Gaïaland : des écolos sous l’emprise d’un gourou québécois

La série documentaire «Gaïaland, la tribu qui voulait changer le monde» sera diffusée sur Planète+, une chaîne de télévision de Canal+.
Photo : planète+
Dans les années 80, de jeunes gens idéalistes sont tombés sous l’emprise de Pierre Maltais, un vendeur de rêve québécois se faisant passer pour un Autochtone. La série documentaire Gaïaland, la tribu qui voulait changer le monde, diffusée à compter de mercredi sur Planète+, retrace l’histoire de cette communauté écologiste ayant basculé dans le sectarisme.
En se servant d’archives retrouvées en Finlande, en France ou encore au Canada, ainsi que des témoignages d’anciens et d’anciennes adeptes du gourou Pierre Maltais, la réalisatrice Yvonne Debeaumarché a déterré les rêves et les démons de la tribu
Écoovie. On y découvre un groupe qui, malgré les bonnes intentions de la plupart de ses membres, a été marqué par la mort et la manipulation.
À l’époque, la communauté rassemble des jeunes environnementalistes à la recherche de solutions. Sous la direction de Pierre Maltais, un Québécois qui prétend enseigner des savoirs traditionnels autochtones, le groupe formé en France entreprend de dormir dans des tentes, de pratiquer la permaculture ou encore de planter des arbres.
Ces gens-là, quand ils intègrent cette communauté, c’est somme toute une communauté comme il y en a beaucoup à la fin des années 70 et 80, analyse la documentariste. Elle teste des choses qui sont aujourd’hui admises par tous, comme le véganisme.
Leur guide, Pierre Maltais, les mène toutefois dans un cul-de-sac. Il les repousse dans leurs ultimes retranchements en leur imposant des régimes alimentaires carencés, des efforts physiques démesurés et des pratiques sexuelles qui remettent en cause la question de consentement.
C’est un personnage qui s'échappe sans cesse, et qui s’échappe à lui-même, explique Yvonne Debeaumarché. [Les membres] deviennent totalement hors soi, et ils sont poussés à dépasser des limites morales et physiques.
Après avoir sillonné l’Europe pendant de longues années, Pierre Maltais a même mené le groupe aux abords du cercle polaire, en Finlande. Isolée du reste du monde et confrontée à la rudesse de l’environnement, la communauté a vu un certain nombre de ses membres mourir de faim et de fatigue.

Des images d'archives documentent l'histoire de la communauté environnementaliste.
Photo : planète+
De l’utopie au cauchemar
Avec sa série documentaire qui a déjà été diffusée sur quelques chaînes de télévision européennes en 2022, la réalisatrice Yvonne Debeaumarché a voulu comprendre comment des personnes sensibles et empathiques ont pu se retrouver embrigadées dans une secte.
Ça interroge l’utopie, estime la documentariste. L’utopie est importante. Mais simplement, il faut faire attention à ce qui nous guide, et il ne faut pas non plus se couper du réel.
La caractéristique de la secte, ce n’est pas tant la manipulation ou les abus, car ils existent partout dans la société, poursuit-elle. C’est plutôt le fait de se sectionner, de refuser le contact, et à partir du moment où l'on refuse le contact avec les autres et le reste de la société, là, on se radicalise vraiment.
Entrer en contact avec les anciens et anciennes disciples de Pierre Maltais, qui serait décédé en 2015 au Nicaragua, a d’ailleurs été ardu. Plusieurs personnes ont encore de la difficulté à accepter qu’elles aient été manipulées par le gourou québécois, selon la réalisatrice.
Une partie d’eux est très consciente qu’elle a été manipulée, mais une autre partie a aussi vécu toutes ces années, explique-t-elle. Et dans toutes ces années, ils ont aussi tissé des liens d’amitié, ils ont vécu de bons moments… c’était leur vie. S'ils renient tout, ça devient un effondrement psychique. Ce n’est pas si simple.

Pierre Maltais est connu sous plusieurs noms, dont Norman William en Europe.
Photo : planète+
Le micro aux victimes
Pierre Maltais est un personnage déroutant. Celui que la réalisatrice qualifie d’intelligent, mais aussi de narcissique, de manipulateur et d’escroc, a vécu un peu partout dans le monde sous différentes identités, multipliant les surprises et les plans douteux, voire illégaux.
La documentariste Yvonne Debeaumarché a toutefois préféré braquer les caméras sur les victimes
de Pierre Maltais plutôt que sur leur bourreau.
Il aurait fallu enquêter deux ans de plus si on avait voulu percer le mystère de cet homme qui fascine d’une certaine façon, mais qui donne aussi l’impression d’un trou noir. Plus on tente de comprendre le parcours de Pierre Maltais, plus il nous échappe.
Je dis toujours qu’un bon gourou c’est un scénariste de fiction ratée, laisse-t-elle tomber. Il ferait mieux de faire des fictions plutôt que de prendre des vraies personnes pour jouer dans ses scénarios et leur faire faire n'importe quoi.
La série Gaïaland, qui se décline en quatre épisodes de 52 minutes, sera diffusée toutes les semaines à compter de mercredi à 21 h sur Planète+. Plusieurs rediffusions sont également prévues (Nouvelle fenêtre).
Ce texte a été écrit à partir d'une entrevue réalisée par Pénélope McQuade, animatrice de l’émission Pénélope. Les propos ont pu être édités à des fins de clarté ou de concision.