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Pas de loi-cadre sur les violences sexuelles : Drainville accusé d’être « insensible »

L'opposition fustige la décision de Bernard Drainville de refuser de débattre d'un projet de loi-cadre contre les violences sexuelles à l'école.

Gros plan de Bernard Drainville.

Le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville (Photo d'archives).

Photo : La Presse canadienne / Jacques Boissinot

Le ministre de l'Éducation Bernard Drainville n'entend pas appeler un vote sur le projet de loi visant à mettre en place des protocoles pour traiter les cas d'agression sexuelle dans les écoles de la province.

C'est du moins ce qu'a affirmé l'attachée de presse du ministre en réponse aux questions de Radio-Canada à ce sujet. Une décision dénoncée d'une seule voix par l'opposition à Québec.

Le projet de loi, redéposé par la députée de Québec solidaire Ruba Ghazal le 30 avril dernier, restera visiblement à nouveau lettre morte. La députée solidaire Christine Labrie en avait déposé une première mouture en 2021, morte au feuilleton lors du déclenchement des dernières élections.

Nous allons laisser le temps aux nouvelles dispositions du [projet de loi sur le Protecteur de l'élève] d'entrer en vigueur, a répondu par texto Florence Plourde, attachée du ministre Drainville. Ça le sera dès la rentrée 2023.

À la prochaine rentrée, le Protecteur national de l'élève, Jean-François Bernier, doit mettre en place un plan complet sur les violences sexuelles, affirme Mme Plourde. Nous avons aussi ajouté une formation obligatoire pour les enseignants sur les violences sexuelles, ajoute-t-elle.

Donc, avant de se lancer dans une autre loi, on veut laisser la chance au [Protecteur national de l'élève] de faire ses preuves.

Une citation de Florence Plourde, attachée de presse du ministre Bernard Drainville

Drainville accusé de « se traîner les pieds »

En entrevue après l'annonce de la nouvelle, la députée de Québec solidaire Ruba Ghazal s'est dite stupéfaite de cette décision. Ce n'est pas du tout logique. Je ne comprends pas la réaction de M. Drainville, a-t-elle laissé tomber.

Les solutions proposées par Québec ne sont pas mauvaises, dit-elle, mais elles ne suffisent pas. On est d'accord qu'il y ait un Protecteur de l'élève, a dit la députée de Mercier. Mais son rôle, ce n'est pas d'agir en amont, de prévenir les agressions sexuelles dans les écoles. Il va agir uniquement après que les agressions aient eu lieu.

Je trouve ça vraiment insensible, surtout quand on entend les témoignages des parents dont les enfants ont vécu des situations qu'ils ne devraient pas vivre dans les écoles.

Une citation de Ruba Ghazal, députée de Mercier pour Québec solidaire

Elle a également accusé le ministre de se traîner les pieds dans le dossier des agressions sexuelles au primaire et au secondaire. La responsabilité [de M. Drainville], c'est de s'assurer que pas un élève de plus ne soit victime d'agression sexuelle.

La députée prend la parole devant une foule.

La députée de Mercier, Ruba Ghazal, a participé à une conférence de presse organisée par La voix des jeunes compte pour demander l'adoption d'une loi-cadre sur les violences sexuelles à l'école.

Photo : Radio-Canada / Jean-François Thériault

Il met en place une ligne téléphonique qui ne fonctionne pas. Il lance une enquête... c'est beau, mais on pourrait faire des enquêtes pendant des années tellement il y a de cas [d'agression sexuelle], a lancé Mme Ghazal à propos de l'enquête de portée générale promise par le ministre de l'Éducation et de la ligne téléphonique mise en place par le ministère, qui n'était en fait qu'une boîte vocale.

Elle a promis de continuer de talonner le ministre pour demander l'adoption de cette loi-cadre.

En journée vendredi, la députée du Parti libéral Marwah Rizqy a joint sa voix à celle de Mme Ghazal pour dénoncer la décision du ministre de l'Éducation.

Pour nous, [...], cet enjeu est non partisan et nous trouvons regrettable que le ministre ferme la porte, a-t-elle affirmé dans une déclaration écrite. Vous pouvez compter sur notre collaboration pour déposer des amendements au [projet de loi] afin de faire cheminer le projet de loi-cadre.

