Crise du logement : que proposent les candidats à la mairie de Toronto?

En Ontario, les immeubles qui ont été occupés pour la première fois après le 15 novembre 2018 sont exemptés du contrôle des loyers.
Photo : CBC/Patrick Morrell
Alors que la crise du logement est l’un des enjeux majeurs de la campagne électorale à Toronto, des groupes communautaires réclament des actions concrètes et rapides de la part du conseil municipal ainsi que des candidats à la mairie pour éviter que la situation ne s'aggrave.
Le réseau Shelter & Housing Justice Network et la Fédération des associations des locataires de la région métropolitaine de Toronto (FMTA) comptent sur le leadership du prochain maire de la Ville Reine pour mobiliser tous les paliers de gouvernement afin de résoudre le problème.
[John Tory] n'a presque rien fait pour répondre à la crise du logement
, déclare le directeur général de la Fédération des associations des locataires de la région métropolitaine de Toronto, Geordie Dent.

La Fédération des associations des locataires de la région métropolitaine de Toronto dénonce le manque d'actions immédiates des trois ordres de gouvernement pour freiner la crise.
Photo : Radio-Canada
La question du logement abordable, par exemple, est souvent une responsabilité partagée par le municipal, le provincial et le fédéral, explique-t-il.
Sans un effort commun, les chances sont minces de pouvoir renverser la tendance, selon ces groupes qui militent pour le droit au logement.
Ils demandent que l'état d'urgence à Toronto soit déclaré pour mettre la pression sur Queen's Park et Ottawa afin que 10 000 logements sociaux, dont des logements à loyer indexé sur le revenu ou subventionnés, soient immédiatement construits par les gouvernements fédéral et provincial.
Ces groupes communautaires demandent également que le gouvernement ontarien impose un gel du prix des loyers, ainsi qu'un contrôle des loyers pour tous les logements locatifs et pour les logements vacants afin d'éviter les abus des propriétaires immobiliers.

À Toronto, le loyer d'un logement d'une chambre était de 2506 $ en moyenne au mois de mars.
Photo : Radio-Canada / Ed Middleton/CBC News
En Ontario, les immeubles qui ont été occupés pour la première fois après le 15 novembre 2018 sont exemptés du contrôle des loyers.
À Toronto, il faut attendre 14 ans en moyenne pour avoir accès à un appartement subventionné d'une chambre, selon les données de la Ville de 2022.
Malheureusement, [la crise du logement actuelle] est une guerre
, estime Geordie Dent.
Plusieurs locataires ont besoin d'appartement, mais il n'y a pas beaucoup d'espaces ni de logements libres. C'est très difficile et c'est très cher à Toronto
, constate-t-il.
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Le travailleur de rue et membre du réseau Shelter & Housing Justice Network Greg Cook observe que de plus en plus de Torontois se retrouvent à la rue.
En 13 ans de travail auprès des personnes en situation d'itinérance, je remarque que la crise du logement et de l'itinérance empire chaque année
, affirme-t-il.
La pénurie de logements et la hausse du prix du marché immobilier locatif contribuent, entre autres, à pousser de plus en plus de résidents à la rue. Les évictions aussi, souligne Geordie Dent.

Selon Greg Cook, la Ville de Toronto doit instaurer un moratoire pour empêcher le démantèlement de campements de sans-abri.
Photo : CBC/Lorenda Reddekopp
On perd plus de logements abordables que l'on construit d'habitations.
Nous sommes témoins d'une crise majeure
, ajoute M. Cook.
Dans la dernière année, environ 1300 personnes de plus se sont retrouvées en situation d'itinérance à Toronto, selon le réseau Shelter & Housing Justice Network.
D'après les données de la Ville, environ 10 800 personnes étaient sans-abri à Toronto au cours des trois derniers mois.

