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« La force de la nature » : les traces et les leçons du derecho

Photographie aérienne d'un boisé où des arbres sont tombés et ont été coupés.

Un an plus tard, des dégâts du derecho sont encore visibles à certains endroits d'Ottawa.

Photo : Radio-Canada / Félix Desroches

Le passage du derecho dans la capitale fédérale et dans les environs n’a épargné presque personne : il a causé de nombreux et lourds dégâts, particulièrement dans l’est ontarien et à Ottawa. De plus, bien que la majorité des débris aient été ramassés, d’autres ne sont pas encore nettoyés, et des blessures n'ont pas encore cicatrisé.

L’acériculteur Jules Rochon le dit en toute franchise : il a hâte de cocher le 21 mai 2023 sur son calendrier, comme quoi le premier anniversaire du derecho est maintenant terminé. Le signe d’une page qui se tourne.

Jules Rochon se tient à côté d'un grand arbre déraciné sur son terrain.

Jules Rochon se tient à côté d'un grand arbre déraciné sur son terrain. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Hallie Cotnam

La tempête a détruit 25 % de ses érables entaillés qui servaient à la production de son sirop d’érable. Cela équivaut à environ 350 cordes de bois, explique M. Rochon.

Il aura fallu sept mois et de quatre à huit heures par jour en moyenne pour ramasser tous les dégâts causés par le derecho. À lui seul, le nettoyage a coûté 56 000 $, et je suis conservateur [dans mon estimation], dit-il en précisant que ce montant n'était pas assurable.

Bien que Gatineau et une portion de l’Outaouais aient été touchés par le derecho, des dégâts de grande ampleur ont été observés dans l’est ontarien et dans certains secteurs d’Ottawa.

Une carte recense les dommages aux arbres provoqués par le derecho de mai 2022.

Les chercheurs du Northern Tornadoes Project ont cartographié les dommages le long du chemin du derecho autour d'Ottawa. Chaque X dans un cercle indique des dommages causés aux arbres visibles par satellite. Les X rouges indiquent de graves dommages causés aux arbres.

Photo : Gracieuseté Northern Tornadoes Project

Un an après le passage de cette tempête de vent destructrice et mortelle qui constitue le phénomène météorologique le plus coûteux de 2022 au Canada, de nombreux dommages peuvent encore être constatés sur le terrain, tout particulièrement dans des forêts et des boisés d’Ottawa et de l’est ontarien.

Le boisé qui englobe et surplombe le tronçon du sentier récréatif Prescott-Russell, à Navan, au sud-est d’Ottawa, en est justement un bel exemple. Des arbres jadis hauts et droits sont fendus au milieu, brisés par le vent. Leur équilibre fragile est maintenu par les branches des arbres voisins.

Un arbre brisé.

Le boisé qui englobe et surplombe le tronçon du sentier récréatif Prescott-Russell, à Navan, porte encore les marques du derecho du 21 mai 2022 un an plus tard.

Photo : Radio-Canada / Nelly Albérola

On est chanceux dans notre malchance

Le degré de dommages n’est cependant pas uniforme dans ces régions les plus touchées. Certains lieux s’en sont sortis avec un peu moins de bris que d’autres, notamment la forêt Larose, qui appartient aux Comtés unis de Prescott et Russell (CUPR).

Un homme tient un râteau.

Louis Prévost, directeur de l'urbanisme et de la foresterie pour les Comtés unis de Prescott et Russell (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Christian Milette

On est chanceux dans notre malchance, admet le directeur de l’urbanisme et de la foresterie aux CUPR, Louis Prévost, en parlant des conséquences du derecho sur près des 28 000 acres de terrain qui constituent la forêt Larose.

Des arbres de la forêt Larose tombés lors du derecho du 21 mai 2022. Cette photo a été prise le 3 juin 2022.

La forêt Larose, considérée comme un joyau naturel des Comtés unis de Prescott et Russell (CUPR), n'a pas été épargnée par la tempête historique du 21 mai 2022. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Denis Babin

Les infrastructures n’ont pas été touchées et il n’y a pas eu de dommages là où il y a le plus de sentiers. Ce sont principalement des parcelles de boisés au nord de Bourget où l’impact a été le plus fort, affirme-t-il.

N’empêche, l’ampleur des dégâts sur le terrain l'a saisi. La force de la nature, clame M. Prévost.

Cependant, d’autres boisés et forêts de la région n’ont pas eu la même chance.

Une toiture arrachée et des débris après le passage d'une tempête.

Les dégâts étaient lourds dans l'est ontarien après la tempête du 21 mai 2022. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Denis Babin

Environ 14 km2 de forêts ont été très endommagés ou détruits par le derecho, affirme Jean Saint-Pierre, président de Boisés Est, un organisme francophone qui regroupe des propriétaires de boisés privés de l’est ontarien.

C’est une superficie énorme, souligne M. Saint-Pierre, celui qui est aussi propriétaire d’un boisé privé. C’est d’autant plus grave que la destruction de ces arbres bouleverse tout l’équilibre de la biodiversité.

Jean Saint-Pierre pose devant un boisé où des arbres sont tombés lors du derecho du 21 mai 2022.

Jean Saint-Pierre est président de Boisés Est, une association qui représente des propriétaires de boisés privés dans l'est ontarien. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Denis Babin

Après un an, je dirais que la majorité des gens ont pris en main leur situation et ont dit : "Bon, je fais ou je vais faire les travaux nécessaires", même si ce sont des travaux à l'occasion très difficiles, qui peuvent être très dispendieux, affirme Jean Saint-Pierre, qui ajoute du même souffle que l’appui financier du gouvernement Ford n’est pas encore arrivé chez les membres de Boisés Est.

