Confusion à la frontière américano-mexicaine avec la fin du « Titre 42 »

Plusieurs migrants se sont dépêchés jusqu'à la frontière dans l'espoir de pouvoir demander l'asile.
Photo : Getty Images / Mario Tama
Le désordre règne à la frontière sud des États-Unis, selon des agents frontaliers américains, le Titre 42 ayant pris fin à 23 h 59 (HAE) jeudi. Près de 10 000 migrants ont été interceptés, à quelques heures de la fin de la mesure, alors qu'ils tentaient désespérément de traverser la frontière séparant le Mexique et les États-Unis.
Le Titre 42, qui était en place depuis mars 2020, permettait aux patrouilleurs à la frontière d'expulser les migrants qui arrivaient illégalement en sol américain avant qu'ils ne puissent demander l'asile, dans un contexte pandémique.
Cette mesure ayant pris fin jeudi soir, plusieurs migrants se sont pressés de se rendre à la frontière, espérant pouvoir profiter de cette transition chaotique aux États-Unis. Le secrétaire à la Sécurité intérieure, Alejandro Mayorkas, avait d'ailleurs affirmé jeudi qu'un nombre élevé d'arrivées
avait été observé dans certains secteurs
avant l'expiration du Titre 42.
Le phénomène est d'une telle ampleur qu'une professeure agréée et politologue de l'Université du Texas Rio Grande Valley, Alexandre Couture Gagnon, a pu apercevoir du campus de son université des familles en train de marcher, ce qu'elle a qualifié d'impressionnant
et de triste
.
Ce qui est difficile, c'est l'inconnu. Je pense que personne ne s'attendait à ce que les flux migratoires soient aussi importants dans les deux dernières semaines. À cause des rumeurs, les migrants avaient l'impression que c'était plus facile de traverser avant l'expiration du Titre 42
, a-t-elle expliqué, lors de son passage à ICI RDI.

10 000 migrants clandestins par jour aux États-Unis.
Dans la nuit, entre Ciudad Juarez au Mexique et El Paso aux Etats-Unis, des centaines de personnes attendaient.
Agustin Sortomi a expliqué à l'AFP avoir essayé de se rendre aux autorités américaines avec sa femme et ses deux enfants, mais avoir été refoulé.
Je ne sais pas quoi faire
, a dit le Hondurien. Nous n'avons pas réalisé ce rêve, seul Dieu sait quand nous allons le réaliser
.
Une ordonnance contradictoire d'un juge fédéral
Les autorités locales sont aux prises avec le flux migratoire important des derniers jours, en plus de devoir s'occuper des migrants sans document déjà interceptés.
L'administration Biden prévoyait relâcher ces immigrants irréguliers sans les expulser pour redonner un peu de souffle aux gardes-frontières. Cependant, un juge fédéral en Floride a ordonné jeudi un avis contradictoire obligeant les agents à remettre des avis de convocation pour la cour d'immigration, un processus qui prend du temps et qui est jugé nuisible par les agents frontaliers.
Il s'agit d'un règlement nuisible qui conduira à un engorgement des frontières, qui freine notre capacité à efficacement effectuer les procédures et les expulsions de migrants et qui risque de créer des conditions dangereuses pour les agents frontaliers et les migrants.
Pour aider les autorités locales, 24 000 agents supplémentaires ont été déployés mercredi en plus de 4000 militaires en vue de l'afflux important de migrants.
La situation, bien que chaotique, était cependant attendue. Le président Joe Biden a lui-même récemment affirmé que la situation serait chaotique pendant un moment
, alors qu'il tente de garder une politique équilibrée dans ce dossier.
Nous voyons des gens arriver à notre frontière sud, ainsi que nous l'attendions, ainsi que nous nous étions préparés
, a ajouté vendredi matin sur CNN, M. Mayorkas.

Certains migrants risquent leur vie pour se rendre jusqu'à la frontière américaine.
Photo : Getty Images / John Moore
Des politiques plus strictes
Le Mexique a de son côté rapporté vendredi avoir observé une baisse du nombre de personnes cherchant à aller aux États-Unis.
Les migrants déjà entrés craignent le durcissement promis d'autres règles, notamment liées à l'octroi de l'asile.
Je répète depuis des mois que la situation sera compliquée. Notre plan mettra du temps, mais notre plan sera un succès.
Pour restreindre le passage irrégulier à sa frontière, le gouvernement américain veut instaurer de nouvelles restrictions. Les migrants sans visa qui ont passé par d'autres pays avant d'atteindre les États-Unis et qui n'ont pas fait de demande dans ces pays ne seront plus admissibles pour une demande d'asile.
Toutefois, ceux qui auront pris un rendez-vous sur l'application mobile CBP One pour leur demande seront exemptés des mesures. La seule exception à la règle sera les mineurs isolés.
Les clandestins qui ne remplissent pas les critères seront soumis au « processus accéléré de déportation » qui les empêchera d'entrer en sol américain pour les cinq prochaines années.
Les migrants qui n'ont pas de raison de rester, nous les écarterons très rapidement avec ce que nous avons désormais à disposition, nos pouvoirs traditionnels de contrôle de l'immigration
, a expliqué le secrétaire de la Sécurité intérieure.
Critiques à l'endroit de Biden
Les républicains accusent les démocrates de ne pas assez renforcer la sécurité aux portes du pays, alors que des groupes de défense des droits des migrants estiment que le gouvernement empêche les demandeurs d'asile d'accéder à leurs droits.
L'organisation de défense des droits civiques (ACLU) poursuit l'administration Biden pour contrer les nouvelles restrictions à l'égard des demandeurs d'asile. Les nouvelles politiques du gouvernement veulent encourager les migrants à adopter le processus légal pour entrer au pays. Le problème relevé par l'organisme est que le système requiert une prise de rendez-vous via une application mobile, alors que plusieurs demandeurs n'ont pas accès à Internet ou même à un appareil mobile.
Selon Mme Couture Gagnon, la situation migratoire crée beaucoup de maux de tête au président américain, qui fait face à des opinions divisées au sein de son gouvernement.
Définitivement, c'est un problème politique pour Joe Biden. Il est très conscient que les républicains parlent parfois d'invasion migratoire. Du côté des démocrates, on veut un traitement humanitaire des migrants. Tout le monde aimerait qu'il y ait de nouvelles lois sur l'immigration, mais le Congrès est tellement divisé qu'il n'arrive pas à passer de nouvelles lois.
Confrontés aux changements des dispositifs migratoires, aux rumeurs propagées par les passeurs et à une procédure en ligne complexe, les migrants qui s'entassent dans le nord du Mexique témoignent d'un casse-tête, amplifié par les bugs fréquents de l'application.
À El Paso, au Texas, des centaines de personnes entrées jeudi ont vu leur dossier traité et pu déposer une demande d'asile. Mais beaucoup d'autres ont été retenues par les gardes-frontières, parmi lesquels semblait régner une certaine confusion. On ne sait pas
, répond l'un d'eux lorsqu'on lui demande ce qui va arriver aux migrants qui ont pu passer.
En Floride, un adolescent hondurien de 17 ans, qui avait traversé la frontière des États-Unis sans sa famille, est mort dans un centre américain de prise en charge de mineurs non accompagnés où il avait été placé le 5 mai, selon les autorités honduriennes.
Avec les informations de l'Agence France-Presse
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Avec les informations de New York Times, CNN et Agence France-Presse