Pourquoi Paris veut-il abandonner les gratte-ciel
La capitale française veut stopper la « conquête des hauteurs », de plus en plus considérée comme un non-sens écologique.

Les tours Duo sont les dernières grandes tours à avoir été construites à Paris. Le groupe québécois Ivanhoé Cambridge en est propriétaire.
Photo : Radio-Canada / Franck Pierron
Paris est plus connue pour ses immeubles haussmanniens que pour ses gratte-ciel. Pourtant, la dernière décennie a vu les tours se multiplier dans certains quartiers. C’est à cette densification verticale que la capitale dit maintenant non, pour des raisons surtout écologiques.
Contrairement à plusieurs villes nord-américaines, Paris n’a jamais été une capitale de gratte-ciel. Or, au tournant des années 2010, la capitale française a commencé à se laisser tenter par la hauteur, perçue comme un symbole de modernité.
Elles sont obsolètes
, constate aujourd’hui Corine Faugeron. Le but, c’est que ce soit la fin des tours à Paris.
L’élue parisienne nous rencontre à quelques pas du chantier de la tour Triangle : un immeuble de 44 étages, le dernier de la sorte à être autorisés dans Paris même.
La conseillère écologiste fait partie de ceux qui ont milité pour limiter la hauteur des bâtiments parisiens à 37 mètres, soit environ une dizaine d’étages. La mesure est passée dans le prochain projet de loi d’urbanisme de Paris. Une vraie victoire politique
, se félicite-t-elle.
Une tour, c’est tout le contraire de la modération de notre consommation énergétique.

Le reportage de Yasmine Mehdi
De l’opposition esthétique à l’opposition écologique
Si les écologistes s’opposent aux gratte-ciel, c’est d’abord pour des raisons environnementales. La construction, l’entretien et l’isolation de ces édifices – la plupart du temps en béton, en verre et en acier – nécessitent en effet une consommation complètement folle d'énergie
, fait remarquer Corine Faugeron.

Les écologistes font partie de la majorité à l'hôtel de ville de Paris. Corine Faugeron est l'une de leurs élues.
Photo : Radio-Canada / Yasmine Mehdi
L’opposition de Patrice Maire aux tours ne date pas d’hier. Il milite au sein d’une association citoyenne qui veut préserver le caractère architectural de la Ville-Lumière. Le Parisien ne s’en cache pas, il n’a jamais aimé l’apparence des gratte-ciel. C’est une verrue dans le paysage
, observe-t-il.
Son opposition aux tours a toutefois évolué dans les dernières années : de purement esthétique, elle est aussi devenue environnementale. On se rend de plus en plus compte que ce sont surtout des épaves thermiques. C’est complètement antiécologique
, déplore-t-il.

Patrice Maire est le président de l'association Monts 17. Il se félicite de l'interdiction des gratte-ciel à Paris.
Photo : Radio-Canada / Yasmine Mehdi
Et à Montréal?
Le doyen de la Faculté d’aménagement de l’Université de Montréal, Raphaël Fischler, voudrait que Montréal s’inspire de Paris. L’expert constate aussi l’impact environnemental très lourd des tours et ne croit pas qu’elles offrent le meilleur modèle de densification.
On aime beaucoup moins le gratte-ciel qu’avant.
Il faut pouvoir densifier et créer du logement, mais le bâtiment de grande hauteur n’est pas un bâtiment bon marché
, explique-t-il. Ce n’est pas non plus un milieu qui est très propice à la vie de famille.
Pour Raphaël Fischler, Montréal devrait plutôt miser sur des bâtiments d’une dizaine d’étages et imposer un moratoire
sur la construction de tours. Je pense que Montréal gagnerait plus à rester une ville à échelle humaine
, ajoute-t-il.

Une vue en hauteur de Paris. Même sans beaucoup de tours de logement, la capitale française est l'une des villes les plus densément peuplées du monde.
Photo : Radio-Canada / Franck Pierron
En visite officielle à Paris, la mairesse de Montréal Valérie Plante a répété qu’il était nécessaire de densifier la métropole québécoise. Elle souhaite toutefois opter pour une densité intelligente.
Il y a moyen de faire de la densité sans que ce soit des espèces de tours à Lego
, a-t-elle dit de façon imagée.