Appui financier grandement attendu

Le gouvernement de l’Ontario a annoncé à la fin mars 2023 une aide financière de 5,5 millions de dollars pour des municipalités et des cantons touchés par le derecho et par les tornades en 2022, dont 1,2 million de dollars pour les CUPR, une somme qui couvrira des frais de nettoyage et de reboisement et qui aidera des municipalités dont les infrastructures ont été endommagées le 21 mai 2022.

Des poteaux électriques et des structures en bois jonchent le sol après une tempête. Une personne est au milieu pour nettoyer.

Un résident de Hammond, dans la cité de Clarence-Rockland, nettoie des dégâts causés par le derecho. (Photo d'archives)

Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick

Cette aide financière est en soi une très bonne nouvelle, soutient Jean Saint-Pierre, qui apprécie que ce financement ait été rendu possible par l’entremise des municipalités. Il soutient que l’argent n’a pas encore été distribué, mais il s’attend à ce qu’une annonce en ce sens soit faite au cours des prochaines semaines.

Répartition du 1,2 M$ perçu par les CUPR

  • 341 000 $ à la cité de Clarence-Rockland;

  • 341 000 $ au canton d’Alfred et Plantagenet;

  • 541 000 $ à la Conservation de la Nation Sud (qui distribuera cette somme aux propriétaires de boisés privés).

Source : Comtés unis de Prescott et Russell

Idéalement, cet appui aurait dû être disponible beaucoup plus tôt, estime M. Saint-Pierre. On se retrouve dans une situation où [...] ces arbres-ci sont dangereux, explique-t-il en pointant des troncs brisés qui font de six à neuf mètres de hauteur derrière lui.

« C’est une situation dangereuse pour les enfants qui veulent jouer dans la forêt [...]. C’est une question de sécurité. »

— Une citation de  Jean Saint-Pierre, président de Boisés Est

Bien que l’argent puisse arriver au cours des prochaines semaines, les travaux de nettoyage en forêt, eux, devront toutefois être repoussés à l’automne, car la période de nidification des oiseaux a lieu en ce moment même. Par conséquent, la transplantation des arbres ne pourra être faite qu’au printemps prochain, soit près de deux ans après le derecho.

Des solutions pour l’avenir?

À défaut de prévenir tout futur épisode climatique extrême comme le derecho, les municipalités – et les propriétaires de boisés – tentent de s'organiser et d'être prêts autant que possible.

Du côté des CUPR, Louis Prévost explique qu’ils en sont à mettre sur pied un comité et à élaborer un plan pour faire face aux changements climatiques.

Un arbre déraciné sur un terrain.

Dans l'est ontarien, Hawkesbury a aussi eu à affronter le derecho et ses conséquences. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Denis Babin

Il y a beaucoup de travail qui reste à faire, mais je pense que chaque petite chose va aider, ajoute-t-il. C'est un travail de longue haleine [...]. On doit, je crois, être des exemples à suivre pour, justement, inciter la population à en faire plus également.

« Je pense qu’on est minuscules par rapport à ce qui peut arriver à l’environnement. Et les dégâts qui peuvent être causés par ça... Je pense qu’il faut réagir [...] et prendre des mesures pour les prévenir. »

— Une citation de  Louis Prévost, directeur de l'urbanisme et de la foresterie aux CUPR

La Ville d’Ottawa, pour sa part, accuse du retard dans l’atteinte des objectifs qu’elle s’était fixés, notamment en matière de résistance aux changements climatiques, dont la création d’une stratégie de résilience climatique.

Des consultations pour cette stratégie devaient commencer à la fin avril, a indiqué à la mi-avril le Comité de l’environnement et du changement climatique de la Ville d’Ottawa.

Des dommages du derecho à Ottawa.

Des dommages du derecho à Ottawa (Photo d'archives)

Photo : La Presse canadienne

De l’autre côté de la rivière des Outaouais, la mairesse de Gatineau, France Bélisle, affirme qu’il y a un comité d'experts qui va nous revenir avec des recommandations, qui a regardé la situation des dernières crises à Gatineau et qui peut nous faire différentes suggestions. Cela va être présenté au conseil municipal au cours des prochains mois.

Elle souhaite que les réflexions et les solutions envisagées aillent plus loin que le contrôle de la végétation près des fils électriques, par exemple. C'est une solution qui peut, oui, faire une différence à court terme mais qui doit s'accompagner d'une philosophie beaucoup plus grande au Québec, croit France Bélisle.

Un arbre tombé.

Les vents violents ont aussi causé des dommages à Gatineau. Sur cette photo, un arbre est tombé sur une clôture et sur le terrain voisin dans le secteur de Hull. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Nathalie Tremblay

Par exemple, l'enfouissement des fils, la biénergie, notre dépendance à un type ou un autre d'électricité ou de gaz, cette réflexion-là est plus grande et elle n'appartient pas à la Ville, poursuit-elle.

Des solutions innovantes, telles que du pavé alvéolé, pourraient être envisagées pour améliorer la résistance climatique, mais pour ça, il faut faire des investissements, ce qui est difficile quand on est une Ville.

« Nous, comme Ville, Gatineau et d'autres villes du Québec, ce qu'on demande au gouvernement du Québec, c'est de partager le même sentiment d'urgence que nous dans des investissements qui sont à faire. »

— Une citation de  France Bélisle, mairesse de Gatineau

Et les propriétaires de boisés privés? Jean Saint-Pierre suggère entre autres de diversifier les arbres plantés qui peuvent bien se complémenter au niveau des racines.

Boisés Est prévoit d’ailleurs un atelier vers la fin mai avec des experts pour faire découvrir des solutions afin de rendre les boisés plus résilients à l'avenir face aux prochains événements météorologiques.

Avec la collaboration de Nelly Albérola

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