Le fédéral refuse plus d’étudiants étrangers au Québec

Le taux de refus est particulièrement élevé pour les candidats africains, et ceux-ci sont plus nombreux à postuler au Québec.
Photo : Radio-Canada
Le gouvernement canadien affirme « qu'il reste du travail à faire » en ce qui a trait au traitement des demandes de permis d’étudiants francophones provenant de pays africains, mais il affirme tout de même qu’il y a un plus haut taux d’acceptation que l’an dernier, soit 35 % comparativement à 27 % en 2022.
On reconnaît les énormes avantages sociaux, culturels, économiques que les étudiants internationaux amènent ici au Canada et au Québec. On fait tout notre possible pour faciliter l'entrée de nos étudiants
, a affirmé la secrétaire parlementaire du ministère de l'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), Marie-France Lalonde, à la Chambre des communes jeudi.
De nombreux étudiants étrangers acceptés par une université québécoise sont refoulés par le fédéral, qui doute que ces candidats retournent dans leur pays d'origine à la fin de leurs études, déplore l'Institut du Québec (IDQ) dans un rapport publié aujourd’hui.
Selon le rapport, le fédéral a refusé près de 72 % des candidats africains pourtant acceptés dans une université québécoise en 2021 ainsi que par le gouvernement du Québec.
Les auteurs du rapport recommandent à IRCC que l’évaluation des étudiants étrangers se fasse sur la base de leur potentiel et de leur valeur pour les institutions et les communautés canadiennes et non en fonction de leur pays d’origine.
Ce gouvernement brise des rêves sans justification aucune, sinon l’origine africaine de ces étudiants-là. Ça n’a pas de maudit bon sens!
, a tonné Alexis Brunelle-Duceppe jeudi à la Chambre des communes.
Du racisme
au sein d’IRCC
Le gouvernement canadien avait reconnu l’an dernier qu’il y a du racisme au Canada ainsi qu’au sein [d'Immigration Canada]
, en réponse à un rapport du Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration sur le traitement différentiel dans le recrutement et les taux d’acceptation des étudiants étrangers au Québec et dans le reste du Canada (Nouvelle fenêtre).
Décisions incohérentes
Selon les chercheurs de l'IDQ, les décisions du fédéral sont incohérentes avec les objectifs gouvernementaux.
On voit que près de la moitié des candidats qui sont admis par des universités québécoises et qui respectent toutes les conditions du Québec se voient quand même refuser le permis d'études qui leur permettrait de séjourner au pays
, constate la directrice générale de l'IDQ, Emna Braham.
Encore selon le rapport, la moyenne de refus a non seulement augmenté ces dernières années, mais elle est plus élevée au Québec qu’en Ontario et en Colombie-Britannique.
Le groupe de réflexion a demandé à IRCC quelles étaient les raisons de ces refus. La faible probabilité de retour dans le pays d'origine était la principale raison évoquée.
Cette condition [constitue] actuellement un non-sens.
Ces motifs sont incohérents avec la stratégie du fédéral et du Québec, déplore Mme Braham. C'est un critère qui n'a plus sa raison d'être, tout simplement, alors que le gouvernement du Québec comme celui du Canada investissent dans des offensives de promotion pour retenir les étudiants étrangers, notamment dans les régions.
Incompréhension, confusion et tristesse
La Colombienne Juliana Robles aspirait à poursuivre un doctorat en science de l’eau à l'Institut national de recherche scientifique (INRS) dans la ville de Québec. L’ingénieure civile de 29 ans s’est vu refuser un permis d’étude par le gouvernement fédéral la semaine dernière après avoir été acceptée par l’établissement d'enseignement et avoir reçu un Certificat d’acceptation du Québec.
Elle affirme qu’IRCC a refusé sa demande en prétextant le risque qu'elle ne retourne pas dans son pays après ses études.
Je vais acquérir des connaissances scientifiques qui seront utiles en Colombie ou au Canada, donc j’ai fait face à l'incompréhension et la confusion quand on m’a répondu que je risquais de ne pas rentrer dans mon pays.

