Ottawa déposera cette année un projet de loi pour créer un registre des agents étrangers

L'expulsion du diplomate chinois Zhao Wei par le Canada est survenue dans la foulée d'allégations d'ingérence chinoise au pays, une situation qui pousse Ottawa à vouloir créer un registre des agents étrangers. (Photo d'archives)
Photo : CBC News
Dans sa volonté de créer un registre des agents d'influence étrangers, le gouvernement de Justin Trudeau veut déposer un projet de loi d'ici l'été à cette fin.
Selon les informations obtenues par Radio-Canada, le ministère fédéral de la Justice s'est fixé la date du 23 juin, soit à la fin de la session parlementaire, pour le déposer. S'il n'y parvient pas, il le fera à l'automne.
Des consultations menées par le gouvernement canadien, qui se sont terminées le 9 mai, ont montré que les gens étaient majoritairement en faveur de la création d'un tel registre.
Selon une source au gouvernement : Il y a une certaine urgence d'agir.
Cela permettra de protéger les Canadiens et notre démocratie
.
Dans le cadre d'un tel registre, les personnes qui agissent au nom d'un État étranger pour faire avancer les objectifs et les intérêts de ce dernier doivent divulguer leurs liens avec ledit gouvernement. Toute infraction est passible d'amende, voire de peine d'emprisonnement.
C'est un outil, pas une panacée
, avait cependant prévenu le ministre de la Sécurité publique canadien, Marco Mendicino, au moment du lancement des consultations publiques, en mars. Ça ne va pas nous prémunir contre toute influence étrangère hostile.
Aux États-Unis, The U.S. Foreign Agent Registry Act a été instauré en 1938, et les autorités y ont recouru plus récemment pour mettre fin à ce qu'elles ont considéré être un poste de police chinois, dans la partie sud de Manhattan. D'autres États, comme l'Australie, s'en sont également dotés.
Des révélations troublantes
Les révélations entourant l'ingérence étrangère chinoise au Canada ont culminé, lundi dernier, par l'expulsion d'un diplomate chinois par Ottawa, une mesure à laquelle Pékin a répliqué sans délai en expulsant une diplomate canadienne.
J’ai été très claire : nous ne tolérerons aucune forme d’ingérence étrangère dans nos affaires internes
, a déclaré la ministre canadienne des Affaires étrangères, Mélanie Joly, en annonçant l'expulsion du diplomate Zhao Wei, qui aurait tenté d'intimider la famille à Hong Kong du député conservateur Michael Chong.
Un porte-parole du gouvernement de la Chine a condamné l'expulsion du diplomate chinois et affirmé que les allégations d'ingérence chinoise relevaient de mensonges proférés par des politiciens et des médias.
Cet incident s'inscrit dans la foulée d'une série d'allégations mises au jour depuis un peu plus de deux ans, et pour lesquelles le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) a déclaré que l’ingérence étrangère que mène la Chine constituait « la plus lourde menace stratégique » pour la sécurité nationale du Canada.
En 2022, le réseau Global avait publié des informations voulant que Pékin ait manœuvré pour infiltrer le milieu politique canadien, et déstabiliser la démocratie, lors des élections fédérales canadiennes de 2019.
En février dernier, le quotidien The Globe and Mail avait mis au jour le stratagème employé par Pékin lors des dernières élections fédérales au Canada, en 2021. En mars, ce quotidien avait poursuivi en révélant que le consulat général de Chine à Vancouver se serait immiscé dans les élections municipales de 2022.
Dans les deux affaires, le Globe and Mail a appuyé ses allégations sur des informations qui provenaient du SCRS, et dont il avait obtenu copie.
Enquête, plainte et travaux parlementaires
Les allégations d'ingérence étrangère de la part de la Chine ont pris une telle ampleur que de nombreuses voix, dont celle de l'opposition à la Chambre des communes, se sont élevées pour réclamer une commission d'enquête publique.
Afin de déterminer s'il y a lieu d'en créer une ou pas, le premier ministre Justin Trudeau a nommé l'ancien gouverneur général du Canada, David Johnston, au poste de rapporteur spécial indépendant. Il doit remettre son rapport au plus tard le 23 mai.

Jusqu'à présent, le premier ministre Justin Trudeau s'est refusé à créer une commission d'enquête publique sur les allégations d'ingérence chinoise, ayant confié à un rapporteur spécial le soin de décider si cela est nécessaire. (Photo d'archives)
Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick
Par ailleurs, toute l'affaire fait l'objet d'audiences du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Le principal conseiller du premier ministre Justin Trudeau et sa cheffe de cabinet ont témoigné devant le comité.
Les travaux de ce comité ont d'ailleurs débuté peu après qu'une autre affaire eut éclaté, soit l'ouverture d'une enquête de la Gendarmerie royale du Canada sur la présence de ce qui serait des bureaux de la police chinoise au pays. À Montréal, la semaine dernière, des représentants de la communauté chinoise se sont dit victimes de persécution et de salissage
de la part de la GRC, dans la foulée de cette enquête.
De son côté, la commissaire aux élections fédérales, Caroline Simard, étudie au moins trois plaintes reçues en lien avec des allégations d'ingérence étrangère. Mme Simard a d'ailleurs elle aussi témoigné devant le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre des communes.
Il y a eu du laxisme
, affirme un expert
Un ex-ambassadeur du Canada en Chine, Guy Saint-Jacques, a émis l'avis que le gouvernement du premier ministre Trudeau avait fait preuve de négligence et de laxisme
face aux tentatives d'intrusion de la Chine durant les élections de 2021.
Pour sa part, un ex-directeur du SCRS, Richard Fadden, a affirmé n'être aucunement surpris par l'ingérence chinoise aux élections de 2021, des situations semblables ayant été observées notamment aux États-Unis, en France, en Allemagne et au Royaume-Uni au cours des dernières années.
Avec les informations de Louis Blouin
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Avec les informations de CBC