dollars en frais d’avocat. L’affaire concerne la publication d'un article de nouvelles qui mentionnait les vaccins sur son compte Facebook.
En janvier 2021, Carolyn Weiss a publié un article du New York Times expliquant que les médecins étaient excessivement prudents dans leurs évaluations de l’efficacité des vaccins contre la COVID-19.
Détentrice d’une maîtrise en immunologie, elle jugeait l’article intéressant pour ses amis sur Facebook, qui compte de nombreux immunologistes et scientifiques.
Un autre chiropraticien, dont l’identité n’a pas été dévoilée jusqu'ici, a porté plainte contre Carolyn Weiss auprès de l’Association des chiropraticiens du Manitoba, l’organisme qui réglemente cette profession.
À cette époque, la pandémie battait son plein, et les premiers vaccins commençaient à être administrés.
J’étais déconcertée et perplexe
, raconte Carolyn Weiss. J’ai publié quelque chose qui était de l’information de santé générale.
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L’Association des chiropraticiens du Manitoba est dirigée par cinq chiropraticiens élus par ceux qui exercent dans ce domaine, un membre nommé par le conseil d’administration et un membre nommé par le gouvernement provincial.
Suite au dépôt de la plainte, la registraire de l’Association, Audrey Toth, a demandé à Carlyn Weiss de supprimer deux publications qui parlaient de la question de la vaccination
de son compte Facebook.
Carolyn Weiss a répondu qu’elle effacerait les publications, mais a qualifié la situation de folie absolue
. Le fait que les publications [contiennent] seulement des faits scientifiques devrait avoir une certaine importance.
Carolyn Weiss a ensuite effacé l’une des publications sur son compte Facebook, mais affirme avoir oublié d’effacer celle renvoyant à l’article du New York Times.
Audrey Toth a alors indiqué au responsable des enquêtes de l’Association, Dan Therrien, que l’article était toujours en ligne et que Mme Weiss pourrait être en train d’enfreindre le code de conduite de l’Association des chiropraticiens du Manitoba.
Erreur d'identité dans l'enquête
Lors de son enquête, Dan Therrien a consulté le compte Facebook d’une autre personne, aussi appelée Carolyn Weiss, et a documenté une série de publications portant sur la vaccination qui pourraient être en contradiction avec les normes de la profession.
M. Therrien a alors envoyé une mise en demeure à la chiropraticienne de Selkirk, la sommant d’effacer ces publications.
Carolyn Weiss a été surprise par la lettre parce qu'elle concernait des publications qui n’étaient pas les siennes.
On peut suspendre mon accréditation professionnelle. Étant une nouvelle praticienne, ayant quatre ans d'expérience, c’est la fin de mon avenir [...] J’ai dépensé tellement d’argent pour cette formation [...] J’ai eu un moment de terreur.
Carolyn Weiss a alors fait appel à un avocat.
L’Association souhaitait qu’elle signe un accord, mais l’avocat de Mme Weiss a refusé de participer à une rencontre pour signer le document avant d’en avoir obtenu une copie.
L’organe de réglementation a finalement indiqué que l’affaire irait devant le comité d’enquête et que la chiropraticienne pourrait subir des actions disciplinaires. Mme Weiss a décidé de permettre au public et aux journalistes d’assister à l’enquête qui a duré quatre jours en 2022.
Un comité de cinq chiropraticiens devait décider si Mme Weiss allait faire face à des mesures disciplinaires pour les événements ayant suivi la demande de suppression des publications de son compte Facebook.
Carolyn Weiss a fait face à quatre chefs d'accusation pour inconduite professionnelle :
- Ne pas avoir effacé toutes les publications sur les vaccins lorsque la registraire lui a demandé de le faire.
- Avoir dit qu’elle effacerait la publication et ne pas l’avoir fait.
- Avoir manqué à une entente de publier exclusivement des contenus qui tombent dans le champ d’exercice de sa profession.
