Jackie Vautour, une résistance obstinée à Kouchibouguac

Jackie Vautour a symbolisé la résistance contre l'expropriation des familles du parc national de Kouchibouguac au Nouveau-Brunswick.
Photo : Radio-Canada
On apprenait récemment le démantèlement de ce qui restait de la propriété de Jackie Vautour dans le parc national de Kouchibouguac, au Nouveau-Brunswick. Des extraits provenant de nos archives nous permettent de rappeler les principaux événements d’un combat contre son expropriation qui a duré plus d’un demi-siècle.
La conclusion d’une très longue bataille?
Le 11 avril 2023, la Gendarmerie royale du Canada et des fonctionnaires de Parcs Canada démolissaient ce qui restait de la propriété du militant Jackie Vautour dans le parc national de Kouchibouguac.
Des enfants du défunt Jackie Vautour ont promis qu'ils continueraient le combat de leur père.
L’opération veut cependant conclure une histoire qui a profondément marqué la population acadienne du Nouveau-Brunswick, et plus particulièrement du comté de Kent, depuis 1969.

Reportage du journaliste Guy Leblanc sur l'historique de l'expropriation au parc national de Kouchibouguac
Comme le rappelle ce reportage du journaliste Guy Leblanc présenté à l’émission Trajectoires le 28 janvier 1995, les autorités fédérales canadiennes et néo-brunswickoises s’étaient entendues en 1968 pour créer, sur la côte sud-ouest du Nouveau-Brunswick, un parc national.
Kouchibouguac devait aider à relever l’économie du secteur par le tourisme et ainsi rendre plus prospère la population de la région du comté de Kent, à cette époque une des plus pauvres du Canada.
Le problème, c'est que pour y arriver, il faut exproprier 250 familles qui vivent sur ces terres.
La façon dont l’expropriation est menée, et le montant de l'indemnisation offerte aux familles déplacées, considéré par plusieurs comme dérisoire, soulève un débat passionné.
Un homme s’oppose avec une obstination toute particulière à cette expropriation. Il s’agit de Jackie Vautour.
Il est appuyé par son épouse Yvonne, ses neuf enfants et une portion importante – mais pas totale – de la population acadienne.
La création du parc national de Kouchibouguac amène par ailleurs une confrontation à partir des années 1970, parfois violente, entre ceux qui s’opposent à l’expropriation et les forces de l’ordre.
On ne fait pas nécessairement dans la dentelle.
Le 5 novembre 1976, par exemple, les policiers iront jusqu’à profiter de l’absence de Jackie Vautour de chez lui pour raser sa maison.
Le débat devient très politisé et très émotif.
En Acadie, certains vont même comparer la situation des expropriés de Kouchibouguac à celle du Grand Dérangement de 1755.
La lutte de Kouchibouguac expliquée par ses acteurs
« Moi je me dis, Jackie a été très tenace avec tout ce qu’il a fait et tout ce qu’il a passé à travers. »

Reportage de la journaliste Michèle Brideau mettant en vedette des acteurs de la bataille de l'expropriation de Kouchibouguac
Le 10 juin 2008, l’émission Tout le monde en parlait, animée par Anne-Marie Dussault, présente un reportage de la journaliste Michèle Brideau sur les événements de Kouchibouguac.
Ce reportage donne notamment la parole à des gens qui ont vécu de l’intérieur le drame des expropriés.
On entend aussi les points de vue du négociateur gouvernemental néo-brunswickois Auguste Landry et du ministre des Ressources naturelles du Nouveau-Brunswick Roland Boudreau.
On entend aussi Linda Cormier qui a fait partie des expropriés, de même que Jackie Vautour qui revient sur les événements dont il a été un des principaux protagonistes.
Jackie Vautour s’explique
Le 5 novembre 1981, cinq ans précisément après la démolition de sa maison, Jackie Vautour explique aux journalistes les raisons pour lesquelles il s’oppose avec tant d’obstination à l’ordre d’expropriation.

Extrait d'une conférence de presse donnée par Jackie Vautour qui explique son opposition à l'expropriation dans le parc national de Kouchibouguac.
Voici un extrait de cette conférence de presse diffusée à l’émission Ce soir Atlantique.
La détermination de Jack Vautour est remarquable.
Il a fait notamment fléchir les autorités fédérales, qui doivent mettre sur pied une commission royale d’enquête sur la manière dont la décision de créer le parc de Kouchibouguac a été menée.
Il obtient par ailleurs une importante compensation financière de la part du gouvernement fédéral.
Jackie Vautour réussit en outre à demeurer sur sa propriété, les responsables fédéraux préférant ignorer sa présence dans le parc, qu’ils considèrent comme illégale.
Un homme de résistance
Jackie Vautour est décédé le 8 février 2021 à l’âge de 92 ans.

Reportage de la journaliste Maude Montembeault sur le décès de Jackie Vautour. Céline Galipeau anime le Téléjournal.
Son décès a été souligné au Téléjournal ce même jour par un reportage de la journaliste Maude Montembeault.
Que retient-on du parcours de Jackie Vautour?
Outre sa résistance à l’expulsion des habitants de Kouchibouguac, Jackie Vautour s’est révélé un défenseur des Métis acadiens du Nouveau-Brunswick.
Son combat a aussi forcé les gouvernements à réfléchir sur leur façon d’agir.
Depuis 2000, Parcs Canada n’exproprie plus de Canadiens pour l’expansion de son réseau.