Des pénalités financières pour les emballages de plastique non recyclables au Québec
Responsable de la collecte sélective, Éco Entreprises Québec veut réduire la quantité de plastique dans les dépotoirs et susciter la création de nouvelles filières de recyclage.

Les entreprises qui mettent en marché des plastiques non recyclables se feront imposer des pénalités financières.
Photo : Radio-Canada
Après l’entrée en vigueur de la nouvelle consigne élargie et de la réforme de la collecte sélective, l’organisme Éco Entreprises Québec veut s’attaquer aux emballages de plastique non recyclables. Les entreprises qui les mettent en marché se feront ainsi imposer des frais.
À l’heure actuelle, seulement 21 % des plastiques employés au Québec sont recyclés. Pour renverser cette tendance, Éco Entreprises Québec, un OBNL privé responsable de la collecte sélective, veut serrer la vis aux fabricants et aux commerçants qui mettent sur le marché des plastiques sans filière de recyclage, qui peuvent être nocifs pour l’environnement.
Dès l’an prochain, Éco Entreprises Québec va ainsi imposer des pénalités financières aux fabricants, aux distributeurs et aux commerçants qui utilisent du polychlorure de vinyle (PVC) et de l’acide polylactique (PLA), deux résines de plastique, dans l’emballage de leurs produits.
Pollueur-payeur [...], c’est exactement ce même concept-là.
Selon la directrice de l’écoconception et de l’économie circulaire de cet organisme, Geneviève Dionne, le PVC et le PLA se trouvent dans les emballages de plusieurs produits.
Il y a différents types d’emballages qui peuvent être faits de PLA. On va en trouver dans la restauration rapide. Le PVC, on va le trouver sous forme rigide et sous forme souple, précise Mme Dionne. Quand vous achetez, par exemple, des draps, vous avez des sacs avec des fermetures éclair. Souvent, c’est une forme de PVC. On le trouve aussi sous forme solide dans des produits électroniques. [...] On en trouve encore malheureusement un peu dans l'alimentaire.
Les pénalités financières imposées s’ajouteront aux coûts qu'assument déjà les entreprises pour utiliser ces types de plastique afin de financer la collecte sélective, affirme Mme Dionne. Actuellement, le PVC et le PLA sont dans les matériaux où le tarif à la tonne est le plus élevé. [...] À ce tarif-là, on va ajouter une pénalité qui pourrait être de 20 %, de 30 %, de 40 % du montant qu’elles [les entreprises] paient déjà.
Geneviève Dionne ajoute que pour ce qui est des PLA, c’est un plastique qui, s’il est mis à la poubelle, va générer davantage de gaz à effet de serre qu’un plastique traditionnel dans le site d’enfouissement, et s’il est mis au bac de récupération, il peut contaminer des emballages recyclables. [...] Le PVC, entre autres, ce n’est pas juste pour des enjeux environnementaux qu’on met en place ces pénalités-là, c’est pour des enjeux de santé et de sécurité également. Le PVC, c’est cancérigène s’il est brûlé
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Les pénalités financières seront imposées aux producteurs ou aux commerces québécois qui importent ces plastiques, selon Philippe Cantin, d’Éco Entreprises Québec. C’est le producteur le plus haut dans la chaîne d’approvisionnement située au Québec qui paie pour les matières. [...] Quand ce sont des producteurs québécois, ce sont eux qui vont payer, parce que le manufacturier est ici au Québec, mais comme on est un pays d’importation pour beaucoup de produits, ça va souvent être le détaillant ou le distributeur de ces produits-là qui va avoir à payer.
Avec cette mesure, l’organisme qui a été désigné par Québec en octobre dernier pour gérer la collecte sélective en appliquant le principe de la responsabilité élargie des producteurs, souhaite amener les fabricants et les commerçants à n’utiliser que des matières recyclables dans l’emballage de leurs produits, selon Geneviève Dionne. Ce qu’on veut, c’est leur dire d'arrêter d’utiliser certains types d’emballages et d'encourager d’autres pratiques [...], parce qu’on sait qu’il existe des alternatives : l’alternative est là. Des fois, c’est que l’entreprise n’a pas nécessairement fait l'exercice de regarder.
On n’a pas force de loi, mais on a force de prendre des décisions pour que le système soit réellement circulaire.
Le directeur général du Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets, Karel Ménard, voit d'un bon oeil l'imposition de telles pénalités financières. Selon lui, c'est une excellente initiative parce que c'est ce qu'il faut faire. En fait, on veut décourager la production et la mise en marché de plastiques qui sont difficilement recyclables ou qui peuvent causer des problèmes à l'environnement.
Éliminer plusieurs types de plastiques
Éco Entreprises Québec espère ainsi réduire la quantité de plastiques envoyée dans les dépotoirs de la province et créer de nouvelles filières de recyclage. Quand les plastiques se retrouvent dans les bacs de récupération, 60 % d’entre eux sont recyclés.
À l’instar de l’Europe et plus particulièrement de la France, Éco Entreprises Québec souhaite éventuellement éliminer plusieurs types de plastiques difficiles à recycler ou carrément non recyclables des tablettes des commerces.
En France, plusieurs entreprises optent maintenant pour des matières recyclables dans la conception de leurs emballages, selon Fabrice Peltier, un consultant et designer européen d'écoconception d'emballages. Il se passe réellement une révolution de l’emballage en France [...], le mouvement est réellement en route aujourd’hui. Les industriels ont compris qu’il en allait de la pérennité de leur business et de la pérennité aussi de l’environnement, et ils s’engagent massivement vers ces solutions.
Éco Entreprises Québec applique la responsabilité élargie des producteurs, qui fait en sorte que les entreprises qui mettent en marché des produits en sont responsables de la conception jusqu'à la postconsommation, et ce, dans une perspective d'économie circulaire.
Les fabricants et les commerçants resteront donc responsables des emballages qu’ils mettent en marché et devront s’assurer qu’ils soient recyclables et recyclés. C’est dans cette optique que l’organisme veut améliorer la quantité et la qualité du tri et du recyclage, selon Geneviève Dionne.
On va avoir mainmise sur ce qui entre en centre de tri, sur la qualité du tri des ballots et sur la vente des matières, explique-t-elle. On va aller jusqu’au bout de la chaîne, donc c’est certain que pour nous, c’est important de s’assurer que ce qui est mis en marché par les entreprises, on peut adéquatement le gérer et lui donner une seconde vie.
Des équipes vont effectuer des vérifications.
Auparavant, Éco Entreprises Québec n’était responsable que du financement de la collecte sélective et des centres de tri. Les tarifs étaient imposés aux entreprises en fonction de la matière et des quantités de contenants et d’emballages qu’elles mettaient sur le marché. Les montants étaient versés aux municipalités pour financer la collecte sélective et les centres de tri.
La nouvelle consigne élargie doit entrer en vigueur en novembre prochain alors que la réforme du système de la collective sélective doit se faire de façon progressive d'ici la fin de 2024.