En forte hausse, l’insécurité alimentaire touche un demi-million de gens en Atlantique
Dans ces provinces, environ trois enfants sur dix vivent dans un foyer où on a du mal à acheter de la nourriture.

L’insécurité alimentaire compte plusieurs degrés de gravité, du choix restreint de nourriture à cause du manque d’argent jusqu’au fait d’être obligé de sauter des repas.
Photo : Getty Images / Lauri Patterson
Les quatre provinces de l’Atlantique sont celles où l’insécurité alimentaire est la plus prévalente. Cette insécurité est en forte hausse depuis 2021.
C’est ce qu’on observe à l’examen des données de l’enquête canadienne sur le revenu, dévoilées par Statistique Canada mardi dernier.
Au moins 541 000 personnes souffraient d’insécurité alimentaire en 2022 dans les provinces de l’Atlantique, dont beaucoup d’enfants, estime PROOF, un programme de recherche interdisciplinaire de l’Université de Toronto financé par les Instituts de recherche en santé du Canada, dans une analyse de ces nouvelles données.
Cette difficulté touche environ 213 000 habitants de la Nouvelle-Écosse (ou 22 % d'entre eux), 174 000 résidents du Nouveau-Brunswick (22,7 %), 116 000 personnes à Terre-Neuve-et-Labrador (22,5 %) et 38 000 Prince-Édouardiens (23,6 %).
Entre 2021 et 2022 seulement, le pourcentage de personnes en situation d’insécurité alimentaire a augmenté de 4,3 % au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse, de 5 % à Terre-Neuve-et-Labrador et de 6,9 % à l’Île-du-Prince-Édouard.
Beaucoup d'enfants
On estime que 3 enfants sur 10 en Atlantique vivent dans un foyer où il y a de l’insécurité alimentaire. Plus précisément, ce sont 35,1 % des jeunes de moins de 18 ans de l’Île-du-Prince-Édouard, 31,4 % de ceux de la Nouvelle-Écosse, 29,4 % de ceux du Nouveau-Brunswick et 28,8 % des enfants de Terre-Neuve-et-Labrador qui se trouvent dans cette situation.
La hausse en une seule année est considérable. Il y a 9,7 % plus d’enfants dans un foyer qui vit de l’insécurité alimentaire à l’Île-du-Prince-Édouard. Le nombre d’enfants dans ce type de situation a aussi augmenté entre 2021 et 2022 en Nouvelle-Écosse (+5,6 %), au Nouveau-Brunswick (+5,2 %) et à Terre-Neuve-et-Labrador (+2,4 %).
Dans l’ensemble du pays, près du quart des jeunes de 18 ans et moins (24,3 %) vivaient en 2022 dans un foyer où il y a de l’insécurité alimentaire, une hausse de 4,7 % en une année.
Tous groupes d’âge confondus, les quatre provinces de l’Atlantique ont un taux d’insécurité alimentaire plus élevé que la moyenne nationale, qui est de 18,4 %.
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Au Nouveau-Brunswick, parmi les organismes d’aide, on n’avait pas besoin des données précises de Statistique Canada pour savoir que la difficulté à se nourrir est de plus en plus grande.
Selon Stéphane Sirois, directeur général de Food Depot Alimentaire, à Moncton, il y a plus de 44 000 personnes qui visitent une banque alimentaire chaque mois et 4000 de plus qu’en octobre dernier.
C’est aussi une clientèle qu’on voyait moins auparavant, note-t-il. Des étudiants postsecondaires, des personnes à la retraite, des familles avec les deux parents qui travaillent
, souligne-t-il.
Beaucoup de gens qui ont des revenus doivent se tourner vers les banques alimentaires, fait observer Judson Cassidy, président de la banque alimentaire Vestiaire Saint-Joseph, à Shediac.
Il y a des gens qui vivent des situations difficiles. À 15 $ de l'heure ou 20 $ de l'heure, ça va pas loin
, dit-il.
L’institut de recherche PROOF définit l’insécurité alimentaire comme un problème qui a trois degrés de gravité, d’un choix restreint de nourriture à cause du manque d’argent jusqu’au fait d’être obligé de réduire sa consommation d’aliments, de sauter carrément des repas, voire, dans les cas extrêmes, de passer une journée ou plus sans se nourrir.
Les minorités plus affectées que les Blancs
L’insécurité alimentaire touche aussi de façon disproportionnée les groupes ethniques minoritaires (Nouvelle fenêtre). Près de 4 personnes noires sur 10 (ou 39,2 %) sont dans cette situation, 30 % des personnes autochtones, 29 % des personnes de descendance philippine et 27 % des Arabes, comparativement à 16 % des Blancs.
Le phénomène touche aussi 26,2 % des immigrants récents
, que Statistique Canada définit comme ceux qui sont arrivés au pays au cours des 10 dernières années.
Malgré des hausses d'environ 2 % entre 2021 et 2022, c'est au Québec (14,7 %) et en Colombie-Britannique (16,8 %) qu'on trouve la plus faible proportion de résidents éprouvant de l'insécurité alimentaire.
D’après le reportage de Félix Arseneault