Surdité : écouter en classe grâce aux mains des interprètes

Finie, l'époque où les élèves sourds étaient regroupés dans des instituts ou dans des classes spéciales. Aujourd'hui, ces enfants sont complètement intégrés dans les classes ordinaires, au plus grand bonheur de LilyRose Drolet, qui est sourde de naissance.
Photo : Radio-Canada / Guylaine Charette
Si LilyRose Drolet peut apprendre comme tous ses amis dans sa classe, c'est en partie grâce à son interprète Catherine Rouillard. Ses mains traduisent tout ce qui se passe en classe.
Catherine Rouillard est l'interprète de LilyRose, qui est sourde de naissance. C'est elle qui, avec ses mains, lui traduit tout ce que l'enseignante explique et raconte.
LilyRose Drolet s'amuse à la récréation comme tous les autres enfants. Au cours d'éducation physique, elle court, elle grimpe. C'est seulement en classe qu'une différence apparaît. Sous sa blonde chevelure, on trouve deux petits implants cochléaires qui lui permettent de capter certains sons de la parole, mais sans Catherine, ses apprentissages seraient vraiment plus difficiles.
Analphabètes hier, médecins aujourd'hui
En effet, l'époque où les personnes sourdes ou malentendantes étaient regroupées dans des instituts ou dans des classes spéciales est révolue. Aujourd'hui, les élèves avec un tel handicap sont intégrés dans les classes ordinaires. Ces enfants qui étaient en institut, comme on en avait dans le temps, plafonnaient souvent. Ils devenaient analphabètes par la force des choses. Avec les années, ils stagnaient en lecture et en écriture
, explique Marie-Claude Bruneau, personne-ressource en déficience auditive au Centre de services scolaire de la Région-de-Sherbrooke (CSSRS).
Aujourd'hui, on a des élèves qui font médecine, des cours professionnels. Il n'y a à peu près pas de limites quand il n'y a que la surdité qui est en jeu.
LilyRose a des ambitions. Elle adore lire. Plus tard, les lettres et les mots feront partie de son univers professionnel. J'aimerais être quelqu'un qui travaille à la bibliothèque municipale parce que dans mes tâches, je pourrais prendre des livres et les lire. C'est ce qui me tente le plus. J'aime beaucoup les livres qui font peur
, dit-elle candidement.
Au total, au CSSRS, neuf autres personnes changent la vie des enfants qui ne peuvent pas entendre correctement.
Avec toute la douceur et toute la patience du monde, Catherine Rouillard explique à LilyRose, jour après jour, les différences entre les nombres entiers et naturels ou comment on doit faire l'accord des participes passés conjugués avec l'auxiliaire être
. Elle traduit tout, tout, tout. Que ce soit les pairs, les enseignants, les films, les chansons, tout ce qui se passe. C'est aussi d'accompagner l'élève dans son autonomie, dans sa dimension sociale, dans son apprentissage. C'est de voir l'élève grandir à travers tout ça
, raconte Mme Rouillard, qui est interprète pour les personnes sourdes depuis 23 ans.
Ces signes changent complètement la situation pour LilyRose à des moments clés. Ça m'aide à mieux comprendre si la prof est de dos ou si un élève parle
, dit-elle.
Pas le temps d'être dans la lune
La traduction de Catherine se fait en simultané parce qu'il est hors de question que l'enseignante cesse ses explications au tableau. Et les temps morts sont plutôt rares. On est toujours en train d'analyser, d'interpréter, le cerveau travaille. On doit être alerte même quand les élèves travaillent et qu'une question est posée. LilyRose veut savoir ce qu'il se passe quand ça réagit. Il faut toujours être prête à interpréter. Donc, on ne peut pas être dans la lune.

L'interprète de LilyRose, Catherine Rouillard, n'a pas le temps de se tourner les pouces au travail : chaque mot prononcé par l'enseignante doit être traduit.
Photo : Radio-Canada / Guylaine Charette
Sans compter que ces interprètes doivent connaître les signes de plusieurs types de langages. Chaque élève a son mode de communication. Oui, il y a la langue des signes québécoise [LSQ] et, souvent, c'est ce qu'on associe aux élèves qui ont une surdité. Il y a des élèves qui sont oralistes [lecture sur les lèvres accompagnée de gestes naturels]. Ça peut être du pidgin, qui est la langue des signes du Québec mise sur la structure du français. Ça dépend de l'enfant. Il faut maîtriser tout ça
, soutient Catherine Rouillard.
Par exemple, si l'interprète veut dire « je mange une pomme », en LSQ, elle va signer « moi – mange – pomme ». Si elle choisit de le dire en pidgin, elle signera « je – mange – une – pomme ». On le fait beaucoup à l'école pour l'apprentissage de la lecture et de l'écriture. L'élève doit arriver à écrire ses phrases avec une bonne structure, parce qu'il suit le même programme que tous les autres et qu'il a les mêmes évaluations que tout le monde
, souligne-t-elle.
C'est comme une lunette pour les enfants. On empêche tous les petits bris de communication et on rend ça plus clair pour eux.
Une chose est certaine : Catherine et LilyRose forment une belle équipe motivée à réussir.

L'interprète de LilyRose la suit partout, partout, même en éducation physique!
Photo : Radio-Canada / Guylaine Charette
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Avec les informations de Guylaine Charette