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Insultes, dénigrement et conflits à Sayabec

Sayabec.

La Municipalitéde Sayabecest le théâtre d’un conflit de travail qui perdure depuis plusieurs années entre des employés municipaux et la direction générale (archives).

Photo : Courtoisie

Le climat de travail s'envenime à la Municipalité de Sayabec où des syndiqués dénoncent un climat de travail malsain et du harcèlement tandis que les élus déplorent une vague de dénigrement et de diffamation.

Radio-Canada tient à aviser les lecteurs que ce texte contient des propos qui peuvent choquer ou paraître offensants.

Des allégations de racisme viennent aussi teinter ce conflit qui s'inscrit dans une suite de relations syndicales historiquement tendues.

La directrice générale, Chimène Ngomanda, affirme avoir reçu bon nombre de propos menaçants, misogynes et racistes de la part d’employés depuis son embauche à la Municipalité.

Officiellement en poste comme directrice générale et greffière-trésorière depuis juillet 2022, Chimène Ngomanda a d’abord été employée municipale. Elle a ensuite assuré l’intérim de l’ancien directeur général de la Municipalité avant d’occuper son poste actuel.

Celle qui brise le silence après quelques années à l'emploi de la Municipalité est convaincue que certains employés municipaux refusent de collaborer en raison de son sexe et de sa couleur de peau. J’ai toujours fermé ma bouche là-dessus et je me suis toujours dit : "c’est moi la direction, je ne suis pas là pour me lamenter", ajoute-t-elle.

Marcel Belzile, maire de Sayabec

Marcel Belzile, maire de Sayabec, rapporte avoir aussi entendu des insultes contre la directrice générale. (Photo d'archives).

Photo : Radio-Canada

Le maire de Sayabec, Marcel Belzile, estime que l'embauche de Mme Ngomanda a déplu dès son arrivée en novembre 2018. D'abord, [c'est] une femme et en plus, elle a la peau noire. Alors, ils se sont permis de se braquer probablement pour ces deux éléments-là.

Le maire témoigne lui-aussi avoir entendu des insultes et des propos racistes et misogynes à l’égard de Chimène Ngomanda.

Il y a eu des propos comme ça au centre sportif, dans certains commerces et au garage municipal.

Une citation de Marcel Belzile, maire de la Municipalité de Sayabec

Mme Ngomanda croit que la situation s’est intensifiée depuis qu’elle est directrice générale : Quand j’ai remplacé le directeur général, un employé m’a traité de "petite mot en n".

Elle estime avoir aussi été victime d’une campagne de salissage lorsque des employés municipaux ont exposé leurs reproches devant les conseillers municipaux et la population de Sayabec.

Ils sont partis dans la population pour me dénigrer et me salir. Ça a fait son chemin et là, ils sont dans les médias.

Une citation de Chimène Ngomanda, directrice générale et greffière-trésorière de la Municipalité de Sayabec

Griefs syndicaux

Le syndicat n'a pas voulu commenter les allégations de la Ville et de sa direction générale et a spécifié qu'il analysait juridiquement le dossier.

Depuis le début de l'année, le Syndicat des employés de la Municipalité de Sayabec confirme qu'il a déposé deux griefs à l'intention de la directrice générale relativement à du harcèlement et à un climat de travail malsain.

Le premier a été remis en février et le second, à la fin d'avril.

Quand les employés ne font pas le travail comme la direction leur demande ou selon les directives qu’elle prescrit, il y a des échanges verbaux. Du côté de la direction, et non du côté des employés, ça crie et ça hurle. Je pense qu’en 2023, c’est inconcevable d’avoir des conversations qui tournent de cette manière, rapporte Nathalie Courchesne, conseillère syndicale du Syndicat canadien de la fonction publique.

L’objectif du grief est que le harcèlement cesse.

Une citation de Nathalie Courchesne, conseillère syndicale du Syndicat canadien de la fonction publique

On a signifié ces événements en février. [...] Il y a eu deux événements récents à deux semaines d’intervalle encore qui sont survenus. Ça n’a plus de bon sens, il faut que ça change, poursuit la porte-parole du SCFP.

