Des libéraux fédéraux cherchent le « buzz » au congrès du parti
Les attentes sont élevées envers Justin Trudeau avant son discours au congrès du Parti libéral du Canada (PLC) jeudi soir.

Le dernier congrès libéral qui s'est déroulé en personne a eu lieu en 2018, à Halifax. Quelque 3000 délégués sont attendus à Ottawa dès jeudi.
Photo : La Presse canadienne / Darren Calabrese
Alors que le gouvernement est enlisé dans l’enjeu de l’ingérence chinoise, des libéraux espèrent que Justin Trudeau profitera de son passage au congrès du PLC à Ottawa pour rallumer la flamme des militants. En coulisses, le premier ministre répète qu’il a l’intention de mener la prochaine bataille électorale et il ne s’est pas gêné pour adresser des avertissements aux possibles aspirants.
Dans les couloirs du parlement, les libéraux ont bien hâte d’entendre parler d’autre chose que d’ingérence chinoise. Les dernières semaines ont été pénibles.
Justin Trudeau a récemment exprimé à son équipe le désir de se rapprocher des citoyens et de reconnecter
avec la base militante, d'après une source libérale. Selon nos informations, il veut renouer prochainement avec des événements publics de plus grande envergure. Ces derniers mois, il a repris les assemblées publiques composées de différents groupes de la société civile, un avant-goût.

Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, lors d'une assemblée publique tenue dans le quartier Saint-Michel, à Montréal.
Photo : La Presse canadienne / Ryan Remiorz
Pour Justin Trudeau, c’est possiblement l’occasion de retrouver l’énergie qui l’anime en période électorale. Dans les rangs libéraux, plusieurs s’entendent pour dire qu’il est au sommet de sa forme en campagne.
Quand il est partisan, il est bon
, dit une source libérale, qui espère voir un discours « offensif » et « pas seulement défensif », qui va « allumer la flamme » des militants jeudi soir.
Des élus libéraux ne se gênent pas pour dire publiquement que les troupes libérales ont besoin d’être énergisées au congrès, qui doit servir de borne de recharge
, a déclaré le ministre des Transports Omar Alghabra, mercredi.
Je recherche le buzz et l'énergie dont je pense que tout le monde aura besoin.
Justin Trudeau ne doit pas rater l’occasion qui lui est offerte, selon Éric Montigny, professeur au Département de science politique de l’Université Laval. M. Trudeau doit marquer l’imaginaire pour convaincre ses militants qu’il est toujours l’homme de la situation pour la prochaine élection
, croit le professeur.
Après huit ans au pouvoir, dans un contexte politique difficile et face à un adversaire conservateur coriace, Justin Trudeau a des choses à prouver, selon Éric Montigny. Est-ce qu’il est déjà à l’étape de l’usure du pouvoir?
demande le professeur.
Le premier ministre, lui, n’hésite pas à répéter publiquement et en privé qu’il sera candidat à la prochaine élection fédérale.
Des avertissements aux aspirants
Depuis l’été, Justin Trudeau a clairement exprimé à son Conseil des ministres, à au moins deux reprises, qu’il avait l’intention d’être candidat de nouveau. Autour de la table, des membres du cabinet ont interprété cela comme un rappel aux possibles aspirants que leur tour n’est pas encore venu.
Parmi les ministres actuels, au moins quatre noms circulent en vue d’une éventuelle course à la direction : la vice-première ministre Chrystia Freeland, le ministre de l’Innovation François-Philippe Champagne, la ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly et la ministre de la Défense Anita Anand.
La garde rapprochée du premier ministre a cru nécessaire de transmettre un avertissement ciblé à l’un des aspirants potentiels. Selon nos informations, venant de sources au fait de la situation, l’entourage de Justin Trudeau a prévenu la ministre Anita Anand de faire preuve de plus de discrétion dans ses démarches exploratoires en vue d’une possible course à la direction.

La ministre canadienne de la Défense, Anita Anand
Photo : La Presse canadienne / Adrian Wyld
Des tentatives de mobilisation et de réseautage réalisées par des personnes qui gravitent autour de la ministre de la Défense ont été jugées maladroites et peu subtiles, selon une source, ce qui a causé de l’inconfort dans la garde rapprochée du premier ministre. Cet avertissement aurait été envoyé vers la fin de l’été 2022 et il n’y aurait pas eu d’autres interventions requises depuis.
Appelé à réagir, le bureau de la ministre Anand assure qu’elle se consacre entièrement à l’exécution du mandat que lui a confié le premier ministre [...]
. La ministre Anand n'organise aucune campagne autre que sa réélection à Oakville, où elle a hâte de se présenter à nouveau sous la direction du premier ministre Justin Trudeau
, a écrit son bureau.
Plusieurs sources libérales indiquent qu’il n’y a aucun effort actuellement pour pousser le premier ministre vers la sortie.
Le trajet vers la prochaine élection

Justin Trudeau lors de la campagne de 2021
Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick
N’empêche, la route de Justin Trudeau jusqu’au prochain rendez-vous électoral sera parsemée d’embûches. Une enquête publique sur l’ingérence étrangère lui pend au bout du nez. Il n’a pas non plus la pleine maîtrise de l’ordre du jour parlementaire en raison de son entente avec le Nouveau Parti démocratique (NPD).
Le premier ministre et les libéraux doivent composer avec des sondages défavorables depuis quelques mois. Un coup de sonde de la firme Nanos, mené en avril, montrait que le chef conservateur Pierre Poilievre a dépassé (27,5 %) Justin Trudeau (25,3 %) à la question du choix du meilleur premier ministre*.
Il est sur la défensive, M. Trudeau. Certains vous diront que c’est même un peu une attitude de fin de régime
, note le professeur Éric Montigny.
Pendant la grand-messe libérale, Justin Trudeau doit se détacher de l'image d’un premier ministre usé, selon M. Montigny. À ses yeux, le but pour le chef est de sortir du congrès avec des propositions phares qui vont pouvoir rajeunir sa dynamique gouvernementale, avec des idées qui vont le faire avancer jusqu'aux élections
, explique-t-il.
Ce rendez-vous est crucial. En contexte de gouvernement minoritaire, ce congrès biennal du PLC pourrait être le dernier avant les prochaines élections fédérales.
* Sondage Nanos, publié le 18 avril 2023. (Nouvelle fenêtre)