•  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

La thermopompe, une « arme » de plus en plus populaire pour décarboner les bâtiments

Les ventes de thermopompes ont connu une augmentation record en Europe en 2022, en croissance de près de 40 % par rapport à l’année précédente.

Dessin de thermopompes.

Les ventes de thermopompes, qui contribuent à la décarbonation des bâtiments, ont augmenté sur le globe au cours des dernières années.

Photo : Getty Images

C’est une technologie imaginée il y a plus de 160 ans, et pourtant, plusieurs la considèrent comme l'un des vecteurs de la décarbonation du secteur du bâtiment. Voici pourquoi la thermopompe, ou pompe à chaleur, connaît un regain de popularité ces dernières années.

Les ventes de thermopompes sur le globe ont connu une augmentation de 13 % en 2021 et de 11 % en 2022, selon les données de l’Agence internationale de l’énergie (AIE).

L’Europe s’est révélée être un important marché, où les ventes sont passées de 2,2 millions en 2021 à 3 millions en 2022; une augmentation de 37 %. Des pays comme la France, l’Italie et l’Allemagne ont concentré la moitié de toutes les pompes à chaleur vendues sur le continent.

Certains marchés que l’AIE qualifie d’émergents, comme la Pologne et la République tchèque, ont pour leur part vu leur taille doubler.

En France et aux États-Unis, l’achat de thermopompes a même dépassé celui des chaudières à combustibles fossiles et des fournaises à gaz.

Mais à quoi sert la thermopompe?

La thermopompe est un appareil qui permet de transférer la chaleur de l'extérieur vers l'intérieur, et vice-versa, tantôt pour chauffer la maison, tantôt pour la refroidir.

Différents modèles existent, mais le système le plus commun en Amérique du Nord est la thermopompe air-air, où la chaleur est diffusée dans la demeure à l’aide d’unités murales (bibloc ou mini-split).

La thermopompe air-eau, quant à elle, est rattachée à un système de chauffage qui comprend soit des radiateurs, soit des convecteurs d’eau. L’air ambiant est acheminé vers ce système pour chauffer la bâtisse.

La petite histoire

La technologie derrière ces installations qui gagnent en popularité ne date pourtant pas d'hier.

Il faut remonter aux années 1850 pour comprendre comment l'idée d'un tel système à double fonction a germé. Dès 1852, Lord Kelvin, un physicien britannique spécialiste de la thermodynamique, suggère qu'un moteur thermique inversé pourrait permettre à la fois de chauffer et de refroidir l'air. Un tel dispositif, supposait-il, nécessiterait moins d'énergie primaire.

Quelques années plus tard, en Autriche, un ingénieur du nom de Peter von Rittinger a concrétisé à l'échelle de projet pilote la première pompe à chaleur connue, en 1856. À l'époque, l'invention, conçue pour les salines du village d'Ebensee, en Haute-Autriche, ne faisait que chauffer et possédait une puissance de 14 kW.

La première pompe à chaleur à grande échelle a quant à elle été aménagée au Royaume-Uni, dans l'enceinte de la compagnie Finn Geotherm à Norwich, en 1945.

Un autre système, la pompe géothermique, peut aussi fonctionner à air ou à eau, mais tire la chaleur du sol. Par temps froid, l’air chaud qui s’y accumule est ainsi réorienté vers la maison, tandis qu’en été, la chaleur de la maison est dirigée vers le sol, à l’extérieur.

Une thermopompe à l'extérieur d'une maison de la communauté de Bella Bella.

Les thermopompes permettent de remplacer les fournaises domestiques à mazout pour un système de chauffage électrique.

Photo : Radio-Canada / Camille Vernet

En quoi s'agit-il d’une solution verte pour chauffer les bâtiments?

Subventionnée par de nombreux gouvernements à travers le monde, la thermopompe permet généralement de chauffer un édifice sans avoir recours aux énergies fossiles, comme le mazout et le gaz. Ce dernier est le combustible le plus utilisé dans le monde pour chauffer les bâtiments. Il couvrait 42 % des besoins énergétiques de ce secteur en 2021.

Afin d’atteindre les cibles de décarbonation, voire de neutralité carbone, le secteur du bâtiment doit être revu pour en renforcer l’efficacité et en réduire l’empreinte écologique, au même titre que le secteur des transports et des industries.

