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Réforme des libérations sous caution : des avocats s’inquiètent des possibles conséquences

Un détenu regarde par une fenêtre munie de barreaux.

La réforme du système de libérations sous caution proposée par Ottawa préoccupe des avocats qui se demandent comment les droits constitutionnels seront protégés.

Photo : Getty Images / Peter Macdiarmid

La réforme du système de libérations sous caution proposée par le gouvernement fédéral est favorablement accueillie par des corps policiers, mais des avocats sont inquiets. Certains espèrent que ces modifications à la loi pourront garder des récidivistes derrière les barreaux, tandis que d'autres jugent qu'elles ne répondent pas au problème.

Ottawa affirme que sa réforme rendrait plus difficile la libération sous caution pour certains récidivistes violents.

L'Association des policiers de l'Ontario se félicite de cette initiative, mais l’Association canadienne des libertés civiles (ACLC) et l'Association des avocats au criminel y voient d'importantes menaces aux droits constitutionnels des Canadiens.

Ce projet de loi nous inquiète. L'ACLC s'oppose au projet de loi C-48 puisqu'il cherche à restreindre l'accès à la mise en liberté sous caution. À notre avis, il n'est pas basé sur des preuves solides et va aggraver la crise qui existe dans notre système de remise en liberté, affirme l'avocate Laura Berger.

Face aux critiques, le ministre fédéral de la Justice, David Lametti, répond que pour les infractions violentes répétées, pour la violence armée ou conjugale et pour une personne ayant des antécédents de violence, nous voulons que les juges et les juges de paix structurent leur pouvoir discrétionnaire et qu'ils réfléchissent soigneusement à la question de savoir si une personne devrait ou non être libérée sous caution.

Il y a un sentiment d'insécurité auquel nous devons répondre.

Une citation de David Lametti, ministre de la Justice du Canada
David Lametti, ministre de la Justice et procureur général du Canada, à Ottawa mardi.

Le ministre de la Justice et procureur général du Canada, David Lametti, a annoncé mardi la réforme de la mise en liberté sous caution.

Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick

Bien que M. Lametti concède qu'un petit nombre de contrevenants se retrouvent devant les tribunaux à plusieurs reprises pour des infractions violentes, il espère dissiper la perception qu'il y a beaucoup de récidivistes violents en liberté sous caution.

C'est justement cette rhétorique que des avocats remettent en question.

Changements proposés

Ottawa propose d'ajouter des conditions à la remise en liberté sous caution, comme l'inversion du fardeau de la preuve pour les personnes accusées d'infractions graves avec violence impliquant une arme, dans les cas où l'accusé a déjà été reconnu coupable d'une infraction violente similaire au cours des cinq dernières années.

Cette mesure s'appliquerait également aux personnes accusées pour la première fois de possession d'une arme à feu chargée prohibée.

Le projet de loi C-48 élargit aussi la disposition sur le fardeau de la preuve dans les cas où les crimes présumés impliquent de la violence conjugale.

Dans une telle situation, ce serait donc à l'accusé de prouver qu'il est en mesure d'être libéré sous caution et d'éviter la détention préventive jusqu'à son procès.

Une demande en ce sens a déjà été faite à plusieurs reprises par des politiciens et des corps policiers, principalement dans le contexte de la violence armée perpétrée par des récidivistes présumés.

Des caméras de surveillance installées sur l'édifice du Centre correctionnel du Centre-Est en Ontario.

En Ontario, le nombre de personnes ayant commis un crime violent alors qu'elles étaient en liberté sous caution ou assujetties à un engagement de ne pas troubler l'ordre public a augmenté de 27 % de 2017 à 2021, selon des données compilées par CBC.

Photo : Radio-Canada

Depuis la mort de l'agent de la Police provinciale de l'Ontario (PPO) Grzegorz Pierzchala, des appels de partout au pays se sont multipliés pour qu'Ottawa réforme le système de libérations sous caution.

Selon les autorités, le meurtre du policier a été commis par un homme qui avait été libéré sous caution.

