Danielle Smith favorable à un tribunal pouvant ordonner un traitement contre les drogues

Le Canada, et notamment l'Alberta, est aux prises avec une crise des opioïdes depuis une dizaine d'années.
Photo : Getty Images / Spencer Platt
Le gouvernement conservateur uni de l'Alberta envisage de mettre sur pied un tribunal spécialisé qui pourrait ordonner qu’une personne aux prises avec une dépendance grave aux drogues suive un traitement. Danielle Smith dit s’inspirer du modèle portugais, qui n’est pourtant pas aussi coercitif.
La première ministre dit s’inspirer des commissions de dissuasion de la toxicomanie
du Portugal.
Nous étudions le modèle du Portugal et nous mettrions sur pied une structure de tribunaux séparés, avec des commissaires qui entendraient les individus qui reviennent encore et encore à cause de leur dépendance et qui font des surdoses
, explique Danielle Smith.
Les commissaires auraient accès à un bon nombre de professionnels, comme des policiers, des psychiatres, des travailleurs sociaux et autres conseillers. Ils décideraient collectivement si une personne a atteint le point où il faut ordonner qu’elle suive un traitement [de lutte contre les dépendances]
, poursuit-elle.
Je ne veux pas que vous croyiez que c’est la première option. C’est la dernière.
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La première ministre croit avoir besoin de légiférer pour autoriser le traitement forcé contre les dépendances aux drogues. À son avis, la Loi sur la santé mentale de l’Alberta, qui autorise la détention d’une personne souffrant de problèmes de santé mentale graves pendant 72 heures, n’est pas suffisante.
La question est : que faisons-nous lorsqu’une personne présente un danger pour elle-même et les autres et a perdu la capacité de prendre des décisions en raison de sa dépendance? Bien sûr, tout ordre de suivre un traitement serait un dernier recours et devrait être approuvé par un juge
, ajoute le chef de cabinet du ministère de la Santé mentale et de la Dépendance, Eric Engler.
Il affirme qu’aucune décision n’a encore été prise et que le Ministère étudie actuellement plusieurs modèles ailleurs dans le monde. Des consultations pourraient être tenues plus tard, après les élections provinciales du 29 mai.
Le Portugal n’impose aucun traitement
Le Portugal a mis en place un modèle de décriminalisation de toutes les drogues au début des années 2000, comprenant une panoplie de mesures pour augmenter l’accès aux soins de santé, notamment ces commissions de dissuasion de la toxicomanie. Ces commissions ne sont toutefois pas des tribunaux.
Au Portugal, ce n'est pas une obligation de recevoir des traitements. Oui, il y a une obligation de se présenter dans une clinique pour des tests de dépistage, mais pas pour se faire traiter
, explique le professeur émérite de l’École de criminologie de l’Université de Montréal Serge Brochu
À mon avis, on va dans un cul-de-sac en essayant d'obliger quelqu'un à changer malgré lui.
Il souligne que le modèle portugais est tout de même très coercitif
. Pour les personnes dont la consommation est jugée problématique, la commission peut, par exemple, ordonner des travaux communautaires et l’arrêt du versement de prestations gouvernementales, faire saisir des biens et suspendre une licence professionnelle.
Le professeur affirme toutefois que les études démontrent que les traitements obligatoires ont peu de succès. À son avis, mieux vaut tenter de modifier la motivation d’une personne à suivre un traitement.
Le modèle portugais a toutefois démontré une baisse des coûts du système de justice, une augmentation de l’accès aux soins de santé et une diminution de problèmes liés à l’usage de substances illicites, par exemple les infections au VIH, selon Serge Brochu.
Le professeur émérite conseille également à un gouvernement qui voudrait explorer un tel modèle d’être vigilant par rapport à la discrimination des personnes minoritaires et racisées et des groupes autochtones.