- Avoir agi de manière indigne, déshonorable et non professionnelle lorsqu’elle a dit à l’enquêteur que son compte Facebook était privé et qu’elle avait effacé la publication en question.
Le 23 novembre 2022, le comité a blanchi Mme Weiss.
J’ai pleuré
, affirme la chiropraticienne. Enfin, toutes ces choses qui pesaient sur moi depuis un an et demi sont finies. Je ne sais même pas pourquoi nous en sommes arrivés à ce point. Le montant qui a été dépensé ainsi que le temps investi sont totalement absurdes.
Dans les tirs croisés d’une profession divisée
Selon certains experts, un conflit interne divise la profession de chiropraticien en deux factions : la pratique basée sur les preuves et celle qui s’appuie sur des fondements traditionnels.

Timothy Caulfield estime que le fait d'interdire aux chiropraticiens de parler de la vaccination peut donner l'impression que la profession s'y oppose.
Photo : Radio-Canada / Sam Martin
Professeur à l’Université de l’Alberta et titulaire de la chaire de recherche du Canada en droit et en politique de la santé, Timothy Caulfield estime que cette division se manifeste surtout lorsqu’il est question de vaccins.
Cela illustre le combat interne qui s'y déroule. Les chiropraticiens ont du mal à savoir comment ils doivent gérer la vaccination et comment ils doivent en parler au public
, fait-il valoir.
En 2017, l’Association des chiropraticiens du Manitoba a tranché la question. Les chiropraticiens ne sont pas autorisés à discuter des vaccins avec leurs clients parce que ceux-ci ne relèvent pas du champ d'application de leur pratique.
Une fois qu'on donne la directive selon laquelle on ne peut pas faire de déclarations publiques pour ou contre les vaccins, il faut la respecter
, explique M. Caulfield.
Il estime toutefois que le fait de garder le silence sur la question des vaccins pose un problème, puisque cela donnerait l’impression que les chiropraticiens ne croient pas tous en leur efficacité.
Je reconnais que les régulateurs essaient d'être prudents en disant à leurs membres que cela sort de leur champ de pratique. Mais, du point de vue du public, cela ne crée-t-il pas seulement un doute?
Selon le chiropraticien et ancien professeur du Canadian Memorial Chiropractic College Brian Gleberzon, le concept de subluxation, qui est un diagnostic utilisé par certains pour mesurer la santé de la colonne vertébrale, est au cœur de la division entre les praticiens.

Certains concepts traditionnels, comme la subluxation, ne font pas l'unanimité dans la profession, selon Brian Gleberzon.
Photo : Photo : Brian Gleberzon
Pour certains chiropraticiens, une personne présentant une colonne vertébrale sans subluxation
ne nécessiterait pas de vaccins ou d’interventions médicales, affirme Brian Gleberzon. C’est une croyance très traditionnelle qui renvoie à l’avènement de la profession.
Un regroupement international d'établissements d'enseignement chiropratique, dont le Canadian Memorial Chiropractic College, a signé une déclaration selon laquelle la subluxation ne devrait être enseignée que dans un contexte historique. L'utilisation de ce diagnostic est inappropriée et inutile
dans le programme chiropratique moderne.
Selon Brian Gleberzon, 20 % des praticiens baseraient leur pratique sur des principes traditionnels, alors que, par ailleurs, 20 % préconiseraient une approche basée sur les preuves, et les 60 % restants se situeraient entre les deux.
Le président du conseil d’administration de l’Association des chiropraticiens du Manitoba n'a pas accepté de répondre aux questions de CBC/Radio-Canada en lien à cette affaire.
Dans une déclaration, le directeur général de l'Association des chiropraticiens du Manitoba, Terry Shaw, a déclaré que l'organe de réglementation est en faveur des soins de santé préventifs et qu’elle reconnaît que la vaccination est une pratique de santé publique établie utilisée pour la protection des individus contre les maladies infectieuses
.
Avec les informations de Kristin Annable et Caroline Barghout