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Caribou forestier : le Québec vertement critiqué devant des experts mondiaux

Une vingtaine de caribous sur une étendue enneigée couverte de traces de caribous.

Un groupe de caribous forestiers.

Photo : Courtoisie, MFFP

Les choix du Québec en matière de protection du caribou forestier et de son habitat ont été vivement critiqués devant un parterre d'experts mondiaux du cervidé, la semaine dernière, lors d'un congrès tenu en Alaska. Le chercheur Martin-Hugues St-Laurent y a présenté une nouvelle étude démontrant que les décisions politiques de la province ont mené à la perte de plusieurs hardes en sol québécois.

Le professeur d'écologie animale à l'Université du Québec à Rimouski (UQAR) a profité de son passage à Anchorage pour dévoiler pas moins de sept nouvelles études sur le caribou, faites personnellement ou en équipe.

L'une d'elles, qui sera officiellement soumise à la révision au cours de l'été, rappelle essentiellement les dernières décennies de décisions politiques en défaveur du caribou dans la Belle Province.

On a un peu perdu notre temps et gaspillé notre argent, commente l'expert du caribou en entrevue à Radio-Canada. Pendant que la main gauche essayait d'installer plein de mesures pour aider le caribou, la main droite altérait de façon assez continue l'habitat.

Portrait de Martin-Hugues St-Laurent.

Martin-Hugues St-Laurent s'est rendu à Anchorage, la semaine dernière, pour dévoiler de nouvelles études dans le cadre de la North American Caribou Workshop & Arctic Ungulate Conference. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada

Devant des représentants des Premières Nations de partout au Canada ainsi que des chercheurs provenant d'une dizaine de pays, M. St-Laurent a résumé le sort des quatre hardes de caribous les plus fragiles au Québec, à savoir celles de Charlevoix, de Val-d'Or, de la Gaspésie et de la région du réservoir Pipmuacan, dans la MRC du Fjord-du-Saguenay.

Selon lui, ces dernières ont été particulièrement mises de côté à travers le temps. Les trois premières font l'objet de mesures extrêmes de conservation, comme la mise en enclos (totale ou partielle) et l'abatage intensif des prédateurs.

Un exemple à ne pas suivre

Le chercheur, connu pour ses prises de position critiques envers les politiciens, a présenté les différentes mesures de protection mises en place pour protéger les hardes dans la province au cours des cinquantaine dernières années.

Parmi elles, le Québec a fermé des chemins forestiers, mis en place des comités de rétablissement, élaboré des stratégies de restauration de l'habitat, intensifié la récolte d'ours, de loups ou de coyotes, protégé certains massifs forestiers de la récolte industrielle et plus récemment mis des caribous en captivité pour aider à la reproduction des troupeaux.

Des caribous dans un enclos à l'automne.

Les hardes de Val-d'Or (image) et de Charlevoix sont actuellement confinées à des enclos les protégeant des prédateurs. (Photo d'archives)

Photo : Autre banques d'images / Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs

Je plaque là-dessus la proportion de coupes forestières dans l'habitat, poursuit M. St-Laurent. Ce que ça montre, c'est qu'on voit que l'évolution des nombres d'individus dans les quatre hardes laissées de côté a diminué. Et donc, malgré des investissements importants et les mesures déployées, une partie des résultats a été annulée par la perturbation continue des forêts matures, habitat essentiel du caribou forestier.

Les politiciens repoussent dans le temps les décisions difficiles, et pendant ce temps-là on perd toute la marge de manœuvre dont on a besoin.

Une citation de Martin-Hugues St-Laurent, professeur, Université du Québec à Rimouski

L'expert s'en est finalement pris aux différentes stratégies des gouvernements visant à repousser dans le temps des actions plus musclées pour aider l'espèce. Il y a eu toutes sortes de demandes de nouvelles études qui ont ralenti le tempo, déplore-t-il, citant en exemple deux cas récents sous le gouvernement de la Coalition avenir Québec.

Pierre Dufour, ministre de la Forêt, de la Faune et des Parcs.

L'ex-ministre des Forêts, de la Faune et des Parcs, Pierre Dufour (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Mélanie Picard

L'ex-ministre des Forêts, de la Faune et des Parcs, Pierre Dufour, avait commandé une méta-analyse sur le caribou forestier, prétextant que les données sur l'animal n'étaient pas encore suffisantes pour prendre des décisions éclairées. L'autre décision phare de M. Dufour a été de mettre en place une commission indépendante sur le caribou forestier et montagnard.

Dans son rapport, cette dernière s'est essentiellement rangée derrière les scientifiques comme Martin-Hugues St-Laurent, pressant le Québec d'agir pour sauver les hardes.

Fouetter le gouvernement

La plupart des arguments présentés par Martin-Hugues St-Laurent ont été évoqués à plusieurs reprises ces dernières années par différents chercheurs universitaires, biologistes et autres organismes de conservation.

Au sein même du gouvernement du Québec, des biologistes payés par l'État ont produit des documents témoignant des perturbations de l'habitat du caribou forestier par l'activité humaine.

Des experts du ministère de l'Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs étaient d'ailleurs dans la salle au moment de la présentation de M. St-Laurent, jeudi dernier. J'en ai parlé aux collègues [du ministère]. Ce n'est pas sous leur responsabilité que ça se passe, ça se passe à bien des étages en haut d'eux. Les biologistes font un excellent travail, prend soin de préciser M. St-Laurent.

Ce dernier voulait surtout mettre en lumière l'abandon du caribou par les décideurs politiques, les personnes en position de pouvoir.

Un homme en veston cravate accorde une entrevue à la tribune de la presse.

Benoît Charette a hérité du dossier des caribous, à titre de ministre de l'Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada

En produisant cette étude et en dévoilant les grandes lignes devant un parterre d'experts étrangers, M. St-Laurent a voulu porter la situation à l'attention de la communauté internationale. Le Québec est jaloux de sa réputation à l'international, dit-il. Ça va peut-être aussi mettre une pression sur le gouvernement pour faire mieux.

L'expert rappelle que le Québec négocie actuellement avec les Premières Nations, notamment, ainsi que le gouvernement fédéral, concernant la protection des espèces, dont le caribou forestier. Ottawa, par l'entremise du ministre de l'Environnement, Steven Guilbeault, a déjà menacé d'intervenir par décret au Québec si la province n'en fait pas assez pour protéger le caribou.

Le gouvernement Legault s'est engagé à dévoiler sa nouvelle stratégie de protection de l'habitat du caribou forestier au plus tard en juin prochain. Le ministre québécois de l'Environnement, Benoit Charette, porte le dossier.

En coulisses, les Premières Nations ont déjà indiqué ne pas avoir été suffisamment consultées par Québec. Martin-Hugues St-Laurent abonde dans le même sens dans le cas des scientifiques. On a tellement été peu impliqués en cours de route. Je ne m'attends pas à grand-chose de révolutionnaire.

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