Les locataires ont de plus en plus de difficulté à trouver un logement abordable et salubre à Toronto.
Photo : La Presse canadienne / Chris Young
Il faut commencer par reconnaître la gravité de la crise et il faut ensuite travailler avec la province, qui a plus de pouvoirs. Il faut mettre en place un contrôle des loyers et collaborer avec des coopératives pour construire plus de logements abordables
, résume M. Dent.
Il y a tout de même des initiatives que Toronto peut mettre en place pour améliorer la situation, dit-il, comme construire des logements abordables et faire avancer l'échéancier pour la légalisation du zonage des maisons de chambres
, par exemple.
Le conseil municipal de Toronto a justement adopté en décembre 2022 un nouveau cadre réglementaire pour les maisons à locataires multiples qui autorisera les maisons de chambres dans toute la Ville en 2024.

Les nouveaux règlements de zonage et de permis de la Ville de Toronto entreront en vigueur le 31 mars 2024.
Photo : CBC/John Rieti
Solutions des candidats à la mairie
Les propositions des candidats Josh Matlow et Olivia Chow sont celles qui retiennent le plus l'attention des groupes communautaires rencontrés.
Le conseiller municipal Josh Matlow propose, s'il est élu, de créer Public Build Toronto, une agence municipale qui développerait des logements sur des terrains appartenant à la Ville.
Olivia Chow, de son côté, veut notamment octroyer plus de financement aux fiducies foncières communautaires pour préserver les logements abordables existants.
Si elle est élue, la candidate veut également créer le Comité d'action des locataires de Toronto.
Olivia Chow compte aussi doubler la portée de la Rent Bank de Toronto et presque tripler la portée du programme de prévention des expulsions.

Le comité proposé par Olivia Chow travaillera sur la mise en place de règlements et de politiques qui protègent les locataires comme « un réel contrôle des loyers ».
Photo : Radio-Canada / Jean-Loup Doudard
Il y a du positif et du négatif dans chacun des plans des candidats, mais au moins tout le monde en parle.
Nous sommes rassurés parce que plusieurs candidats à la mairie ont présenté des plans pour les locataires
, indique Geordie Dent.
Les autres candidats ont aussi un plan pour le logement, ce qui est bien
, poursuit-il.

L'ex-chef de police Mark Saunders propose un plan pour le logement en deux temps dans le cadre de sa campagne à la mairie de Toronto.
Photo : Radio-Canada / Myriam Eddahia
Pour sa part, Mark Saunders mise d'entrée de jeu sur la réduction du temps d'approbation des chantiers par la Ville de Toronto.
Selon lui, l'un des plus grands obstacles à la mise en chantier rapide des travaux est [le délai qui s'écoule] avant qu'un projet domiciliaire soit approuvé par la Ville
.
Pour y remédier, il propose notamment de réduire à un an le délai d'approbation du zonage.
Mark Saunders compte aussi autoriser la construction d'un à deux étages supplémentaires par immeuble locatif ou en copropriété, ou jusqu'à 20 logements additionnels par projet immobilier.
Et pour répondre à la pénurie de main-d'œuvre, l'ancien chef de police de Toronto veut collaborer étroitement avec les gouvernements fédéral et provincial et les syndicats pour encourager une plus grande participation des travailleurs aux métiers spécialisés.
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La candidate Mitzie Hunter veut quant à elle permettre la construction de multiplex de faible hauteur pouvant accueillir jusqu'à quatre logements, comme c'est le cas à Montréal.
Comme d'autres candidats, elle veut aussi construire des logements abordables et supervisés sur des terres publiques, tout en réparant et entretenant les logements communautaires existants.
De son côté, l'ancienne mairesse adjointe de Toronto, Ana Bailão, qui était à la tête du comité de la planification et de l'habitation de la Ville, propose de temporairement suspendre les nouvelles propositions qui démoliraient des immeubles d'appartements locatifs.
Si elle est élue le 26 juin, elle souhaite mettre en branle une unité spécialisée dans la lutte contre les déplacements de locataires et la prévention des expulsions.

La déclaration de l'état d'urgence à Toronto permettrait à la Ville de Toronto de faire pression sur les autres ordres de gouvernement.
Photo : Radio-Canada / Evan Mitsui
Face à cette crise de l’itinérance, une motion pour demander à la Ville de Toronto de déclarer l'état d'urgence a été votée à l'unanimité par le Comité économique et de développement communautaire, le 25 avril dernier.
Le conseil municipal de Toronto doit se prononcer sur la question lors d'une réunion le 10 mai.