Mobilisation locale pour reprendre les installations de Medicago

Des techniciens dans les serres de Medicago à Québec.
Photo : CBC / Turgut Yeter
Quatre acteurs locaux s'unissent pour présenter un plan de reprise des installations et l’expertise de Medicago à Beauport. Le Centre de recherche du CHU de Québec-Université Laval (CRCHUQ-UL), l’Institut national d’optique (INO), l’Université Laval et Québec International ont fait parvenir leur projet commun au ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie du Québec et au ministère de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie canadien.
Le groupe d'organisations veut en faire un hub scientifique, profitant à la fois des infrastructures et possiblement de l’ancienne main-d'œuvre spécialisée de l’entreprise, selon un document obtenu par Radio-Canada. Le projet fait appel à des investissements de plus de 250 millions de dollars, auxquels les gouvernements fédéral et provincial devront collaborer par leurs différents programmes de subvention à la recherche et à l’innovation.
La Ville de Québec est également partie prenante des démarches pour occuper les espaces laissés vacants. Questionné sur le sujet, le maire Bruno Marchand affirme que la part de la Ville n’a pas encore été déterminée, mais qu’elle pourrait inclure des congés de taxes ou des contributions.
Je trouve qu'il y a un beau projet là. On est capable de créer de la richesse, du développement économique et de la science et de répondre à des intérêts économiques. Et, ça rallie la qualité et la grandeur des acteurs qui sont là-dedans
, remarque-t-il. Le maire ajoute que le plan a été présenté au ministre Pierre Fitzgibbon il y a deux mois.
Motus et bouche cousue
Un important silence règne tout de même autour du dossier, considérant la nature confidentielle des négociations en cours, mais la porte-parole du Centre de recherche a confirmé que des discussions ont bien lieu sur la question.
Québec international indique également, par écrit, faire partie de ces discussions. L'organisme avait déjà été évoqué par le maire Bruno Marchand dans le Journal de Québec en avril, parmi de possibles repreneurs. Andy Sheldon, le président du conseil d’administration de Québec international, est d’ailleurs l’ancien président et chef de la direction de l’entreprise Medicago.
Le président-directeur général de l’INO, Alain Chandonnet, confirme aussi son intérêt.
L’Université Laval a également transmis une réponse par écrit, soulignant son ouverture à explorer de nouvelles possibilités de participer au développement des connaissances.
Sans donner plus de détails, elle confirme participer à la mobilisation du milieu pour trouver une nouvelle vocation aux infrastructures de Medicago.

Le gouvernement fédéral avait investi plusieurs dizaines de millions de dollars dans Medicago pendant la pandémie. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada / Carl Boivin
Le cabinet du ministre canadien de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, confirme de son côté avoir reçu le plan du quatuor. Sa porte-parole réitère que la priorité est de garder la propriété intellectuelle au pays.
En avril, le ministre avait d’ailleurs laissé planer la possibilité que l’Université Laval puisse profiter en partie des installations de l’entreprise à Beauport.
Y a-t-il d’autres candidats?
Or, le cabinet Champagne indique également que ce n’est pas le seul plan qui est sur la table, sans en préciser le nombre, et qu’au final ce sera le propriétaire des installations, l’entreprise japonaise Mitsubishi, qui tranchera.
Avant la publication, le porte-parole du ministre québécois de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, n’a pas voulu confirmer ou infirmer l’information concernant le plan du consortium, affirmant qu’il ne commentait pas les dossiers en cours et que l'annonce sera faite au moment opportun.
Mais, jeudi matin, à la sortie de la période des questions, le ministre a confirmé que le plan d’un carrefour biomédical était à l’étude. On veut maintenir trois choses. On veut maintenir la PI [propriété intellectuelle], on veut un laboratoire existant et on veut que l'édifice serve à des vocations de recherches biomédicales
, souligne-t-il.