Elle fait valoir que les employés doivent être en mesure de travailler dans un climat de travail sain et ne pas avoir peur d’entrer au travail.

Mme Courchesne explique que le syndicat avait pris la décision de mettre en suspens le premier grief puisque la situation s’était apaisée quelques semaines après son dépôt. Le dossier était sur la glace pour permettre aux parties de se parler, mentionne-t-elle.

Nathalie Courchesne.

La conseillère syndicale du Syndicat canadien de la fonction publique, Nathalie Courchesne, fait valoir que les employés doivent être en mesure de travailler dans un climat de travail sain.

Photo : Gracieuseté : Nathalie Courchesne

Le syndicat est cependant revenu à la charge récemment en déposant un autre grief portant sur des allégations semblables à celles de février. Des sanctions disciplinaires y sont réclamées pour mettre rapidement fin à cette situation décrite par les employés comme un véritable cauchemar.

Plus la situation va s’envenimer, plus ça va jouer sur la santé mentale des personnes qui sont là.

Une citation de Nathalie Courchesne

Par peur des représailles envers les employés, le syndicat préfère ne pas dévoiler d’informations sur le nombre de personnes qui se disent victimes de harcèlement et sur le département municipal où elles travaillent.

Ce n’est pas un gros groupe d’employés donc c’est facile d’en identifier un et on ne veut pas que la situation soit insoutenable pour cette ou ces personnes, indique la conseillère syndicale.

La Municipalité de Sayabec compte 15 employés au total.

Le syndicat soutient par ailleurs que la détérioration des conditions de travail a mené à la démission de deux travailleurs exécutant des tâches manuelles au cours de l’hiver. Ça se transpose au niveau des cols blancs, affirme Mme Courchesne.

De son côté, le maire confirme qu’effectivement un employé a démissionné cet hiver et qu’un autre a demandé un congé sans solde avant d’être licencié pour refus d’entrer au travail. La nuance est très importante, commente Marcel Belzile.

Fermeté et autorité

Aux yeux du maire, ces allégations de harcèlement et de climat de travail malsain sont liées à un manque de coopération de la part de certains employés.

Des travailleurs refuseraient, selon lui, de se faire dicter leurs tâches par la directrice générale. Il y a un employé qui est entré dans son bureau pour lui dire : "ma belle Chimène, je t’aime bien, mais tu dois nous laisser faire ce qu’on veut faire sinon, ça va mal aller. Ça va être de la marde." C’est le terme qu’il a utilisé.

Afin de mettre fin à ce type de comportements, le maire indique avoir donné la directive à la directrice de faire preuve de plus de fermeté.

Le maire admet d'ailleurs que Mme Ngomanda puisse parfois avoir haussé le ton dans le cadre de ses fonctions.

Mme Ngomanda a une bonne voix [...], mais on connaît des gens qui parlent fort parmi nos syndiqués également, poursuit-il.

Quand ça n’écoute pas, [est-ce que] ça se pourrait que, des fois, on monte le ton? Ce n’est pas parce qu’on est fâché, c’est parce qu’on veut se faire écouter.

Une citation de Marcel Belzile

L’élu fait valoir que lorsqu’un employé n'effectue pas les tâches qui lui sont assignées, cela a des répercussions financières importantes pour sa Municipalité.

Une longue histoire

La situation qui oppose les deux parties ne remonte toutefois pas à aujourd’hui. En 2010, un rapport avait été commandé sur le climat nocif qui régnait déjà à la Municipalité.

Ce rapport, présenté aux élus en 2015, soulignait un profond malaise dans le climat organisationnel de la municipalité.

Les relations de travail, depuis un certain temps, n’étaient pas super bonnes parce que, déjà, la Commission des relations du travail s’était mêlée au dossier et elle avait fait un travail de médiation avec eux, explique Nathalie Courchesne.

