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Chez les chimpanzés mâles, la tyrannie est synonyme de succès

Un chimpanzé.

Les chimpanzés partagent 98,7 % de leur ADN avec l'espèce humaine.

Photo : iStock

Intimidants, colériques et agressifs. Les comportements tyranniques permettent aux chimpanzés mâles de prendre le pouvoir et de maintenir leur position dominante, montrent les travaux menés par des scientifiques américains et écossais publiés dans la revue PeerJ Life and Environment (Nouvelle fenêtre) (en anglais).

Les mâles plus avides et plus irritables atteignent des échelons plus élevés de l'échelle sociale. Ils réussissent aussi à mieux engendrer une progéniture que ceux qui sont plus respectueux et plus honnêtes, explique l’anthropologue évolutionniste Joseph Feldblum de l’Université Duke, l’un des auteurs principaux de l’étude.

Le chimpanzé Frodo.

Le chimpanzé Frodo, un maître de l'intimidation, a été le mâle dominant de son groupe pendant cinq ans au parc national de Gombe, en Tanzanie.

Photo : Gracieuseté : Université d'État de l'Arizona - Ian C. Gilby

Le pouvoir de l’intimidation

Ces travaux s’inscrivent dans une série d’études publiées dans les dernières années qui montrent que les grands singes qui vivent dans le parc national de Gombe, en Tanzanie, possèdent des personnalités distinctes. Certains chimpanzés sont plus sociables, tandis que d'autres sont plus solitaires. Certains sont plus faciles à vivre, tandis que d'autres sont plus autoritaires ou plus prompts à se bagarrer, peut-on lire dans une étude publiée dans la revue Nature (Nouvelle fenêtre) (en anglais) en 2017.

Le psychologue Alexander Weiss de l’Université d'Édimbourg est un spécialise du langage. Il connaît bien les chimpanzés du parc de Gombe, puisqu'il a participé aux travaux publiés il y a 5 ans et qu'il est coauteur principal des présents travaux. Il a ainsi procédé à l'évaluation de leur personnalité en se basant sur des années d'observations quasi quotidiennes de leurs comportements et de leurs interactions.

C’est grâce à ces informations que les scientifiques ont pu constater que, parmi les 28 chimpanzés mâles étudiés, ceux qui présentent certains traits de personnalité – une combinaison de forte dominance et de faible conscienciosité – ont tendance à mieux réussir dans la vie que les autres.

Trois chimpanzés sont assis sur un rocher dans une forêt.

Trois chimpanzés sont assis sur un rocher dans le Parc national de Gombe en Tanzanie.

Photo : Getty Images / guenterguni

Brute un jour, brute toujours?

S’ils ne sont pas surpris du succès de l’intimidation de certains mâles, les chercheurs se demandent quand même pourquoi les chimpanzés mâles ne pas tous des tyrans… Si les brutes sont plus susceptibles de se hisser au sommet de la hiérarchie, de se reproduire et de transmettre leurs gènes à leur progéniture, pourquoi tous les mâles ne présentent-ils pas ces traits de personnalité? se demandent-ils.

C’est un véritable mystère évolutif, affirme Joseph Feldblum.

Selon l’une des théories avancées par les chercheurs pour expliquer cette réalité, certains traits de personnalité seraient plus rentables à différents moments de la vie des singes.

L'agressivité donnerait un avantage aux jeunes chimpanzés mâles, mais elle pourrait se retourner contre eux lorsqu'ils sont plus âgés. Il se peut aussi que certains traits de caractère soient un handicap dans la jeunesse, mais qu’ils représentent un atout en vieillissant, notent les chercheurs.

L'équipe a tenté de vérifier cette idée en scrutant près de 40 ans de données remontant aux premières observations de la primatologue Jane Goodall à Gombe. Les mêmes traits de personnalité ont été liés à la fois à un succès reproductif élevé et à un rang social élevé tout au long de la vie d'un individu, notent les chercheurs.

Ces observations laissent à penser que la diversité des personnalités chez les chimpanzés doit s'expliquer par d'autres facteurs. Il serait aussi possible qu’une personnalité gagnante varie en fonction des conditions environnementales ou sociales, ou qu'un trait soit bénéfique pour les mâles et défavorable pour les femelles, ajoute M. Feldblum.

Ainsi, si c'était le cas, les gènes associés à ces caractéristiques seraient conservés dans la population, poursuit M. Weiss.

Une idée qui évolue

Quoi qu’il en soit, le simple fait de penser que des animaux puissent avoir une personnalité était considéré comme tabou il n’y a pas si longtemps. Jane Goodall fut même accusée d'anthropomorphisme lorsqu'elle a décrit certains des chimpanzés de Gombe comme étant plus audacieux ou plus craintifs que d'autres, certains comme étant affectueux et d'autres plus distants.

La primatologue Jane Goodall avec un bébé chimpanzé dans ses bras.

La primatologue Jane Goodall visitant un refuge pour chimpanzés en Ouganda en juin 2018.

Photo : Getty Images / Sumy Sadurni

L’état des connaissances a bien évolué dans les dernières décennies, si bien que les scientifiques qui étudient de nombreux animaux, des oiseaux aux calmars, ont trouvé des preuves de l'existence de personnalités distinctes chez eux qui restent assez stables dans le temps et dans les différentes situations.

Pour Alexander Weiss, les évaluations de la personnalité des animaux se sont révélées aussi cohérentes d'un observateur à l'autre que les mesures similaires de la personnalité humaine.

« Nos résultats montrent que les évaluations sont un moyen valable de mesurer la personnalité des animaux et qu'elles sont liées à leur rang et à leur succès reproductif. »

— Une citation de  Alexander Weiss de l’Université d'Édimbourg

À l'avenir, ces traits pourraient être utilisés pour tester d'autres théories, comme celle qui postule que la personnalité des singes se maintient dans des environnements différents.

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