Le ministre de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie, Pierre Fitzgibbon, lors d'une mêlée de presse à l'Assemblée nationale. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada / Sylvain Roy Roussel
En février, Pierre Fitzgibbon avait reconnu qu'il y avait peu de repreneurs potentiels pour Médicago. Car sinon, fort probablement que Mitsubishi, la propriétaire de Medicago, aurait trouvé elle-même un acheteur sans l’aide des gouvernements fédéral et provincial.
De voir un Medicago, comme il était, ça n'arrivera pas. Ça va être un petit Medicago. Il y a des chercheurs qui sont là et il y a des gens qui sont qualifiés. Il y a de la PI de qualité, on va peut-être avoir une version plus modeste de Medicago
, ajoute, jeudi, le ministre.
Faire de Québec un pôle de recherche biopharmaceutique
Les salles blanches, des environnements contrôlés et stériles servant à l’élaboration de produits de haute technologie, médicaux et pharmaceutiques, intéressent plus particulièrement le Centre de recherche et l’INO.
Selon le document, le CRCHUQ-UL avait présenté un projet d’agrandissement de l’hôpital de l’Enfant-Jésus pour justement avoir de nouvelles salles blanches. L’utilisation des infrastructures existantes de Medicago pourrait donc éviter au gouvernement de doubler les investissements.

Les salles blanches sont aussi utilisées dans le domaine aérospatial.
Photo : Associated Press
Les chercheurs du Centre de recherche se sont spécialisés en biofabrication de tissus humains, de vaccins et de tests pour le diagnostic rapide des infections. L’accès aux installations de Medicago permettrait de renforcer ce positionnement au pays et à l’international.
La plateforme de biofabrication de tissus humains, un centre de recherche spécialisé dans le génie tissulaire, occuperait 1000 m2 dans les salles blanches. Les 32,8 millions de dollars nécessaires pour réaliser le projet sont déjà sécurisés par le CRCHUQ-UL.
L'espoir est de développer les capacités de reproduction de tissus et des organes en utilisant les cellules des patients, le risque de rejet de greffe devient ainsi pratiquement nul.
L’autre volet du Centre de recherche est celui de la biofabrication Vaccin Québec
qui occuperait aussi 1000 m2 dans les salles blanches. Sur les 67 millions de dollars nécessaires pour réaliser le projet, seuls 6 millions sont vraiment sécurisés auprès des deux ordres gouvernementaux.

Medicago développait des vaccins à l'aide de plantes de tabac.
Photo : Associated Press / Matt Rourke
Ce volet permettra notamment au CRCHUQ-UL de développer ses propres lots de vaccins pour les études cliniques de phase 1 et 2.
L’INO aussi s’intéresse aux salles blanches. Il souhaite d’ailleurs en occuper la majorité, 5000 m2, avec son projet de centre d’industrialisation en photonique avancée. Il budgète un financement de 125 millions de dollars, dont 25 millions de ses propres poches pour la réalisation de son projet.
En profitant des infrastructures, l’Institut souhaite accélérer son plan de développement de dispositifs médicaux et d’instrumentations, en se conformant aux nombreuses normes et standards des industries biomédicale et agroalimentaire.
Une compagnie d’Argentine intéressée par les serres
Dans le plan des quatre organismes, il est proposé que les serres puissent éventuellement servir à l’Université Laval, notamment pour y mener des études sur les cultures en serre, dans le contexte du renforcement de l’autonomie alimentaire. Or, le montage de cette option demeure à préciser.

Les plants de tabac dans les serres de Medicago (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada / Carl Boivin
Ainsi, à plus court terme, une petite entreprise pharmaceutique argentine, Cassara, est intéressée à reprendre une portion importante des serres. Elle souhaite s’en servir pour la production de molécules d’intérêt pharmaceutique à l’aide des plantes de tabac, un peu comme le faisait Medicago.
Les discussions seraient encore en cours avec l’entreprise, selon le document.
Former la relève
De son côté, Québec Internationale souhaite collaborer avec le Cégep de Sainte-Foy et l’Université Laval pour y établir un centre de formation aux métiers et aux compétences en biofabrication. Il permettra de former le personnel aux différents métiers essentiels au hub et au développement du secteur à l'échelle de la province.
Le financement de 25 à 30 millions de dollars demeure toutefois à sécuriser.