Santé mentale : le ministre Carmant veut revoir de fond en comble la loi P-38

Lionel Carmant, ministre responsable des Services sociaux au sein du gouvernement de François Legault, a mandaté l'Institut québécois de réforme du droit et de la justice pour documenter les problèmes entourant l'application de la loi P-38, qui vise à protéger les personnes dont l'état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui. (Photo d'archives)
Photo : La Presse canadienne / Ryan Remiorz
Dans le but de revoir la Loi sur la protection des personnes dont l'état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui (P-38), l'Institut québécois de réforme du droit et de la justice (IQRDJ) entreprend des travaux de recherche, à la demande du ministre Lionel Carmant.
Au sujet de l'application de cette loi d'exception, adoptée il y a 25 ans, les questions demeurent toujours
, a déclaré mercredi M. Carmant, ministre responsable des Services sociaux du Québec.
Et c'est pour y répondre qu'il demande à l'IQRDJ de mener un travail d'analyse et, par la suite, de consultation. Le ministre en a fait l'annonce, mercredi, en compagnie du président de l'IQRDJ, Pierre Noreau, et du directeur national des services en santé mentale et en psychiatrie légale, le Dr Pierre Bleau.
On veut entendre ceux qui appliquent la loi, mais aussi ceux qui la vivent.
Avec le Code civil, la loi P-38 encadre la garde, en établissement, des personnes dont l'état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui. Les dispositions de la loi portent aussi sur l'évaluation psychiatrique nécessaire pour décider d'une telle garde.
En conférence de presse, MM. Carmant, Bleau et Noreau se sont fait questionner sur les récents drames survenus au Québec, qui mettaient en cause des personnes étant, selon toutes apparences, en crise.
Le drame de Louiseville, qui a entraîné le 27 mars dernier la mort de Maureen Breau, une policière en service de la Sûreté du Québec (SQ), a notamment été évoqué. Se refusant de commenter ce cas qui est judiciarisé
, le ministre Carmant a déclaré que la Commission d'examen des troubles mentaux (CETM) et la loi P-38 étaient deux problèmes distincts
.
Mais c'est sûr que ça nous affecte
, a précisé Lionel Carmant au sujet du drame de Louiseville.
L'homme – abattu par les policiers après qu'il eut poignardé la sergente Breau – était en probation au moment des événements. Il avait eu par le passé de graves et nombreux démêlés avec la justice pour lesquels il avait été déclaré criminellement non responsable, avant d'obtenir une absolution conditionnelle. En mars 2022, la CETM avait consenti à ce qu'il soit libéré tout en affirmant qu'il représentait un risque important pour la sécurité du public
.
Mais l'analyse que mènera l'IQRDJ portera sur la loi P-38, a précisé le ministre Carmant. En parallèle, le gouvernement du Québec effectue des travaux au niveau de la Commission d'examen des troubles mentaux
, mais c'est quelque chose de distinct
. La CETM, qui entre dans les mécanismes prévus au Code criminel, est de juridiction fédérale.
Examiner la loi, un défi
L'examen de la loi P-38 et du contexte dans lequel elle s'inscrit représentent un défi
, de l'avis de Pierre Noreau, de l'IQRDJ. Dans leur mire, les chercheurs devront avoir les dispositions des chartes des droits et libertés, celles du Code civil et, enfin, celles de la loi P-38 à proprement parler.
Sans compter qu'il y a, en toile de fond, les problèmes criants de l'accessibilité aux services.
On ne pourra pas tout traiter.
En raison de la complexité du dossier, Pierre Noreau refuse d'établir un échéancier. L'Institut épluchera d'abord l'abondante littérature existant sur le sujet. Les consultations publiques viendront ensuite.
Aux familles qui s'occupent tant bien que mal d'un proche aux prises avec des problèmes de santé mentale, le ministre Carmant affirme que le gouvernement de François Legault travaille sur toutes sortes d'autres solutions pour améliorer les services
.
On favorise l'accès aux services en santé mentale partout au Québec, on veut augmenter les services en situation de crise, on déploie des projets avec le Réseau Avant de craquer, pour aider les familles à mieux encadrer ces membres qui sont affectés
, assure le ministre responsable des Services sociaux.
Le syndrome de la porte tournante
En entrevue à Midi info sur ICI Première mercredi, Lionel Carmant a dit constater plus d'ouverture vis-à-vis de la santé et de la maladie mentale
. Selon lui, les Québécois sont prêts à avoir cette discussion ensemble
.
Le soutien qui doit être apporté aux familles et l'implication de ces dernières font partie des enjeux dont on doit discuter, poursuit le ministre Carmant, pédiatre de formation. Et aussi, comment s'assurer que les patients soient bien représentés dans tout ça.
Autres enjeux que dénoncent respectivement les patients et leurs familles : le recours croissant à la loi P-38 et le syndrome de la porte tournante
(des patients qui sortent d'un établissement peu de temps après y avoir été admis et qui y retournent, faute de prise en charge suffisante hors de cet établissement).
Il faut faire un état de la situation actuelle, tant chez nous qu'ailleurs en Amérique du Nord et en Europe, dit le ministre. Ensuite on va questionner les parties prenantes et ensuite, s'il y a des choses à faire, on les fera.
Les psychiatres vont collaborer
Par communiqué, l’Association des médecins psychiatres du Québec (AMPQ) a accueilli favorablement ces travaux et entend participer aux consultations.
L’AMPQ partagera son expertise médicale et son expérience acquise auprès des patients, de leur famille et des tribunaux pour jeter les bases d’une modernisation des dispositifs légaux
, écrit la Dre Claire Gamache, qui préside cette association regroupant les quelque 1200 psychiatres du système public.