Selon l’Agence internationale de l’énergie, 10 % de toutes les émissions de gaz à effet de serre produites dans le monde proviennent du secteur du bâtiment.

Au Canada, il s’agit du troisième secteur en importance, avec une contribution de 87 mégatonnes d’équivalent CO2, soit 13 % du bilan total, selon le plus récent inventaire canadien des GES. Bien que l'efficacité énergétique des bâtiments s'est améliorée au fil des ans, le bilan du secteur stagne depuis 2005. Un phénomène que le gouvernement fédéral attribue à la croissance démographique et au développement commercial.

Pour Michael Kummert, professeur titulaire du Département de génie mécanique à Polytechnique Montréal, la thermopompe est la meilleure arme pour décarboner les bâtiments.

Qui plus est, elle consomme moins qu’un système de chauffage strictement alimenté à l’électricité.

Disons que pour une unité d'électricité consommée, une pompe à chaleur peut fournir jusqu’à trois unités de chaleur dans un bâtiment, contrairement à la plinthe électrique, qui va donner un kilowattheure de chaleur pour un kilowattheure d’énergie consommée, explique-t-il.

« C'est beaucoup mieux qu'une chaudière au gaz ou qu'une plinthe électrique. Scientifiquement, c'est une machine thermodynamique géniale. »

— Une citation de  Michael Kummert, professeur titulaire du Département de génie mécanique et Polytechnique Montréal

Qu’est-ce qui explique les ventes record en Europe?

Dans plusieurs pays de l'Union européenne (UE), l'achat d'une pompe à chaleur est admissible à une série de crédits et de subventions qui permettent d'en alléger le coût, parfois au point de couvrir la totalité de la somme.

Si on se débrouille bien et qu’on habite dans des régions où il y a également des subventions locales, on peut arriver à financer 100 % du coût des travaux d'installation, soutient Anne Creti, directrice scientifique de la Chaire Économie du gaz naturel et de la Chaire Économie du climat de l'Université Paris Dauphine-PSL.

Ces subventions, précise-t-elle, ne sont toutefois pas dédiées uniquement à l'installation d'une thermopompe, elles englobent aussi une série de rénovations énergétiques.

Dans plus de 30 pays – qui couvrent plus de 70 % de la demande en chauffage –, des incitatifs financiers ont été mis en place ou renforcés dans la dernière année. Aux États-Unis, en Irlande, en Pologne et en Autriche, les subventions à l'achat ont même augmenté.

Ces aides économiques sont couplées à un resserrement de la réglementation sur l'efficacité énergétique des bâtiments. En France, où le gouvernement s'est engagé à réduire d'au moins 30 % la consommation d'énergie de ce secteur d'ici 2030, on ne pourra plus utiliser le gaz dans les nouveaux bâtiment, cite-t-elle en exemple. Il y aura aussi, plus tard, des normes strictes sur les installations au gaz existantes.

Le marché du carbone européen, en vertu duquel certaines industries doivent payer si elles dépassent le plafond d'émissions de GES fixé, sera en outre réformé pour s'étendre à de nouveaux secteurs, dont celui du chauffage des bâtiments. Il faudra alors payer pour les émissions qui en seront issues. Le coût sera quand même beaucoup plus important et on verra probablement les rénovations s'accélérer, prédit Mme Creti, qui s'est consacrée, au cours de ses recherches, à la rénovation thermique des bâtiments.

« La rénovation du bâtiment, pourtant extrêmement nécessaire dans la décarbonation, n'avance pas à un rythme satisfaisant. »

— Une citation de  Anne Creti, économiste et professeure titulaire à l'Université Paris Dauphine-PSL

Rappelons aussi que l'Union européenne a fait vœu de s'affranchir de sa relation au gaz naturel provenant de la Russie, qui représentait en 2021 près de 45 % de ses importations. Dans la foulée de l'invasion russe de l'Ukraine, la Commission européenne a annoncé un plan visant à mettre fin à cette dépendance d'ici 2027.

Bien qu'elle juge qu'il est trop tôt pour établir une corrélation forte entre ces politiques et les achats de thermopompes, Mme Creti note que les pays européens où les ventes ont été les plus importantes comptent parmi les plus dépendants du gaz russe pour l'usage thermique.

Une pompe à chaleur est installée à l'extérieur d'un bâtiment, en plein hiver. Un chien se tient en arrière-plan.

