De nombreux courtiers immobiliers délaissent la profession

Cette baisse survient chaque année à la date limite du renouvellement des permis. Or, l'ampleur du phénomène est particulière cette année.
Photo : Radio-Canada / Jean-François Deschênes
Près de 800 courtiers immobiliers ont décidé de ne pas renouveler leur permis au Québec au 30 avril, date limite pour le faire auprès de l'Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ). Il s'agit d'une baisse de 4,95 % par rapport à 2022, la plus importante depuis 2011.
Effectivement, on peut voir qu'il y a une baisse
, note Guillaume LaBarre, chef de la direction à l'Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ).
Cette baisse survient chaque année à la date limite du renouvellement des permis. Or, l'ampleur du phénomène est particulière cette année.
Ce qu'on a vu dans les deux dernières années, durant et juste après la pandémie, c'est un engouement très grand pour la profession de courtier. Il y a des gens qui ont perdu leur emploi durant la pandémie. Il y a des gens qui ont eu des baisses de revenus et qui ont cru intéressant de s'inscrire et de se former comme courtier. C'est ce qui explique le sommet historique de 2022
, note M. LaBarre.
Le marché et l'effervescence ont expliqué cette hausse-là. Maintenant, en 2023, on sent que le marché devient plus stable.
Le nombre de courtiers pourrait toutefois augmenter au cours de l'année en raison de nouvelles inscriptions. Des jeunes continuent de s'inscrire à la formation, note Guillaume LaBarre.
Changer de métier
Chantal Journault fait partie de ceux qui ont pris la décision de délaisser la profession après 14 ans. Elle est propriétaire depuis peu d'une franchise Iron Body Fit, un centre d'activité physique situé à Val-Bélair, à Québec.
Bien qu'elle considère qu'il s'agisse d'un métier extraordinaire
, celui-ci vient avec son lot de problèmes, notamment les longues heures de travail.
Au cours des dernières années, le métier s'est aussi complexifié, selon elle, notamment avec l'augmentation des offres multiples et la diminution du nombre de maisons sur le marché.
Les deux dernières années ont été un peu plus difficiles parce qu'on a travaillé beaucoup sur la recherche des maisons avec nos clients. On s'est rendus avec certains clients qui trouvaient leur coup de cœur, on faisait une offre d'achat, ça ne passait pas. Ce n’est pas facile. Ça nous oblige à faire vivre des déceptions à nos clients. Ça, j'ai trouvé ça difficile.

Chantal Journault fait partie de ceux qui ont pris la décision de délaisser la profession après 14 ans.
Photo : Radio-Canada
Lourdeur administrative
L'OACIQ, qui applique la Loi sur le courtage immobilier, apporte des changements à celle-ci depuis juin dernier.
Ces changements ont pour effet, entre autres, d'interdire la double représentation ainsi que le contrat de courtage verbal lors de transactions immobilières résidentielles au Québec. À l’instar du régulateur de la Colombie-Britannique, Québec interdit aux courtiers immobiliers de représenter simultanément les deux parties à une transaction immobilière et d’être liés par contrat de courtage à chacune d’elles
, explique l'organisme. L'objectif est d'assurer au client que son courtier représente uniquement ses intérêts.
Ces nouvelles règles ont eu pour effet d'ajouter une lourdeur administrative, selon Chantal Journault. À un moment donné, la paperasse pour la paperasse, les gens veulent juste acheter une maison. Moi, ça me décourageait.

Même si Chantal Journault considère qu'il s'agit d'un métier extraordinaire, celui-ci vient avec son lot de problèmes, notamment les longues heures de travail.
Photo : Radio-Canada
Travailleurs autonomes
La baisse du nombre de courtiers surprend peu Anne-Marie Lussier, courtière immobilière chez Royal LePage Blanc & Noir, à Québec. Elle gère également du personnel de l'agence.
On a perdu quelques courtiers, comme toute bannière. La majorité, ils ont renouvelé
, témoigne la courtière.
Selon elle, les raisons des départs sont diverses : retraite, difficulté de la conciliation travail-famille et revenus instables. Ce n’est pas toujours facile. C'est des travailleurs autonomes. Les revenus ne sont pas toujours stables. L'enjeu ''après-pandémie'' a été un peu plus complexe pour certains.
Lorsque les courtiers commencent l'école, il n'y a personne qui va leur dire que ça leur prendrait de 20 000 à 30 000 $ dans leur compte de banque parce qu'on est rétribués lorsque l'acte de vente est chez le notaire. Des fois, c'est souvent la grosse période de mai, juin, juillet, août. C'est des grosses périodes. Tant qu'ils ne l'ont pas vécu, ils ne vont pas le croire.

Anne-Marie Lussier, courtière immobilière chez Royal LePage Blanc & Noir, à Québec.
Photo : Radio-Canada
Elle ajoute que contrairement à la croyance populaire, un courtier a de nombreuses dépenses, notamment en frais de bureau et en publicité. Pour faire un bon salaire, un bon courtier peut faire 150 000 $ pour un revenu décent. Il y a de l'argent qui sort.
Avec la stabilité des taux d'intérêt, le nombre de transactions et les prix recommencent à augmenter un peu partout au Canada, et cette tendance devrait se poursuivre.
Avec les informations de Louis-Simon Lapointe