Inconduites sexuelles : des restrictions sur l’alcool dans la mire de l’armée

La lieutenante-générale Jennie Carignan a annoncé que des restrictions sur le service d'alcool seront imposées lors des événements de l'armée durant la période des Fêtes. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada / Olivier Lalande
Le nombre d’inconduites sexuelles signalé au sein des Forces armées canadiennes atteint des sommets durant le mois de décembre, a révélé jeudi la lieutenante-générale Jennie Carignan, chargée de réformer la culture de l’institution. L’un des facteurs montrés du doigt : la consommation d’alcool.
C'est certainement un facteur dont nous tenons compte lors du suivi des programmes d'inconduite et de prévention pour y remédier
, a déclaré jeudi, en point de presse virtuel à Ottawa, Jennie Carignan, qui est à la tête du groupe Chef – Conduite professionnelle et culture.
Décembre est le moment de l’année où il y a le plus d’événements et de rassemblements et, sachant cela, nous pouvons mettre en place des mesures pour prévenir les inconduites sexuelles
, a-t-elle renchéri.
L’armée compte notamment instaurer des heures limites pour le service de boissons alcoolisées lors de ses événements durant la période des Fêtes.
La lieutenante-générale n’a toutefois pas précisé si des restrictions plus larges sur la consommation d’alcool lors des rassemblements en général sont aussi prévues. Elle s'est contentée d’affirmer que les discussions sont en cours.
Les restrictions sur l’alcool sont matière à débat depuis plusieurs années au sein de l’armée.
En 2014, la consommation d'alcool a été interdite à bord des navires de la marine, à la suite de trois incidents d’inconduite. Elle est cependant restée permise lorsque l’embarcation est amarrée ou lors d’occasions spéciales.
Mark Norman, vice-amiral à l'époque, a affirmé à CBC qu’à ce moment, l'alcool était considéré comme un facteur dans environ 90 % des incidents d'inconduite de tous types dans la marine. D'après lui, la mesure de 2014 a lancé un message clair.
La chaîne de commandement à tous les niveaux était très favorable à la décision.

Mark Norman, ancien numéro 2 de l'armée (Photo d'archives)
Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick
Plusieurs facteurs, tels que l’âge et la position hiérarchique, peuvent aussi être liés à ces comportements inappropriés, selon Jennie Carignan. C’est pourquoi chacun des dirigeants [...] doit adapter les événements sociaux en considérant tous ces facteurs et leur situation spécifique
, a-t-elle souligné.
La lieutenante-générale a ajouté que, selon les données actuelles, la plupart des incidents surviennent à l’extérieur des bases militaires et lorsque les personnes concernées ne participent pas à des opérations.
La moitié des dossiers transférés au civil
Le gouvernement fédéral a également été questionné, jeudi, sur la lenteur du transfert aux tribunaux civils des dossiers d'inconduites sexuelles des Forces armées.
Anita Anand, ministre de la Défense, a révélé que seulement la moitié de ces dossiers ont été transférés au civil depuis novembre 2021, moment où elle avait promis d’agir en ce sens. Le processus interne de gestion des dossiers faisait l’objet de vives critiques.
Le progrès est là, mais nous devons continuer de faire ce travail important
, a affirmé la ministre.
Lorsqu'elle a été nommée responsable du ministère de la Défense nationale, Mme Anand a promis que le changement de culture nécessaire dans les Forces armées canadiennes pour mettre fin aux inconduites sexuelles serait sa priorité.
Elle assure que c'est toujours le cas malgré les dossiers majeurs dans lesquels elle a aussi dû s'investir, comme la réponse du Canada face à l'invasion russe de l'Ukraine.

La ministre de la Défense nationale, Anita Anand (Photo d'archives)
Photo : La Presse canadienne / Justin Tang
Anita Anand a d'ailleurs annoncé le lancement d’un programme d’assistance juridique indépendante destiné aux personnes qui ont subi des inconduites sexuelles. Le programme permettra, dans une première phase, le remboursement de dépenses en services juridiques encourues à partir du 1er avril 2019.
Il y a près d’un an, l'ancienne juge de la Cour suprême Louise Arbour a déposé un rapport cinglant après avoir mené un examen approfondi du traitement par l’armée des agressions sexuelles, du harcèlement et d’autres inconduites.
La ministre Anand a répété, jeudi, qu'Ottawa suivrait les 48 recommandations de Mme Arbour.
Avec les informations d'Ashley Burke (CBC) et de La Presse canadienne