Enseignante agressée à Gatineau : la CNESST exige des changements

En janvier, une enseignante de l'école primaire du Lac-des-Fées a été conduite à l'hôpital en ambulance, après qu'un élève lui eut lancé un sablier sur la tête, dans une classe spécialisée de l'établissement.
Photo : Radio-Canada / Olivier Periard
- Fiona Collienne
Une inspectrice de la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) a relevé de nombreux problèmes dans les classes spécialisées de l’école primaire du Lac-des-Fées, à Gatineau, après l’agression d’une enseignante survenue le 31 janvier dernier.
Manque de formation du personnel, lacunes dans le processus d’enquête après des incidents de violence et aménagement non sécuritaire des salles de classe spécialisées figurent parmi les problèmes soulevés par la CNESST, qui demande au Centre de services scolaire des Portages-de-l’Outaouais (CSSPO) d’apporter des correctifs.
En tout, l'inspectrice a rendu neuf avis de dérogation à la Loi sur la santé et la sécurité au travail lors de sa visite en mars 2023.
Radio-Canada a eu accès à une copie de ce rapport dans les derniers jours grâce à la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics.
C’est une des rares fois que l’on voit un rapport comme celui-là
, affirme Kim Lafleur-Lauriault, la présidente du Syndicat du soutien scolaire de l'Outaouais (SSSO). Elle indique que ce rapport de la CNESST pourrait faire jurisprudence et qu’il est analysé par de nombreux centres de services scolaires au Québec.

À gauche : Kim Lafleur-Lauriault, présidente du Syndicat du soutien scolaire de l’Outaouais. À droite : Pierre Provençal, premier vice-président au Syndicat du soutien scolaire de l’Outaouais.
Photo : Radio-Canada / Simon Lasalle
C’est un soulagement pour les enseignants que la CNESST vienne dire à l’employeur que la situation est sérieuse et qu’il faut des correctifs
, ajoute Nathalie Gauthier, présidente du Syndicat de l'enseignement de l’Outaouais. L’employeur n’a plus le choix, si les correctifs ne sont pas mis en place dans les délais prescrits, il s’expose à des pénalités
, ajoute Mme Gauthier.
Le CSSPO a refusé la demande d’entrevue de Radio-Canada. Par courriel, il indique que l’analyse du rapport de la CNESST est en cours afin de poursuivre la mise en place des mesures correctives demandées à l’École du Lac-des-Fées ainsi que dans les autres établissements scolaires qui le nécessitent
.

Un projectile lancé sur l’enseignante
Le rapport d’intervention de la CNESST décrit dans un premier temps l'incident violent qui s’est produit le 31 janvier dans une classe spécialisée de l’école du Lac-des-Fées.
Vers 11 h, alors que les élèves de la classe de Mme C sont de retour dans ladite classe après la période de récréation à l’extérieur, un des élèves saisit un sablier en plastique dur et le lance sur la travailleuse en lui causant une blessure à la tête. Elle reçoit les premiers soins de son collègue [...] elle est ensuite transportée en ambulance à l’hôpital de Hull
, peut-on lire dans le rapport.
À la suite de l’avis d’incident rempli par l’enseignante, l’inspectrice de la CNESST s’est rendue à l’école le 24 mars pour discuter des circonstances entourant l’accident et de la gestion des risques d’agression par l’employeur. Elle a aussi visité brièvement la classe spécialisée dans laquelle a eu lieu l’accident.
Lors de cette visite, la CNESST a recensé neuf dérogations à la Loi sur la santé et la sécurité au travail. Selon cette loi, qui a été modernisée en 2021, l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité et l’intégrité physique et psychique du travailleur
.
Des lacunes dans la formation
Dans le rapport de la CNESST, trois dérogations sur neuf concernent des lacunes dans la formation du personnel scolaire pour intervenir de façon sécuritaire lors d’une crise de violence d’un élève.
Les travailleurs susceptibles d’être exposés à la violence au travail ne sont pas tous formés à cet effet [...] [L’employeur] pense qu’il existe un registre de formation, mais qui n’est pas mis à jour
, peut-on y lire.
L'inspectrice relève aussi qu’en cas d’absence d’un travailleur, les suppléants ne sont pas nécessairement formés pour intervenir lors d’une situation de crise.
Un manque de procédure formelle
On m’informe que les incidents de violence ne sont pas toujours consignés dans des rapports d’incidents
, écrit aussi l’inspectrice, qui précise que l’employeur doit s’assurer que ces rapports soient accessibles aux travailleurs et doit enquêter sur tous les accidents et incidents de violence.
Elle explique dans son rapport qu’elle a aussi questionné le CSSPO sur la présence d’équipements de protection individuels dans l’école, comme des manchons ou des ballons d’éloignement, mais que l’employeur n’a pas été en mesure de répondre à cette question
.
Enfin, l’inspectrice note que l’aménagement des classes spécialisées pour les élèves à besoins particuliers n’est pas sécuritaire lors d’une manifestation de violence
.
Lors de sa visite de la classe concernée par l’accident du mois de janvier, elle dit avoir constaté que la présence d’une petite bibliothèque restreint le passage au cas où l’intervenant voudrait quitter rapidement la classe
. Elle a aussi remarqué la présence de plusieurs objets facilement accessibles, comme une cloche en cuivre et des sabliers, qui pourraient être lancés au travailleur et lui causer des blessures
.
L’inspectrice de la CNESST reconnaît toutefois qu'il est impossible pour l’établissement scolaire d’éliminer tous les types de comportements violents que les élèves peuvent avoir
. Mais elle ajoute que le Centre de services scolaire devrait mettre des moyens en place pour limiter leur nombre et leur gravité.

L'école primaire du Lac-des-Fées comprend des classes ordinaires et quatre classes spécialisées pour des élèves qui présentent des troubles d'adaptation ou d'apprentissage.
Photo : Radio-Canada / Olivier Periard
Tout un chantier
Si l’inspection concerne spécifiquement l’école du Lac-des-Fées, l’inspectrice recommande au CSSPO de s’assurer de la mise en place de ces mesures correctives dans ses autres établissements scolaires qui présentent des situations similaires que celles traitées dans le dossier
.
Le syndicat du soutien scolaire de l’Outaouais reconnaît que les correctifs demandés au CSSPO constituent tout un chantier
, vu le contexte de pénurie de main-d'œuvre qui touche le monde de l’enseignement, et promet de collaborer pour trouver des solutions.
Pour moi [ce rapport] c’est un élément positif pour tout le monde, pour les travailleurs, mais aussi pour l'employeur, car il y a des coûts reliés aux accidents de travail
, indique Pierre Provençal, premier vice-président du Syndicat du soutien scolaire de l’Outaouais.
Je pense que le centre de services avait besoin de ce rapport-là pour agir, pour essayer de faire de la prévention au niveau de la violence.
Depuis sa première intervention à l’école du Lac-des-Fées, l’inspectrice de la CNESST a effectué deux suivis pour vérifier les correctifs mis en place. La dernière visite a eu lieu le 3 mai.
- Fiona Collienne