Les thermopompes sont conçues pour pouvoir fonctionner même dans un climat froid. Le modèle et la grosseur de la pompe peuvent toutefois influencer son efficacité.

Photo : getty images/istockphoto

S'éloignant des considérations géopolitiques, l'économiste ajoute qu'il ne faut pas sous-estimer l'attrait d'un système à solution double qui permet de chauffer et de refroidir sa maison. Les importantes vagues de chaleur et les périodes de canicule qui se sont abattues sur l'Europe ces dernières années ne sont pas étrangères à l'engouement suscité par les thermopompes, estime-t-elle.

La thermopompe est-elle populaire au Canada?

Ici aussi, la thermopompe est de plus en plus adoptée : au cours des 15 dernières années, le nombre d'installations de ces systèmes dans les foyers canadiens est passé de 400 000 à 850 000, selon l'Institut climatique du Canada.

Mais la part du chauffage domestique qu'elle assure, elle, ne dépasse pas les 6 %. Un peu plus de la moitié des ménages possède une fournaise à air pulsé, tandis que le quart des maisons sont chauffées à l'aide de plinthes électriques, selon Statistique Canada.

Certaines provinces des maritimes, comme le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et l'Île-du-Prince-Édouard, ont toutefois considérablement augmenté la part du chauffage par thermopompe ces dernières années. Un phénomène qui peut notamment s'expliquer par la combinaison d'un climat plus tempéré et de la mise en place de programmes gouvernementaux visant à améliorer l'efficacité énergétique.

Comme en Europe, des subventions pour encourager les rénovations énergétiques permettent d'absorber une partie de la facture, au fédéral comme au provincial. Le gouvernement canadien offre notamment jusqu'à 5000 $ aux ménages qui passent d'un système de chauffage au mazout à une thermopompe.

En parallèle, des règlements viennent proscrire le recours à certains combustibles fossiles pour le chauffage. Au Québec, par exemple, l'installation d'appareils au mazout ou leur remplacement par des systèmes alimentés par des énergies fossiles sera interdit dès le 31 décembre 2023.

Est-ce que ce système fonctionne même dans les climats froids?

En théorie, oui. Mais la performance de ces installations peut en effet être influencée par la température extérieure. S'il fait trop froid, le rendement de l'appareil en sera donc affecté.

Plus il fait froid, moins la thermopompe est en mesure de fournir de la chaleur, explique Michael Kummert. Il faut alors se doter d'une pompe à chaleur plus grosse (et plus coûteuse) ou utiliser un autre type de chauffage pour compenser, par exemple en ayant recours aux plinthes électriques.

De nouveaux modèles apparus au cours des dix dernières années permettent toutefois de chauffer adéquatement une maison lorsqu'il fait -25 degrés Celsius. Ces thermopompes, dites à basse température ou à climat froid, ont contribué à rendre cette technologique plus attrayante dans des climats comme le nôtre, souligne le spécialiste des systèmes énergétiques des bâtiments.

S'il estime que toutes les provinces gagneraient à adopter la thermopompe, Michael Kummert observe que les Québécois n'y voient pas tous une solution intéressante économiquement. Dans la province, 65 % des ménages sont chauffés à l'électricité, une source d'énergie qui coûte relativement peu cher.

Le coût de l'installation et la perspective de travaux de rénovation sont au nombre des freins qui peuvent influencer les consommateurs, selon M. Kummert.

La thermopompe permettrait toutefois d'avoir un meilleur rendement énergétique et d'atténuer la demande sur le réseau d'électricité, poursuit le spécialiste. Si on remplace le chauffage au gaz et au mazout qu'il reste par des plinthes électriques, ça va créer des pointes et des demandes plus élevées, résume-t-il.

De son côté, Anne Creti rappelle que la thermopompe n'est qu'une partie de la solution pour décarboner le secteur des bâtiments. Elle y contribue, certes, mais elle est loin d'en être la pièce maîtresse. Isoler les combles et les sols, doubler le vitrage : voilà de véritables rénovations énergétiques, lance-t-elle. Malheureusement, c'est coûteux, mais on y gagne à long terme.

Au moment d'écrire ces lignes, Ressources Naturelles Canada n'avait pas répondu à nos demandes d'informations.

Vos commentaires

Veuillez noter que Radio-Canada ne cautionne pas les opinions exprimées. Vos commentaires seront modérés, et publiés s’ils respectent la nétiquette. Bonne discussion !

En cours de chargement...