Les foyers de soins dans l’impasse, leurs employés sont recrutés par les hôpitaux
Des foyers de soins demandent au gouvernement de mettre en commun les ressources humaines entre l'hôpital et les établissements de longues durée pour arrêter l'hémorragie des départs.

Une employée au foyer la Villa Sormany
Photo : Radio-Canada / Mario Landry
Au Nouveau-Brunswick, les foyers de soins soutiennent perdre des employés aux profits des hôpitaux qui offrent notamment de meilleurs salaires. Une pénurie de personnel qui les empêchent d'ouvrir plus de places, qui seraient nécessaires pour désengorger les hôpitaux où certains patients âgés sont forcés d'attendre une place dans un foyer de soins.
Quinze des 72 foyers de soins de la province rapportent avoir des postes vacants de manière chronique.
S'ils étaient pourvus, ces postes permettraient d'ouvrir un total de 295 lits dans la province, selon les données du ministère du Développement social.
Au foyer de soins à but non lucratif, la Villa Sormany à Robertville, quatre employés - des préposées aux soins et des infirmières auxiliaires - ont été recrutés par des hôpitaux dans les derniers mois. L'établissement de niveau 3, pour des résidents en perte d'autonomie, compte au total une cinquantaine d'employés.
Pour Debbie Tremblay, la directrice des soins, les employés qui nous quittent disent qu’ils ont eu quelque chose de plus avantageux à l'hôpital
. Des primes, des heures et des postes garantis font partie des mesures à la disposition des hôpitaux pour séduire le personnel, selon elle.
Frustration et déception des foyers de soins
Dans cette course effrénée, les foyers de soins disent ne pas disposer de mêmes ressources que les hôpitaux. Une situation qui crée des frustrations.

Debbie Tremblay, directrice des soins du foyer la Villa Sormany.
Photo : Radio-Canada / Capture d'écran
C’est décevant de savoir que l'hôpital peut offrir des primes, des heures et postes garantis que nous ne sommes pas capables d’offrir
, avoue Debbie Tremblay, la directrice des soins du foyer la Villa Sormany.
La situation se serait aggravée après le dernier budget provincial, selon la directrice du foyer. Le gouvernement bonifiait alors l'enveloppe du recrutement du ministère de la Santé, mais pas nécessairement celui du Développement social, responsable des foyers de soins.
Impacts d’un exode sans précédent
Dans leur surenchère pour trouver du personnel, les hôpitaux affectent le bon fonctionnement des foyers de soins qui sont pourtant des partenaires, comme le rappelle le Syndicat canadien de la fonction publique du Nouveau-Brunswick.
Au foyer la Villa Sormany, tous les lits sont encore ouverts pour le moment, au prix d'heures supplémentaires pour les employés restantes. La directrice des soins n’a d'autre choix que de s’en contenter.

Une annonce de recrutement de personnel affichée au mur de la Villa Sormany, à Robertville.
Photo : Radio-Canada / Mario Landry
Ça épuise nos employés. C’est peut-être une solution à court terme, ça peut aider. Mais à long terme, ça aura un impact très difficile parce que nos employés ont besoin de repos pour revenir en forme et prendre soin de nos résidents
, avance Debbie Tremblay.
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Les offres d'emploi restent sans réponse. La liste d'attente pour une place s'allonge.
Le manque de lits disponibles dans les foyers de soins a un effet direct sur les hôpitaux. En avril, 385 patients ayant reçu leur congé attendaient une place dans un foyer de soins, comme à l'hôpital Chaleur d'où viennent la majorité des résidents de la Villa Sormany.
Une situation qui risque de s'aggraver
La pénurie de main-d'œuvre ne devrait pas s'arranger prochainement. La situation devrait même s'aggraver, affirme le Syndicat canadien de la fonction publique.
Plus de 400 membres du SCFP, qui défend les deux tiers des infirmières auxiliaires et préposés des foyers de soin de la province, peuvent prendre leur retraite au cours des 5 prochaines années, affirme Jason St Onge, premier vice-président du conseil des syndicats des foyers de soins du Nouveau-Brunswick.

Jason St Onge, premier vice-président du conseil des syndicats des foyers de soins du Nouveau-Brunswick
Photo : Radio-Canada / Capture d'écran
Il estime qu'à l'heure actuelle, il y a plus de 200 postes vacants dans les quelques 51 foyers de soins que représentent le syndicat.
Il invite la province à améliorer les conditions de travail du personnel, plutôt que de miser sur la construction de foyers privés, qui risquent, dit-il, de devenir des projets mort-nés par manque d'employés.
On attend toujours la réponse du gouvernement au niveau monétaire
, dit Jason St-Onge.
La province appelée au secours
Patrick Mallet, président du conseil d'administration du foyer la Villa Sormany, demande de son côté au gouvernement de placer les foyers de soins sous la responsabilité du ministère de la Santé au lieu du Développement social.

Patrick Mallet, président du conseil d'administration du foyer La Villa Sormany
Photo : Radio-Canada / Capture d'écran
On a la même clientèle, on a les mêmes besoins, ça serait une façon équitable d'assurer que nos résidents, nos personnes âgées qui mérite bien de vivre une situation plus agréable.
Il prend l'exemple du foyer Notre-Dame-de-Lourdes où il y a 34 lits vacants en raison d'un manque de d'infirmières, alors que l'hôpital Chaleur juste à côté déborde de patients en attente d'une place dans un établissement longue durée.
C'est un bassin d'employés qui se ressemble, on pourrait peut-être partager lorsque l'hôpital a des besoins. Si nous on peut prêter des infirmières par exemple ou des auxiliaires et vice versa
, indique Patrick Mallet.
Dans une déclaration, une porte-parole du gouvernement indique que les ministères du Développement social et de la Santé comprennent les pressions auxquelles les hôpitaux sont confrontés et travaillent en étroite collaboration avec les établissements de la région pour trouver des places pour ceux qui attendent à l’Hôpital Chaleur.
D’après les informations de Nicolas Steinbach