C’est une situation qui se répète d’année en année. Il en a passé des directeurs. Certains ont démissionné, d’autres sont tombés malades et nous en sommes là, maintenant, commente de son côté le maire Belzile. C’est une culture qui est installée de "on veut être les patrons, laissez-nous faire ce qu’on veut" et si on donne des directives "on conteste les directives, on fait de l’insubordination". On est rendu-là. La vraie vérité, c’est ça.

Selon l’élu, si à l'époque, le rapport du médiateur avait été pris en compte, le conflit actuel serait inexistant. On ne serait pas en train de se parler aujourd’hui de la situation qui prévaut, affirme-t-il.

Il ajoute que des élus se sentent maintenant menacés en raison de ce conflit entre la direction et certains employés. Le soi-disant harceleur devient le harcelé y compris les élus, commente Marcel Belzile.

Une approche axée sur les solutions

Mme Ngomanda se dit appuyée par le conseil municipal. Des solutions ont, confirme le maire, été implantées afin de la soutenir au quotidien.

Chimène Ngomanda.

Chimène Ngomanda est directrice générale de la Municipalité de Sayabec depuis juillet 2022.

Photo : Gracieuseté : Municipalité de Sayabec

Le conseiller responsable des ressources humaines assiste maintenant aux rencontres entre la directrice et des employés. Quand il y a des rencontres qui réfèrent à un certain braquage sur une directive quelconque, il intervient comme personne aidante et observatrice pour regarder ce qui se passe, avance M. Belzile.

Le maire explique qu’après plusieurs rencontres, si un employé municipal refuse de se soumettre aux directives, des avis verbaux et écrits peuvent aussi être acheminés. On a un code d’éthique à Sayabec. On a une politique contre le harcèlement. On est quand même outillés pour faire face à la musique.

Extraits du code d'éthique de la Municipalité de Sayabec

Selon la règle 5 de l’article 9 sur les obligations particulières (Nouvelle fenêtre), l’employé doit«  :

1° agir de manière équitable dans l’exécution de ses fonctions et ne doit pas accorder un traitement préférentiel à une personne au détriment des autres;
2° s’abstenir de tenir des propos injurieux ou de harceler une personne par des attitudes, des paroles, des gestes pouvant porter atteinte à sa dignité ou à son intégrité;
3° utiliser un langage approprié à l’exercice de ses fonctions.

La Ville appliquera une politique de tolérance zéro pour tous les cas de diffamation et de dénigrement. Comme conseil, comme Municipalité et comme élus, on va se tenir debout là-dessus, assure le maire.

Au fil des derniers mois, Chimène Ngomanda avoue s’être beaucoup remise en question sur ses façons de procéder à titre de directrice générale, mais elle assure ne jamais avoir regretté d’occuper ce poste.

Croyez-le ou non, quand je retourne chez moi, je dors la tête tranquille parce que je sais que je ne fais rien de mal à ces employés. Je sais que je fais mon travail, conclut-elle.

Lundi, lors de la séance du conseil municipal qui comptait une trentaine de citoyens, le maire et les conseillers ont profité de la période de questions pour apporter des précisions et répondre aux questions du public quant au conflit de travail.

Ces dissensions surviennent alors que les deux parties sont en processus de renégociation de la convention collective, échue depuis le 31 décembre dernier. La négociation débutera le 11 mai.

Le maire demeure optimiste et espère un dénouement rapide. Nous avons une attitude positive, dit-il, et axée sur les solutions. Nous sommes bientôt à la table de négociation du syndicat. On va trouver des solutions pour rendre ça plus harmonieux.

Lors de la première rencontre de négociations, la direction sera accompagnée d’un avocat de la Fédération québécoise des municipalités pour faire valoir ses points.

Même si le conflit de travail ne fera pas nécessairement partie de l’ordre du jour de cette rencontre, le maire espère que son équipe pourront préciser et revoir les descriptions de poste afin que la structure organisationnelle et opérationnelle soit dorénavant plus efficace.

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