Juliana Robles, ingénieure civile, lors de l'obtention de son diplôme de maîtrise en hydraulique.
Photo : fournie par Juliana Robles
Elle précise que son souhait actuel est de rentrer dans son pays et profiter de l’avantage professionnel qu’un diplôme canadien peut lui procurer dans son domaine. Mais elle concède qu'après un doctorat de quatre ans au Québec, elle aurait pu changer d’idée.
Je n'essaye pas de rester dans le pays illégalement. Si vous avez besoin de gens, je peux être cette personne, je suis confuse par rapport aux raisons qu’on me refuse.
IRCC a également rejeté sa demande, car il considérait qu’elle n’avait pas une sécurité financière suffisante. Pourtant, Mme Robles affirme qu’elle avait reçu des bourses d’études et un salaire garanti dans le cadre de son doctorat.
Je n’aurais jamais pensé que mon permis d’études serait refusé
, se désole-t-elle.
C’est mon rêve d'étudier à l’étranger. J’avais trouvé la bonne superviseure, la bonne université, mais je me suis fait refuser mon application et je ne comprends pas pourquoi. J'étais très triste quand j’ai appris la nouvelle.
Mme Robles souhaite renouveler son application à IRCC, car elle rêve d’étudier à Québec, mais si elle essuie un deuxième refus, elle se tournera vers un autre programme dans un autre pays.
Plus de refus pour les demandes francophones
Selon les auteurs, plus d'étudiants francophones se font refuser un permis que d'étudiants anglophones.
En 2021 le taux de refus des demandes effectuées en français a augmenté considérablement et même aujourd'hui [il est] plus de deux fois plus élevé que [celui d]es demandes produites en anglais.
Candidats de choix pour l’immigration
Les étudiants étrangers sont perçus comme des candidats de choix à l'immigration, car ils ont déjà une expérience canadienne. Ils ont vécu au Québec, ils ont commencé à créer un réseau, ils ont une formation qui répond aux exigences des employeurs québécois
, explique Mme Braham.

Le taux de demandes rédigées en français provenant du Québec sont refusées dans 55 % des cas, comparativement à 51 % lorsqu'elles proviennent de l'Ontario, selon le rapport.
Photo : Reuters / Mark Blinch
Près de la moitié (44 %) travaillent également durant leurs études, une contribution économique à ne pas négliger dans un contexte de rareté de la main-d'œuvre, souligne le rapport.
L'IDQ invite aussi le milieu universitaire à mieux communiquer ses cibles en matière d'attraction des étudiants étrangers. Ça permettrait de mieux planifier la délivrance des permis, autant au niveau du gouvernement fédéral que des certificats d'acceptation au niveau du gouvernement du Québec
, ajoute l'économiste de l'IDQ Daye Diallo.
L'attrait de Montréal et de l'anglais
Montréal continue d'attirer la grande majorité des étudiants étrangers. Seulement un étudiant sur quatre va choisir de s'établir à l'extérieur de la métropole. Le quart de ceux qui font ce choix se trouvent dans la région de Québec.
Le réseau collégial et universitaire anglophone conserve aussi son pouvoir d'attraction, et il a recruté 55 % des étudiants collégiaux et 43 % des étudiants universitaires en 2019.
Mme Braham s'oppose toutefois à l'idée d'établir des quotas pour favoriser l'inscription au réseau francophone. On veut attirer des étudiants étrangers parce que ce sont les meilleurs candidats au monde, qu'on les veut dans nos universités, dans nos collèges, et une grande partie d'entre eux vont retourner dans leur pays par la suite. Ils ne vont pas avoir un impact ni sur l'immigration ni sur la démographie québécoise.
Québec aura le loisir de choisir les candidats qui correspondent le plus à ses objectifs d'immigration par la suite. Donc une immigration qui va être francophone, qui va être alignée avec les besoins du marché du travail, etc. On ne fait pas ça en plafonnant le nombre d'étudiants étrangers anglophones.
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Avec les informations de La Presse canadienne