M. Drainville fait aujourd'hui fausse route, a pour sa part déclaré Méganne Perry Mélançon, porte-parole du PQ sur la question.

Le protecteur national de l'élève n'aura pas comme mandat exclusif de lutter contre les violences sexuelles, tel que proposé par la loi-cadre, a-t-elle ajouté, se disant déçu[e] pour toutes les victimes et les jeunes qui militent depuis plus de cinq ans pour l'adoption d'une loi.

De nouveaux témoignages troublants

Mme Ghazal participait vendredi matin en compagnie d'autres membres de l'opposition à une conférence de presse où des victimes, des parents et des témoins d'inconduites sexuelles ont enchaîné des témoignages sur l'inefficacité et les difficultés de l'actuel processus de plainte.

Lors de l'événement organisé par le collectif La voix des jeunes compte, qui milite depuis des années pour l'adoption d'une loi-cadre, tous ont dénoncé de nouveaux cas d'agressions sexuelles rapportés cette semaine par le quotidien Le Devoir. Ces gestes auraient été posés par un enseignant d'une école secondaire de Montréal et un élève d'un établissement scolaire de Cowansville.

Pégalie, une ancienne étudiante de l'école Louise-Trichet de Montréal, a raconté que celui qui était son professeur de santé et d'éducation physique, M. P., a multiplié les gestes à caractère sexuel auprès de ses étudiantes, et ce, durant des années.

Celui qui était également responsable du cours d'éducation sexuelle aurait entre autres insisté pour que ses élèves se changent devant lui lors d'une sortie scolaire. Il touchait les filles à des endroits qui ne sont pas appropriés, a ajouté la jeune femme.

Mais c'était aussi les commentaires... "Ah j'aimerais que ma femme ait ce corps-là. J'aimerais me marier avec cette fille-là, c'est ma femme de rêve". Devant tout le monde. C'était tout le temps de repousser la limite. Tout le temps.

Une citation de Pégalie, ancienne élève à l'école Louise-Trichet

Dans son cours de santé, il disait aux filles de se mettre du yogourt dans le vagin si elles avaient une infection à levure, a-t-elle raconté. Il faisait venir les filles devant toutes la classe pour [enseigner] l'anatomie.

Pégalie accuse la direction de l'école Louise-Trichet de n'avoir pas pris sa dénonciation au sérieux, malgré de nombreuses rencontres à ce sujet. C'était un refus total de m'écouter, a-t-elle dit.

Je suis attristée que de nombreux adultes aient préféré garder le silence et ont laissé M. P. abuser d'élèves. Tout le monde savait qu'il faisait du harcèlement sexuel. Les professeurs en parlaient aux parents comme s'il s'agissait d'un sujet léger, a affirmé la jeune femme.

Le témoignage de la jeune femme est corroboré par Marie-Belle Monchamp Daunais, qui a été entraîneuse de flag-football à l'école Louise-Trichet. Des élèves lui ont confié avoir elles aussi été victimes de gestes et de commentaires déplacés de la part de M. P. Mme Monchamp Daunais, une ancienne élève de l'école, a également été témoin de certains gestes posés par l'enseignant.

Une femme parle au micro.

Selon Marie-Belle Monchamp Daunais, la direction de l'école Louise-Trichet de Montréal n'a pas pris au sérieux les dénonciations envers un professeur.

Photo : Radio-Canada / Jean-François Thériault

J'ai suivi les étapes logiques. Je savais que je devais dénoncer à la DPJ. J'ai rencontré la direction scolaire, et je n'ai pas reçu l'accueil auquel je m'attendais. Ç'a été beaucoup banalisé.

Elle a ensuite poursuivi ses démarches auprès du Centre de services scolaire de Montréal. On m'a fait miroiter qu'on prenait ça très au sérieux. Mais ça s'est terminé sur des remerciements, et après, je n'ai plus eu aucune nouvelle. Silence radio.

Marie-Belle Monchamp Daunais a donc déposé une plainte à la police. Selon Le Devoir, le professeur a par la suite démissionné, mais il a pu être embauché à nouveau par un autre centre de services scolaire.

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