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À Laval, le chant assourdissant des goélands dérange les résidents

Des résidents du secteur Saint-François, à Laval, sont exaspérés par la présence de voisins palmipèdes bruyants. Une colonie de goélands à bec cerclé niche depuis quelques années sur la petite île du Moulin, dans la rivière des Prairies.

Deux volatiles se font face.

Une colonie de goélands sur l'île du Moulin, au milieu de la rivière des Prairies.

Photo : Radio-Canada / Étienne Gosselin

Près du parc de la Berge du Vieux-Moulin, sur le boulevard Lévesque Est, à Laval, se trouve la place aux Outardes, signe de la présence d’oiseaux migrateurs. Pourtant, les bernaches ne sont pas les oiseaux aquatiques en plus grand nombre dans le voisinage. Des cris stridents nous donnent tout de suite un indice : ce sont les goélands.

Ces oiseaux migrateurs nichent sur la petite île du Moulin d’avril à juillet. Selon une évaluation faite en 2022 par Faucon Environnement, une entreprise spécialisée en effarouchement, il y aurait près de 6000 goélands sur cette île de 22 962 mètres carrés.

Avoir un barbecue sur notre terrasse ou dormir les fenêtres ouvertes, c'est impossible à Saint-François, confie André Sirard.

Depuis sa cour, on entend les goélands, à moins de 200 mètres. Exaspéré par l’ambiance sonore, il a porté plainte à la Ville de Laval à maintes reprises.

Pour appuyer ses dires, il mesure de temps à autre le nombre de décibels avec une application sur son téléphone intelligent. Les données enregistrées indiquent une moyenne de 70,24 décibels avec un maximum de 87,07 décibels pour le vendredi 21 avril, à 11 h 48.

Mesures des décibels des cris de goéland. Données enregistrées sur le téléphone intelligent d’André Sirard.

Mesures des décibels des cris de goéland. Données enregistrées sur le téléphone intelligent d’André Sirard.

Photo : Radio-Canada / Carla Oliveira

Le Lavallois aimerait que l’administration municipale considère les cris des goélands comme une nuisance sonore et qu’elle agisse en conséquence. Car le règlement municipal stipule que l’intensité du bruit à l’extérieur ne peut dépasser 55 décibels le jour et 50 décibels la nuit.

Ce que j’attends de la Ville? Qu’elle respecte les trois règlements : pour le son, l’environnement et l’espèce envahissante.

Une citation de André Sirard, Lavallois

Comme André Sirard nous le rappelle, le bruit n’est qu’une part des inconvénients avec lesquels il faut composer.

Il y a le nombre de décibels, mais il y a aussi le nombre de merdes que les goélands envoient par jour, précise-t-il.

Lorsqu’on va dans les colonies, on se protège les oreilles

Jean-François Giroux s'est spécialisé dans l’étude des oiseaux migrateurs. Cet ancien professeur du Département de biologie de l’UQAM, aujourd’hui à la retraite, a participé à une étude de la population de goélands de l’île du Moulin, entre 2009 et 2015.

Il confirme que le cri incessant des oiseaux peut causer des nuisances. Mais il signale aussi que la plus grande crainte des citoyens est la contamination venant des fientes qui se retrouvent dans les jardins, sur la pelouse ou encore dans les piscines.

Deux goélands sur le toit d'une maison riveraine avec le toit taché de fientes.

Une maison riveraine avec le toit taché de fientes de goélands.

Photo : Gracieuseté de Florence Pluhar

Des fientes, Caroline Bellerive peut en parler longtemps. On s’est acheté un pavillon de jardin juste pour être capables peut-être un peu de s’asseoir dehors, nous confie-t-elle. Ayant emménagé dans sa maison il y a trois ans et demi, elle se demande même s’il ne pourrait pas s’agir d’un vice caché, puisque sa demeure se situe dans le couloir vers l’île.

La solution du pavillon de jardin n’est toutefois pas miraculeuse. Le caca des oiseaux avec le vent, il ne descend pas toujours droit, nous précise-t-elle, découragée. Le bruit est aussi problématique pour elle, au point de l'empêcher de travailler.

