Industrie maritime : où sont les entrepreneuses canadiennes?

Des entrepreneuses à Terre-Neuve-et-Labrador veulent augmenter le nombre de fondatrices d'entreprises dans l'industrie maritime.
Photo : iStock
Que faire pour augmenter le nombre d’entreprises fondées par des femmes dans l’industrie maritime au Canada? Des centaines d’entrepreneuses se sont penchées sur la question mercredi, à Saint-Jean, à Terre-Neuve-et-Labrador.
Je me sens comme tous les hommes doivent se sentir lorsqu’ils arrivent à n’importe quel autre congrès dans notre secteur
, a estimé Jennifer LaPlante, directrice de la croissance et de l’investissement de la Supergrappe des océans du Canada, en s’adressant à environ 200 femmes rassemblées dans le cadre du congrès Canadian Women in Ocean Industries Leadership (CWOIL).
Les déléguées de plusieurs dizaines de sociétés se désolent des données récentes sur le financement en capital-risque versé aux femmes. À l'échelle mondiale, en 2021, les nouvelles entreprises fondées par des femmes n'ont reçu que 2 % de ce financement (Nouvelle fenêtre), qui soutient les jeunes entreprises à fort potentiel de croissance.
Tout le système est fondé sur les hommes
Plusieurs facteurs expliquent la situation, selon Jennifer LaPlante, dont l'organisme à but non lucratif est voué à la croissance de l'industrie maritime canadienne. D’abord, explique-t-elle, la grande majorité des sociétés de capital de risque est dirigée par des hommes.
S’il existe un petit nombre de firmes, dont la société terre-neuvienne Sandpiper Ventures, qui ne financent que les projets des femmes, les Canadiennes ne représentaient que 19 % des partenaires des sociétés de capital de risque en 2021, selon un rapport (Nouvelle fenêtre) de la Canadian Venture Capital and Private Equity Association.
Tout le système est fondé sur les hommes. Les femmes utilisent un langage différent. Elles ont des idées différentes. Elles ont peut-être eu un cheminement professionnel différent ou des mentors différents
, explique Jennifer LaPlante. Les femmes ne répondent pas toujours aux critères qui correspondent plutôt aux hommes.

Jennifer LaPlante est directrice de la croissance et de l’investissement de la Supergrappe des océans du Canada.
Photo : Radio-Canada / Patrick Butler
Selon la Harvard Business Review (Nouvelle fenêtre), les investisseurs en capital-risque ont un préjugé contre la féminité. Les concours des sociétés de capital de risque semblent valoriser le comportement masculin caricatural (détermination farouche, attitude dominatrice, agressive, et affirmation de soi).
Mme LaPlante indique aussi que les investisseurs ont tendance à financer des projets dirigés par des entrepreneurs qui leur ressemblent.
Plusieurs femmes présentes mercredi au congrès CWOIL ont aussi fait part de l’importance du mentorat dans leur industrie et de l’accès aux conseils et au soutien d’autres femmes.
L’entrepreneure Kelly Zheng, fondatrice de Coastal Carbon, une jeune pousse qui analyse la séquestration du carbone par les algues à l’aide de données satellites, a raconté mercredi avoir travaillé pendant des années avec un mentor qui ne voulait jamais fermer la porte pendant que Mme Zheng était seule avec lui dans son bureau. Il craignait que des rumeurs puissent circuler sur une liaison, raconte-t-elle. L'étudiante au doctorat croit que la situation ne serait jamais produite avec une femme.
Stephanie Evans, étudiante de l’Université Memorial, se dit toutefois rassurée après avoir rencontré des dizaines de femmes qui pourraient un jour devenir son mentor. Je me sens comme s’il n’y a personne ici qui me regarde de haut. Je discute avec un groupe de femmes qui croient en moi
, explique-t-elle.
Du chemin à faire
Jennifer LaPlante affirme que la situation s’améliore tranquillement. Les entreprises adoptent de meilleures politiques sur l’équité, la diversité et l’inclusion. Le nombre de femmes participant au congrès du CWOIL a visiblement augmenté dans les dernières années. Mais il reste du chemin à faire, reconnaît-elle.
Toutes les femmes qui me viennent en tête et qui dirigent des entreprises dans notre secteur sont ici [au congrès]
, affirme Mme LaPlante. On a besoin de plus de femmes qui gèrent des sociétés de capital de risque, mais ça nous prend d’abord plus de femmes qui ont fait beaucoup d’argent et qui peuvent le réinvestir.
Au congrès, mercredi, la salle comble ne comptait qu’une petite dizaine d’hommes, dont un reporter et deux techniciens qui s’occupaient des microphones et d'une vidéo en direct. Paula Mendonça, directrice de l’innovation et de l’esprit d'entreprise de l’Université Memorial, affirme que plus d’hommes devraient participer aux discussions sur la présence des femmes dans l’économie océanique.
Souvent, lorsqu’il y a un congrès, il y a des séances ou des présentations sur l’inclusion ou des prix pour les femmes. Souvent, les femmes sont envoyées à ces événements, mais les hommes doivent aussi être présents, ils doivent écouter et apprendre.
Selon Jennifer LaPlante, la participation des hommes pendant les conversations sur l’inclusion est importante. Mais sa priorité est d’augmenter le nombre de femmes présentes aux événements et dans des concours dominés par les hommes.
C’est ce qui va avoir le plus d’impact
, croit-elle.