Exporter des porcs aux États-Unis pour éviter de réduire la production?
Un regroupement d’éleveurs de porcs indépendants propose une solution de rechange au programme de retrait volontaire.

Cécilien Berthiaume a sollicité une audience devant la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec.
Photo : Radio-Canada
Un regroupement d’éleveurs de porcs indépendants propose d’exporter 350 000 bêtes par année aux États-Unis le temps que le Québec retrouve sa capacité d’abattage. Cette solution temporaire permettrait selon eux de maintenir la capacité de production de la filière porcine de la province tout en assurant la survie de dizaines d’entreprises familiales.
L’industrie porcine québécoise continue d’être à la recherche de solutions pour ajuster sa production aux capacités d’abattage, qui demeurent nettement insuffisantes. La situation ne fera qu’empirer avec la fermeture annoncée de l’usine de transformation d’Olymel à Vallée-Jonction.
Plus tôt ce printemps, le syndicat des Éleveurs de porcs du Québec a annoncé la mise sur pied d’un programme de retrait volontaire visant à réduire de 1,1 million le nombre de bêtes produites annuellement dans la province.
Compensation
Doté d’une enveloppe de 80 millions de dollars, le programme vise à indemniser des éleveurs qui accepteraient de cesser leur production durant un certain temps.

La fermeture des installations d'Olymel à Vallée-Jonction réduira une fois de plus la capacité d'abattage de l'industrie porcine québécoise. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada / Patrick Andre Perron
Le président de la Ferme Via Porc, Cécilien Berthiaume, propose une autre option à cette réduction du cheptel québécois. Il serait à son avis possible de maintenir les activités de production de dizaines d’entreprises familiales jusqu'à ce que la filière de l’abattage retrouve sa vitesse de croisière en exportant 350 000 porcs annuellement au sud de la frontière.
Une perte incroyable
C'est une question d'évaluation économique. C'est quoi, l'impact de ce million de porcs? On est capables de les produire au Québec, on les a déjà. Si vous enlevez les fermes complètement, c'est un write-off, ce n'est pas juste une perte. C’est une perte incroyable
, a déclaré M. Berthiaume, jeudi après-midi, lors d’une conférence de presse à Saint-Elzéar, en Beauce.
Le programme de retrait des volumes de porcs entraînera, s'il est adapté tel quel, une décroissance rapide de la production au détriment de dizaines d'entreprises familiales.
L’instigateur du regroupement d’éleveurs indépendants estime que le projet d’exportation coûterait à l’industrie porcine québécoise 10,5 millions de dollars par année. Si on rapporte ce montant au nombre total de bêtes dans la province, soit 6,5 millions, cela revient à 1,61 $ par animal. En comparaison, le programme de retrait volontaire représente une dépense de 2,85 $ par tête.

Cécilien Berthiaume a sollicité une audience devant la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec.
Photo : Radio-Canada
Il ajoute que pour chaque bête vendue aux États-Unis, les producteurs toucheraient entre 15 $ et 20 $ de plus que s’ils l’écoulaient sur le marché québécois.
Rappelons que dans la nouvelle Convention de la mise en marché des porcs signée entre les Éleveurs de porcs du Québec et les transformateurs, les producteurs ont accepté de vendre chaque bête à 85 % de la valeur de la carcasse américaine, comparativement à 89 % à l’heure actuelle.
Audience devant la Régie
La convention doit encore être approuvée par la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec. Cécilien Berthiaume a d’ailleurs sollicité une audience devant la Régie afin de modifier la convention à l’étude.
Au lieu de réserver la production et l'achat de tous les porcs produits au Québec à quelques abattoirs
, M. Berthiaume aimerait que la Régie garantisse aux éleveurs indépendants un certain pourcentage de la production.

À l'heure actuelle, environ 400 000 porcs produits au Québec sont exportés vers les États-Unis chaque année. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada / Sebastien Vachon
Lors de la conférence de presse de jeudi, M. Berthiaume était accompagné de Sébastien Dion, président et propriétaire de Groupe Dion, une entreprise spécialisée dans la mise en marché de bétail agricole.
Ce dernier a indiqué que le marché américain avait largement la capacité d’écouler chaque année 350 000 porcs supplémentaires en provenance du Québec.
Le chiffre de 350 000 porcs sonne peut-être gros à vos oreilles, mais juste pour vous situer un peu dans le marché nord-américain, aux États-Unis, il s'abat environ entre 2,4 et 2,6 millions de porcs par semaine. Donc, je ne pense pas que ce chiffre-là soit impossible à réaliser
, a relativisé Sébastien Dion.
Il a précisé que le Québec exporte déjà environ 400 000 porcs annuellement chez nos voisins du Sud.
Plusieurs défis
De son côté, le directeur des relations publiques et secrétaire général chez Les Éleveurs de porcs du Québec, Tristan Deslauriers, s’est dit prêt à étudier la proposition du groupe de producteurs indépendants.
Il a toutefois prévenu que l'exportation massive de bêtes vers le marché américain présentait son lot de défis.
C'est difficile de trouver des entreprises qui peuvent faire du transport sur de longues distances. Il faut aussi considérer les questions du bien-être animal et des GES [quand on parle] de longues distances comme celles-là. Donc, c'est sûr qu'on va regarder tous les aspects de ça
, a déclaré M. Deslauriers en entrevue à Radio-Canada.
Avec des informations de Guylaine Bussière