Je travaille à la maison, je ne peux pas travailler les vitres ouvertes, c’est trop de bruit, des fois, ça m’empêche d’entendre les gens en Zoom ou au téléphone.

Une citation de Caroline Bellerive, résidente de Laval

Un goéland ou une mouette?

Le goéland à bec cerclé se retrouve sur les îles à proximité de Montréal pour nicher et on les retrouve aussi dans les parcs et à proximité des casse-croûtes. Alors que les mouettes se retrouvent plutôt en milieu marin continental et sont un peu plus petites.

- Jean-François Giroux, biologiste, spécialiste de l’étude des oiseaux migrateurs

Que faire pour se débarrasser des goélands?

La conseillère du district de Saint-François, Isabelle Piché, a été alertée par des citoyens. Elle est allée voir l’île du Moulin récemment et a constaté que c'est un problème qui pourrait affecter plus de citoyens qu’on pense.

La Ville de Laval a coordonné plusieurs interventions sur l’île, depuis 2007, sans pour autant réussir à faire partir les oiseaux indésirables. Jusqu’en 2017, un système de treillis de fils de pêche avec des piquets de métal était installé sur l’île. C’est efficace, mais ce n’est pas parfait parce que certains oiseaux peuvent se prendre dans les fils, s’accrocher et mourir, note Jean-François Giroux.

Une importante colonie de goélands vit sur l'île du Moulin.

L’île du Moulin de Saint-François fait au plus 128 mètres de large par 371 mètres de long.

Photo : Radio-Canada

Des opérations d’effarouchement ont suivi les étés suivants. Une technique qui consiste à effrayer les oiseaux avec un drone en forme de faucon ou avec un vrai rapace.

Encore une fois, Jean-François Giroux doute de l’efficacité de cette intervention pour déloger les goélands de l’île du Moulin. La fauconnerie peut être beaucoup moins efficace lorsque les oiseaux sont bien établis dans leur nid, alors qu’elle a plus de succès dans les endroits où ils s'alimentent, comme les sites d'enfouissement, explique le biologiste.

Par ailleurs, la technique d'effarouchement est réglementée, ainsi que toute intervention faite pendant la nidification ou pour gérer celle-ci. Un permis doit être demandé au Service canadien de la faune, puisque le goéland est une espèce protégée par la Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs.

Il est ainsi possible d’enlever les œufs ou de les arroser d’huile minérale pour empêcher leur éclosion. Euthanasier les oisillons est aussi possible, mais l’obtention du permis est plus compliquée et questionnable. Au niveau éthique pour certains citoyens, ce n’est pas acceptable, rappelle Jean-François Giroux.

La Ville de Laval dit poursuivre ses démarches en vue d’une solution à long terme qui permettrait de régler la problématique de manière permanente, en respect de l’environnement et du bien-être animal. Pour le biologiste, la solution à long terme serait de modifier la couverture végétale de l’île en plantant des arbres et des arbustes pour empêcher la nidification.

L'île est recouverte de goélands.

Colonie de goélands sur l’île du Moulin.

Photo : Radio-Canada / Carla Oliveira

Pourquoi autant de goélands à Montréal?

Au début du 20e siècle, les populations de goélands étaient en déclin à cause de la récolte des œufs et des plumes, ces dernières étant prisées par l’industrie chapelière.

En 1916, le Canada et les États-Unis signent un traité pour protéger les oiseaux migrateurs.

C’est ce qui deviendra, plus tard, la Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs, qui inclut les goélands comme espèce protégée.

Dans les années 1960 et 1970, les dépotoirs à ciel ouvert, notamment l’ancienne carrière Miron, sont des sources abondantes de nourriture pour les goélands.

Les oiseaux viennent dans la grande région de Montréal entre avril et juillet pour la nidification. Ils se dispersent ensuite le long du fleuve Saint-Laurent et vers les Grands Lacs pour passer le reste de l’été. Durant la saison froide, ils se déplacent vers les États-Unis, où l’hiver est plus clément.

La plus grande colonie se trouve sur l’île Deslauriers, près de Varennes. Mais avec l’érosion, cette île rapetisse et les goélands cherchent d’autres endroits propices pour nicher, comme l'île du Moulin.

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