Neptune perd son permis d’agence de sécurité au Québec
Le Bureau de la sécurité privée lui a révoqué son permis. Neptune a maintenant 30 jours pour porter la décision en appel.

Le grand patron de Neptune, Robert Butler, lors d’une visite d'« Enquête » avec caméra cachée.
Photo : Radio-Canada
La compagnie Neptune se heurte de nouveau à un mur. Le Bureau de la sécurité privée (BSP) révoque son permis d’agence de sécurité, l’excluant ainsi de l’industrie dans ce domaine. L’entreprise, qui a fermé ses portes au Québec, ne pourra pas facilement remettre les pieds dans la province.
Depuis 10 ans, Neptune avait la bénédiction du BSP pour exploiter une agence de sécurité privée. Cet organisme, qui a pour mission de protéger le public, avait au fil des ans effectué des vérifications avec l’aide de la Sûreté du Québec, sans soulever de problèmes majeurs.
En mars dernier, l’émission Enquête a révélé que le grand patron de Neptune – un homme qui dit s’appeler Robert Butler – utilise deux identités dans le cours de ses affaires. Le ministre québécois de la Sécurité publique, François Bonnardel, avait réagi en demandant au BSP d’effectuer rapidement des vérifications quant à l’intégrité de l’entreprise.
Selon les informations de Radio-Canada, le Bureau de la sécurité privée avait déjà ouvert une enquête. Mais ce n’est que la semaine dernière que le permis de Neptune a été révoqué.
Neptune Sécurité et sa succursale La Division n’ont donc plus le droit d’offrir des services de gardiennage au Québec.

Page web de « La Division », une succursale de la compagnie Neptune Sécurité au Québec.
Photo : Radio-Canada
Neptune a refusé de commenter cette décision, invoquant des engagements de confidentialité
.
Nous ne dévoilons pas les raisons de la révocation
, affirme pour sa part le directeur général du BSP, Claude Paul-Hus. Par contre, si l’agence conteste notre décision, des informations peuvent éventuellement devenir publiques.
Neptune a 30 jours pour porter en appel la révocation de son permis devant le Tribunal administratif du Québec.
La révocation du permis de Neptune par le BSP s’ajoute à une série de problèmes auxquels fait face l’entreprise depuis quelques semaines.
23 mars : L’émission Enquête révèle que le grand patron de Neptune utilise deux identités;
23 mars : Le ministre québécois de la Sécurité publique demande au BSP de faire des vérifications;
24 mars : Le gouvernement fédéral résilie des contrats jugés risqués avec Neptune et limite l’accès de l'entreprise à ses appels d’offres, le temps de faire des vérifications;
27 mars : L’Autorité des marchés publics (AMP) bannit Neptune des contrats publics au Québec;
6 avril : Neptune obtient un sursis pendant qu’elle conteste la décision de l’AMP en cour;
26 avril : Radio-Canada apprend que Neptune met fin à ses activités au Québec.
Saisies de Revenu Québec
Enquête a appris que Neptune a fait l’objet de saisies, ce qui pourrait expliquer la fin abrupte de ses activités dans la province.
Neptune a été informée que Revenu Québec avait entrepris des mesures de recouvrement drastiques contre elle, notamment en procédant à des saisies en mains tierces auprès de ses clients
, écrit l’avocate de Neptune dans une lettre adressée à un client et dont Radio-Canada a obtenu copie.
Neptune est maintenant privée des revenus relatifs à l’exécution de ses contrats, la rendant incapable d’assurer le paiement des salaires de ses employés [...] Nous vous enjoignons de trouver rapidement une autre agence de sécurité
, ajoutait Me Mélanie Martel le 26 avril dernier.
Neptune devant les tribunaux
Malgré la fin de ses activités au Québec, Neptune se bat présentement devant les tribunaux pour conserver son accès aux contrats publics. Un combat qui pourrait devenir caduc sans permis du Bureau de la sécurité privée.
L’Autorité des marchés publics, qui veut bannir la compagnie du secteur public, reproche à l’entreprise d’avoir omis de révéler que Robert Butler était le réel dirigeant.
Dans sa contestation judiciaire, Neptune soutient que M. Butler aide plutôt bénévolement son ex-conjointe, qui est la propriétaire de la compagnie.
Lors d’une audience devant la Cour supérieure dans cette affaire, l’avocate de l’AMP a souligné que Robert Butler serait un faux nom. On ne sait même pas comment il s’appelle. Il s’appellerait Badreddine Ahmadoun. Comment voulez-vous qu'on dise que M. Butler est intègre?
a affirmé Me Annie Parent, qui ajoute que l’utilisation d’une double identité est une infraction criminelle
.
L’avocate de Neptune a répondu que M. Butler n’avait pas d’identité cachée, même s’il utilise un autre nom. C'est quelqu'un qui a un nom de [consonance] arabe, qui utilise un nom qui est Robert Butler [...] Donc, on va arrêter de faire comme si c’est une grande identité cachée [...] Ça n’a jamais été caché
, a répliqué Me Mélanie Martel.
Des millions réclamés
La compagnie fait face à des réclamations de travailleurs qui pourraient se chiffrer à des millions de dollars. Le Syndicat des Métallos estime que quelque 350 agents de sécurité n’ont pas reçu leur dernière paie avant la fermeture de Neptune au Québec.
Le syndicat des Teamsters réclame 1 million de dollars à l’entreprise pour le non-paiement de salaires et d’avantages sociaux à des agents qui travaillaient au centre de surveillance l’immigration de Laval.
Le 4 mai, le syndicat des TUAC, en Ontario, faisait aussi état de problèmes de paie avec des employés de Neptune.
Au cours des 10 dernières années, la compagnie a décroché des centaines de contrats publics un peu partout au pays.
Uniquement au Québec, Neptune détenait en février dernier quelque 130 contrats publics et 20 contrats privés, totalisant une valeur de plus de 240 millions de dollars.
En plus d’être une agence de sécurité, Neptune est une entreprise de construction qui a touché des millions de dollars pour travailler sur des bases militaires canadiennes et pour le ministère des Transports de l’Ontario.
Son grand patron, Robert Butler – alias Badreddine Ahmadoun –, est aussi actif dans le secteur de l'immobilier.