Les changements au Code criminel permettraient d'empêcher des accusés qui ont profité d'une libération sous caution de perpétrer d'autres actes criminels, selon Ottawa.

Le projet de loi, comme il est actuellement présenté, inquiète toutefois des avocats de la défense qui jugent que les modifications feraient plus de mal que de bien.

Risque de discrimination par le système judiciaire

Selon Me Daniel Brown, président de l'Association des avocats au criminel, le projet de loi du gouvernement fédéral n'arrive pas à répondre au problème que pose la récidive.

Il estime qu'il discriminera plutôt des communautés déjà marginalisées, comme les membres des communautés noires et ceux des communautés autochtones.

Dans le cas de l'homme qui aurait abattu le policier de la PPO, il était déjà soumis à une disposition d'inversion du fardeau de la preuve lorsqu'il a obtenu sa libération sous caution, explique Me Brown.

[Le cas de l'accusé] a donc déjà été évalué de cette manière et il aurait obtenu une libération sous caution même si cette nouvelle loi avait existé, ajoute-t-il.

La chaise d'un juge d'une cour supérieure de justice en Ontario.

La majorité des accusés qui sont libérés sous caution ne commettront pas de crime, selon des experts.

Photo : Radio-Canada / CBC

En effet, cette disposition existe déjà dans le système judiciaire dans certaines circonstances extraordinaires.

Ce que le projet de loi fait, c'est empêcher d'autres personnes qui méritent une caution de l'obtenir, croit Me Brown.

Or, la Charte des droits et libertés garantit que toute personne accusée d'un crime ne se verra pas refuser sans juste cause une mise en liberté assortie d'une caution raisonnable.

Le ministre Lametti a d'ailleurs promis que les réformes proposées respecteraient ce droit constitutionnel.

D'autres avenues possibles

Il est faux de suggérer que tous les crimes qui se produisent actuellement sont commis par des personnes en liberté sous caution, affirme le président de l'Association des avocats au criminel.

Plutôt que de modifier nos lois, nous devons chercher d'autres façons d'assurer le respect de la libération sous caution. Tenons-nous responsable la personne qui ne surveille pas correctement l'accusé? Comment veillons-nous à ce que celui-ci se conforme aux conditions en vertu desquelles il a été libéré? demande-t-il.

N'oublions pas que plus de 70 % de nos prisons provinciales sont remplies de personnes qui sont présumées innocentes.

Une citation de Daniel Brown, avocat de la défense

Notre population carcérale est [principalement constituée] de personnes qui attendent leur procès et qui n'ont été reconnues coupables de rien, renchérit-il.

Il rappelle l'importance de la présomption d'innocence et le droit d'avoir un accès raisonnable à la libération sous caution.

Notre système est basé sur le principe de présomption d'innocence. Notre loi indique qu'une personne ne peut être incarcérée avant son procès, sauf lorsqu'il est justifié [de le faire] pour des raisons d'ordre public ou d'autres raisons précises, explique l'avocate Laura Berger.

La grande majorité des individus qui sont libérés sous caution ne vont pas commettre d'autres infractions criminelles.

Une citation de Laura Berger, avocate de l’Association canadienne des libertés civiles

Nous avons déjà un système qui cherche à trouver un bon équilibre entre les droits constitutionnels de l'accusé et la nécessité de protéger la sécurité publique, ajoute-t-elle.

Selon Me Brown et Me Berger, il serait plus judicieux d'investir dans des services sociaux pour offrir plus de soutien en santé mentale, par exemple.

Les autorités pourraient, entre autres, mieux assurer le respect des conditions de libération sous caution, selon Me Daniel Brown.

C'est toujours une question de politique d'une certaine manière. [Ce projet de loi] est une réaction basée sur des cas isolés et un tollé dans le public; or, ce n'est pas une bonne façon de gouverner et de développer des politiques liées à la justice, pense l'avocat.

Il prévoit que cette réforme aura d'ailleurs des impacts désastreux à long terme sur des groupes désavantagés.

Selon le ministre Lametti, les réformes proposées sont assez ciblées pour ne pas enfreindre les droits constitutionnels des Canadiens.

Avec les informations de La Presse canadienne

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