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Facebook affirme qu’il bloquera les nouvelles si le projet de loi C-18 est adopté

Un téléphone affiche le logo de Facebook.

Le projet de loi C-18 vise à forcer les plateformes numériques – principalement Google et Facebook – à conclure des ententes d'indemnisation équitables avec les entreprises de presse pour le partage de leurs contenus journalistiques.

Photo : Associated Press / Michael Dwyer

La Presse canadienne

Facebook a assuré lundi qu'il bloquera les contenus d'information au Canada si le Parlement adopte la Loi sur les nouvelles en ligne, mettant ainsi à exécution sa menace proférée au cours des derniers mois lors de l'adoption du projet de loi C-18 par la Chambre des communes, maintenant étudié par le Sénat.

Pour nous y conformer, nous devons soit fonctionner dans un environnement réglementaire imparfait, soit mettre fin aux contenus d'information au Canada. C'est donc le cœur lourd que nous optons pour cette dernière solution, a déclaré Kevin Chan, directeur des politiques mondiales de Meta, société mère de Facebook, devant un comité parlementaire.

Il s'agit d'une décision d'affaires, a-t-il insisté. Les nouvelles ont une valeur sociale mais pas une valeur économique, a renchéri la cheffe des politiques publiques pour le Canada, Rachel Curran.

La pièce législative proposée par les libéraux de Justin Trudeau vise à forcer les plateformes numériques, principalement Google et Facebook, à conclure des ententes d'indemnisation équitables avec les entreprises de presse pour le partage de leurs contenus journalistiques.

Devant le Comité permanent du patrimoine canadien, M. Chan a plaidé que les utilisateurs de Facebook n'utilisent pas cette plateforme pour lire les nouvelles mais plutôt pour partager les hauts et les bas de leur vie, ce qui les rend heureux ou tristes, ce qui les intéresse et les divertit.

Bras de fer entre les géants du web et Ottawa

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Deux mains se touchent.

En fait, les liens vers des articles de nouvelles représentent moins de 3 % des contenus affichés dans les fils Facebook. M. Chan a révélé que les utilisateurs ont néanmoins cliqué 1,9 milliard de fois sur des textes de nouvelles durant les 12 mois allant jusqu'en avril 2022, ce qui permet aux éditeurs de générer des revenus.

Facebook s'oppose vigoureusement au projet de loi et estime qu'il ferait du Canada le premier pays démocratique à mettre un prix sur des liens gratuits vers des pages web.

Kevin Chan parle pendant une mêlée de presse.

Kevin Chan, directeur des politiques mondiales de Meta

Photo : Reuters / Chris Wattie

M. Chan a fait valoir que Meta a versé 8 millions de dollars pour subventionner le journalisme au pays, notamment grâce à une entente avec La Presse canadienne. La députée libérale Lisa Hepfner a rétorqué que c'est une infime proportion de ce que Meta a dû payer en vertu d'une loi australienne et de ce qu'elle devrait payer en vertu de C-18.

Le libéral Chris Bittle a accusé l'entreprise de continuellement induire en erreur le comité. Vous dites que les médias reçoivent des centaines de millions de dollars en publicité gratuite, mais vous passez sous silence le fait que votre compagnie participe à un monopole qui récolte la vaste majorité des revenus publicitaires, a-t-il déclaré. Cette publicité gratuite n'a donc aucune valeur.

Les représentants du Bloc québécois et du Nouveau Parti démocratique (NPD) ont fait part de leurs préoccupations, l'un d'eux jugeant qu'il s'agit d'une menace envers les parlementaires et notre démocratie.

La députée conservatrice Marilyn Gladu – dont le parti est le seul à avoir voté contre l'adoption du projet de loi – a pour sa part jugé très logique la décision de Facebook. Sa collègue Rachael Thomas s'est inquiétée du fait que le gouvernement donne énormément de pouvoir puisque ces firmes pourront décider avec quelle entreprises de presse elles s'entendront.

Dicter les titres des comités

La réunion du Comité a été marquée par une série de vifs reproches envers la décision du président des affaires mondiales de Meta, Nick Clegg, de renoncer à témoigner après s'y être engagé.

Dans ses remarques préliminaires, M. Chan a affirmé que Meta avait volontiers accepté de faire témoigner son président des affaires mondiales puisque la compagnie est revenue sur son engagement compte tenu d'un revirement de situation.

Or, jeudi dernier, le 4 mai, nous avons été informés par le greffier du Comité que le titre de l'audience avait été remplacé par un autre titre beaucoup plus inquiétant qui n'avait apparemment rien à voir avec les nouvelles en ligne, a déclaré M. Chan.

Plus précisément, la compagnie s'offusque que la réunion du Comité ait été intitulée Utilisation actuelle et continue de tactiques d'intimidation et de subversion par les géants du Web pour échapper à la réglementation au Canada et à travers le monde.

Selon Meta, l'invitation indiquait que la réunion aurait pour titre Réaction des entreprises du secteur des technologies de l'information au projet de loi C-18.

Bien des membres du Comité qui ont pris la parole étaient abasourdis. Meta veut nous dicter quelles lois nous devons passer et veut aussi dicter à ce comité comment il doit intituler ses réunions, a par exemple accusé le député libéral Anthony Housefather.

Selon un rapport publié en 2018 par le Canadian Media Concentration Project :

  • Google détenait la moitié des parts du marché de la publicité numérique au Canada et Facebook en avait un peu plus du quart;
  • les revenus publicitaires de Google se sont élevés à 3,8 milliards de dollars en 2018, alors que ceux de Facebook ont atteint 2,1 milliards de dollars. À titre comparatif, les revenus publicitaires de Bell durant la même année se sont élevés à 146 millions de dollars.

Pas d'obligations

Le porte-parole du Bloc québécois en matière de patrimoine, Martin Champoux, s'est même demandé si Meta avait roulé dans la farine les parlementaires.

En effet, la compagnie avait indiqué dans des échanges avec le greffier du Comité que M. Clegg ne sentait pas l'obligation d'obéir à l'assignation à comparaître mais qu'il témoignerait de son plein gré s'il recevait une invitation dans une perspective de collaboration.

Martin Champoux dans son bureau de circonscription.

Le député bloquiste Martin Champoux.

Photo : Radio-Canada / Jean-François Dumas

Le Comité a donc, par courtoisie, envoyé une lettre sous forme d'invitation, a indiqué le député Champoux, qui estime néanmoins que M. Clegg était tenu de se présenter non seulement parce qu'il avait donné sa parole d'honneur mais aussi indirectement par la sommation qu'on avait envoyée.

Selon le porte-parole du NPD en matière de patrimoine canadien, Peter Julian, M. Clegg – qu'il a décrit comme un parlementaire chevronné, lui qui a été vice-premier ministre britannique – a transformé une sommation en invitation, ce qui brouille un peu les cartes.

Le député néo-démocrate a donc présenté et fait adopter une motion pour assigner à nouveau M. Clegg à comparaître lundi prochain.

Il est à noter qu'une assignation à comparaître n'a aucun effet sur un citoyen souverain d'un autre pays, a indiqué aux élus le greffier du Comité.

Les comités parlementaires peuvent ordonner la comparution de témoins mais n'ont pas le pouvoir de sanctionner ceux qui ne se conforment pas à de tels ordres. Seule la Chambre des communes dispose de pouvoirs disciplinaires. Les comités peuvent donc lui communiquer les cas qui posent problème.

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