La C.-B. reconnaît officiellement le gouvernement haïda, « une étape historique »

Le projet de loi a été adopté mardi à l'Assemblée législative.
Photo : Facebook : Council of the Haida Nation
Le gouvernement de la Colombie-Britannique a adopté un projet de loi « historique » qui reconnaît le Conseil de la nation Haïda comme représentant officiel de la communauté en vue de ses négociations territoriales, ainsi que les droits inhérents de la nation en matière de gouvernance et d’autodétermination.
Près de 50 ans après sa création, en 1974, le Conseil de la nation Haïda pourra ainsi agir d’égal à égal
avec le gouvernement de la Colombie-Britannique, à la table des discussions législatives, explique Laanas (Tamara Davidson), représentante régionale de la nation Haïda pour la région de Vancouver.
Cette étape est d'autant plus importante qu'elle survient après deux ans de négociations en vue d’une reconnaissance provinciale et fédérale d’un traité de souveraineté du peuple haïda sur l’ensemble de l’archipel Haida Gwaii, sur la côte centrale de la Colombie-Britannique.
Cela va changer tout l’équilibre dans ces négociations. [...] Pour la première fois dans l'histoire en Colombie-Britannique, on reconnaît le gouvernement de Haïda
, soutient Murray Rankin, le ministre des Relations avec les Autochtones et de la Réconciliation de la Colombie-Britannique.
« Les choses changent doucement, et ce n’est pas facile. Nous devons rebâtir nos relations sur le respect mutuel, et j’aimerais vous remercier aujourd’hui de faire preuve de ce respect. »
Faciliter les négociations
Dans les négociations territoriales entre les provinces, le gouvernement fédéral et les Premières Nations, la question de l'entité qui représente officiellement les Premières Nations est souvent un obstacle, comme l'explique l’avocat spécialisé en droit autochtone au cabinet Jurist Power, de Vancouver, Ryan Beaton.
Il cite notamment des conflits d'intérêts chez les Wet’suwet’en, qui ont opposé les chefs héréditaires traditionnels aux chefs élus, un système introduit par la Loi sur les Indiens en 1876, comme dans la controverse du pipeline Coastal GasLink.
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À la différence de l’Ontario, de l'Alberta et des Prairies notamment, en Colombie-Britannique, la majorité du territoire est non cédé, ce qui signifie qu’aucun traité n'a été signé avec les Premières Nations. Il y a encore beaucoup de travail à faire au niveau de la province et du fédéral
, dit l’avocat.
Si ce sont généralement ces traités législatifs qui reconnaissent un interlocuteur officiel des peuples autochtones concernés, le processus s’est fait dans l’autre sens ici, pour faciliter et encadrer les négociations avec la Première Nation
, estime Ryan Beaton.
En aucun cas, les pouvoirs de la nation Haïda ne découlent toutefois de ce projet de loi, a par contre tenu à souligner Laanas. Ils sont issus de la Constitution de la nation, adoptée formellement en 2003, au bon vouloir du peuple haïda
, a-t-elle affirmé mardi.
« Haida Gwaii n’est pas une terre de la Couronne, détenue par un roi d’un autre temps. Ce sont et ce seront toujours les terres du peuple haïda. »
Trois ordres de gouvernements, quelle adéquation?
Si ce projet de loi peut en inspirer d’autres en Colombie-Britannique, Ryan Beaton craint toutefois qu'il ne suscite également toutes sortes de questions sur le chevauchement des champs de compétences gouvernementales.
La reconnaissance des droits inhérents du peuple haïda à l’autodétermination fait en effet partie du projet de loi adopté mardi. Or, plusieurs causes devant les tribunaux se penchent sur les difficultés d'appliquer ce principe face aux gouvernements provinciaux et fédéral, comme le rappelle l'avocat.
L'an dernier, la nation Nuchatlaht a, par exemple, ouvert son procès devant la Cour suprême provinciale pour la gestion de son territoire.
« Il y a des questions difficiles qui se posent en termes de fédéralisme. Déjà aux niveaux provincial et fédéral, il y a souvent des questions assez pointues sur la ligne entre les deux. On ajoute un troisième ordre de gouvernement. Donc, cela devient plus compliqué. »
Cela ouvrira peut-être la porte à des négociations qui seront plus complexes avec d'autres Premières Nations en Colombie-Britannique
, ajoute-t-il, car certaines zones de la province sont revendiquées par plusieurs peuples, au sein desquels des conflits de gouvernance persistent.
Le projet de loi devra encore obtenir la sanction royale avant de faire partie de la législation britanno-colombienne. Ottawa devra par la suite reconnaître légalement le Conseil de la nation Haïda comme interlocuteur pour assurer les négociations entre les différents ordres de gouvernement.
La Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, qui a été adoptée en Colombie-Britannique et au niveau fédéral, reconnaît notamment le droit à l’autodétermination des peuples autochtones, ce qui leur garantit le droit de déterminer librement leur statut politique et d'assurer librement leur développement économique, social et culturel.
Ailleurs sur le web :
La Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (Nouvelle fenêtre)
Avec des informations de Francis Plourde